Rêves de santé – ISABELLE HEYMANS – « Cette transition, on l’a réussie ensemble »
Isabelle Heymans
Santé conjuguée n°98 - mars 2022
Elle a travaillé comme médecin généraliste en maison médicale dans la région liégeoise et à la Fédération pendant seize ans. D’abord chargée de mission pour la cellule politique, puis chargée de projet au service d’études, et enfin secrétaire politique et secrétaire générale.
Quand j’ai étudié la médecine, je pensais que je ferais de l’humanitaire en pays en voie de développement. Pour moi, la médecine générale en Belgique ce n’était pas imaginable parce que je croyais que ça n’existait qu’en solo. En stage de sixième année, j’ai découvert Jean Laperche qui travaillait dans une pratique de groupe à Barvaux-sur-Ourthe. J’ai découvert les maisons médicales et j’ai découvert un espace dans lequel il me paraissait réalisable de travailler en Belgique, parce que je ne conçois que de travailler en équipe, en pluridisciplinarité, ensemble. Mon maitre de stage visitait ses patients à moto. Pour moi, c’était frais, c’était enthousiasmant de rencontrer des gens qui abordaient ce métier dans la simplicité, en étant proche des gens. Quand je suis arrivée dans le mouvement des maisons médicales, il y avait des débats politiques relatés comme des rencontres entre les dinosaures et les gazelles, les dinosaures étant les fondateurs du mouvement, pour la plupart des soixante-huitards, souvent des hommes et qui étaient encore pour un certain nombre d’entre eux porteurs du mouvement à la Fédération ou dans leur maison médicale. Et puis il y avait une jeune génération qui avait 20-25 ans, qui arrivait et qui apportait ses propres idées. Un bagage de bonnes nouvelles, voir une relève arriver, et de crainte que le mouvement ne soit détourné. C’est une manière imagée de parler de l’enjeu de la relève… Quand j’ai dû me poser la question de reprendre cette fonction de secrétaire générale, je me souviens, j’ai demandé à Jacques Morel « c’est quoi être secrétaire générale ? ». Il m’a répondu : « ce sera ce que tu en feras ». C’est une fonction à la fois politique, stratégique, à la fois de leadership de toute une équipe et de tout un mouvement. On est loin d’être seul dans ce leadership, mais on y contribue forcément. Mais comment on le fait, ce que l’on délègue varie d’une personne à l’autre en fonction de ses tropismes. Quand un mouvement existe depuis vingt ans ou trente ans et n’a eu qu’une tête de proue depuis le début – forcément une personne qui a un visage, un nom, un discours, un charisme, qui est connue, qui incarne un peu le mouvement – c’est un défi d’arriver derrière, d’être la première avec laquelle une transition se fait. Pour moi, ce n’était pas gagné d’avance. Maintenant je ne venais pas de nulle part, j’étais dans le mouvement depuis longtemps, j’avais cette chance de bien connaitre le mouvement et d’avoir un grand capital confiance de la part de mes collègues. Je n’ai pas réussi seule cette transition, on l’a réussie ensemble.
En 2014, démarre le chantier important de la qualité. Le nom « maison médicale » n’est pas protégé ; le forfait est accessible à toutes sortes de pratiques. Face à l’éclosion de structures dont les objectifs ne sont pas tout à fait les mêmes, on s’est dit qu’on pourrait avoir un label. L’objectif, c’est que le public puisse s’y retrouver. Très vite, cette question s’est posée : qu’est-ce qu’on met à l’intérieur du label ? On a longtemps travaillé là-dessus et le projet DEQuaP (Développons ensemble la qualité de nos pratiques) a été construit de manière très participative avec les travailleurs et les usagers des maisons médicales, il y a eu énormément de consultation sur ce qu’il devait y avoir à l’intérieur du mot « qualité » d’une maison médicale. Organisation de l’équipe, participation des patients, promotion de la santé, prévention, qualité des soins, accessibilité… l’idée était que les critères correspondent aux valeurs et aux objectifs que l’on s’est définis en tant que maison médicale membre de la Fédération des maisons médicales.
DEQuaP (Développons ensemble la qualité de nos pratiques)
Ce projet de la Fédération, initié en 2017, est issu de la recherche-action « Label » et comme celle-ci, il est mené en collaboration avec la Vereniging van Wijkgezondheidscentra (VWGC). DEQuaP propose aux maisons médicales un parcours d’autoévaluation : les travailleurs sont invités à observer et analyser leurs pratiques et le fonctionnement de leur équipe, à les évaluer avec l’aide d’un accompagnateur extérieur sur base d’un questionnaire qui aborde toutes les facettes du secteur et à s’essayer à des améliorations. Les critères se réfèrent à des valeurs comme l’interdisciplinarité, l’accessibilité, la promotion de la santé, la santé communautaire… Pour la Fédération, il s’agit surtout de lancer les maisons médicales dans un processus de réflexion. Le chemin est plus important que la destination !
Cet article est paru dans la revue:
Santé conjuguée, n°98 - mars 2022
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F.D. : Quand je suis arrivée à la Fédération des maisons médicales, l’une des premières choses que l’organe d’administration m’a dites, c’est que j’avais tendance à survaloriser ce mouvement et que j’en comprendrais vite la complexité. Effectivement !(…)