Rêves de santé – CORALIE LADAVID – « L’éducation permanente, c’est une philosophie »
Coralie Ladavid
Santé conjuguée n°98 - mars 2022
Assistante sociale à la maison médicale Le Gué, elle a été ensuite secrétaire politique de la Fédération. Aujourd’hui, elle est échevine à la ville de Tournai en charge du logement, de la participation citoyenne, de l’égalité des chances et de la solidarité internationale.
Je suis arrivée à la maison médicale dans le quartier Saint-Piat, je savais qu’il avait mauvaise réputation, qu’il y avait une grande pauvreté. Très vite, j’ai pu mettre en place, et avec d’autres évidemment, de la dynamique de quartier et du travail communautaire. Et très vite j’ai voulu allier l’approche individuelle et l’approche collective au niveau social, parce que je suis persuadée qu’il existe une complémentarité entre les deux. Si on ne fait que du collectif, le lien est difficile à avoir au départ et on a du mal à aller plus loin parce que le collectif est plus insécurisant. On a besoin d’être d’abord dans cette approche individuelle où un lien de confiance se met en place. C’est vraiment ça qui m’anime : que chacun puisse avoir la chance, la même chance. Je sais qu’on n’est pas égaux, mais c’est la société qui doit pouvoir faire en sorte que ces inégalités changent et c’est un devoir collectif d’agir là-dessus. Penser que ça se règle tout seul est un leurre. Les maisons médicales ont des latitudes vraiment importantes pour pouvoir être réactives aux observations de terrain, au vécu. Elles ont toujours une longueur d’avance par rapport à des institutions plus cadenassées. Cela reste des petites structures flexibles qui peuvent réagir très vite. Le système autogestionnaire permet aussi de répondre au plus vite aux besoins identifiés. L’éducation permanente, c’est une philosophie, une démarche de redonner confiance aux gens et de valoriser leurs potentialités pour qu’eux-mêmes puissent devenir acteurs de changement, changement de leur situation personnelle, changement de fonctionnement de la société. L’éducation permanente, c’est un état d’esprit. Le financement de l’éducation permanente porte uniquement sur des niveaux plus collectifs, jamais sur les niveaux individuels. Du coup, je trouve que ça cloisonne le secteur dans une démarche collective. Chacun peut recevoir de l’autre et chacun peut donner, c’est vraiment cet état d’esprit qu’il faut changer.
Elle s’est impliquée dans la Fédération. Son poste : secrétaire politique. L’idée était de coordonner l’action politique : le secrétaire général ayant une action plus large sur l’ensemble de la Fédération et donc à la fois sur l’interne et sur l’externe, tandis que secrétaire politique, c’était plus une action de lobby, de reconnaissance du modèle, de plaidoyer. La Fédération a été ma meilleure école, j’y ai rencontré des personnes qui m’ont apporté énormément pour comprendre le monde, comprendre le système dans lequel on est, comprendre l’organisation des soins de santé en Belgique et pas uniquement la première ligne. Et quand je dis les soins de santé, c’est les soins de santé avec l’ensemble des déterminants, le fonctionnement général de la société. Les permanents politiques de la Fédération étaient obligatoirement des personnes qui travaillaient en maison médicale avec les patients. On a continuellement ce lien entre ce qu’on observe et une analyse plus théorique. Cette gymnastique-là, c’est ce que je continue à faire aujourd’hui. C’est ce qui permet d’être en phase entre ce qui se passe et ce qu’on peut essayer de changer.
Éducation permanente En 1994, la Fédération est reconnue à la suite du GERM comme organisme d’éducation permanente par la Communauté française. Elle obtient aussi que les maisons médicales puissent prétendre au remboursement d’une partie des frais générés par leurs activités d’éducation permanente. Depuis trente ans, le service d’éducation permanente de la Fédération s’est attelé à défendre les valeurs et la vision de celle-ci. Son but est d’offrir des espaces et outils de débats (congrès, colloques, clubs de réflexion…) à tous ceux qu’intéressent la politique de santé et les rapports santé-société. Le service d’éducation permanente organise des formations, notamment de conscientisation politique. Il stimule les maisons médicales à organiser elles-mêmes des activités d’éducation populaire et à développer leurs pratiques d’autogestion. Il a élaboré des programmes d’accueil pour stagiaires et pour nouveaux travailleurs en maison médicale. Pour les usagers, il a soutenu la constitution dans plusieurs agglomérations de groupes permanents destinés à développer leur capacité d’action et à interpeller les acteurs du système de santé (2014). Il a été un des moteurs du projet Université ouverte en santé (2006-2010).
Le concept d’éducation permanente est intimement lié à celui de santé communautaire. Dans les deux cas, il s’agit d’une démarche destinée à développer chez les adultes leurs capacités d’analyse critique des réalités sociales, leur sens des responsabilités et leur participation active à la vie sociale, économique, culturelle et politique. « Quand les maisons médicales évoquent la nécessité d’une participation active des patients et plus largement de la population à la gestion des problèmes de santé, elles font largement appel à cette définition » (Jacques Morel, 1996).
Cet article est paru dans la revue:
Santé conjuguée, n°98 - mars 2022
(Re)créer des espaces politiques
Inventé en 2002 par l’association Lézards politiques et diffusé par diverses coopératives d’éducation populaire françaises, le porteur de paroles est un outil d’animation qui vise à (re)créer du débat politique dans l’espace public autour d’une question(…)
L’histoire, un outil de formation
À Gilly, Namur, Bruxelles ou Liège, quelques tonnelles, un lieu d’accueil et, à côté du dispositif Porteur de paroles mis en place lors d’actions locales célébrant les quarante ans de la Fédération [1], un public nombreux discute(…)
Quels défis pour le mouvement ?
Réunis sur base volontaire le temps d’une demi-journée, neuf soignants et deux patients de maisons médicales bruxelloises, liégeoises et brabançonne ont mis en commun leurs observations et aspirations à propos d’enjeux qu’ils et elles estiment prioritaires(…)
Introduction n°98
Des rencontres, des échanges, des histoires… en quarante ans nous en avons accumulé ! Quatre décennies de lutte pour une vision de l’organisation des soins de santé dans notre pays, peut-être même pour une vision de l’organisation(…)
Ligne du temps : De A à Z – Histoire(s) du mouvement des maisons médicales
Ces dénicheuses de pépites, ces voyageuses dans le temps sont Marie-Laurence Dubois (Valorescence) et Annette Hendrick (ORAM). Leur inventaire et le classement des documents de la Fédération préparant la démarche historique proprement dite, pour laquelle elles(…)
Rêves de santé
Le projet remonte à l’été 2021, à l’envie de marquer le coup pour les quarante ans de la Fédération des maisons médicales en recueillant les témoignages de ses pionniers. Pour se rappeler d’où l’on vient, du(…)
Rêves de santé – JACQUES MOREL – « C’est la société qui est malade »
C’est un peu l’alliance d’une préoccupation pour une médecine humaine et d’une dimension politique. Ils se fondent sur les travaux du GERM, le Groupe d’étude pour une réforme de la médecine qui est né en 1964(…)
Rêves de santé – NATACHA CARRION – « Le projet de la maison médicale, c’était le rêve devant ma porte »
Au moment du coup d’État, le régime a décidé que nous étions des indésirables, des terroristes. J’ai été en prison pendant deux ans. Mon mari a disparu, certainement assassiné. Moi j’ai été sauvée de justesse. On(…)
Rêves de santé – RI DE RIDDER – « Un système qui n’est pas efficient »
Je suis venu à Gand pour étudier et j’y suis resté. On a fondé dans ce quartier une maison médicale. En néerlandais, ça s’appelle wijkgezondheidscentrum — centre de santé de quartier. J’y ai travaillé pendant vingt-quatre(…)
Rêves de santé – MICHEL ROLAND- « Notre modèle structuré est devenu le modèle belge »
En 1977, on s’est dit « on va essayer de faire une maison médicale plus conviviale, plus proche des gens, de la population ». On a choisi une maison qu’on a rénovée nous-mêmes pendant des mois, on a(…)
Rêves de santé – JEAN-MARIE LÉONARD – « Penser la santé autrement »
À l’époque, syndicalement, le secteur de la santé c’était les hôpitaux point à la ligne. Quand j’arrive comme permanent à Charleroi avec quelques collègues et une série de travailleurs dont quelques médecins de la région, mais(…)
Rêves de santé – BRIGITTE MEIRE – « Mutualiser nos forces »
J’étais représentante du personnel au conseil d’entreprise, je voulais comprendre le fonctionnement de l’hôpital ; j’ai aussi compris le fonctionnement du système de santé belge. Puis je suis partie en maison médicale et, en 2000, il y(…)
Rêves de santé – MONIQUE BOULAD – « On nous appelait les petits médecins »
Nous avions vraiment envie de rompre avec la médecine libérale que nous trouvions beaucoup trop commerciale. Nous voulions travailler en groupe, ce qui était à l’époque tout à fait nouveau. On s’est mis dans des quartiers(…)
Rêves de santé – PIERRE DRIELSMA – « Une arme redoutable pour le changement social »
Souvent à l’époque, on utilisait l’exemple chinois. Dans la médecine chinoise traditionnelle, les médecins étaient payés quand on était en bonne santé, et quand on tombait malade ils étaient pénalisés. Il y avait une espèce de(…)
Rêves de santé – BERNARD VERCRUYSSE – « Le pouvoir est fondamental »
Ce qui nous importait avant tout c’était les réunions de réflexion sur la santé du quartier. J’ai eu beaucoup de chance au début parce qu’il y avait un leader, une personne influente de la communauté turque,(…)
Rêves de santé – ISABELLE HEYMANS – « Cette transition, on l’a réussie ensemble »
Quand j’ai étudié la médecine, je pensais que je ferais de l’humanitaire en pays en voie de développement. Pour moi, la médecine générale en Belgique ce n’était pas imaginable parce que je croyais que ça n’existait(…)
Rêves de santé – CORALIE LADAVID – « L’éducation permanente, c’est une philosophie »
Je suis arrivée à la maison médicale dans le quartier Saint-Piat, je savais qu’il avait mauvaise réputation, qu’il y avait une grande pauvreté. Très vite, j’ai pu mettre en place, et avec d’autres évidemment, de la(…)
Rêves de santé – RUDY PIRARD – « Celui qui connait le mieux sa situation, c’est le patient »
Le quartier du Laveu est un quartier en train de s’embourgeoiser, mais qui à la base est très populaire. On a pour l’instant une grosse mixité : des familles de trente quarante ans avec de jeunes enfants(…)
Rêves de santé – CLARISSE VAN TICHELEN – « Ce n’est pas juste une question d’accès financier »
Quand on parle de maison médicale, tout le monde n’a pas la même chose en tête : une structure de première ligne qui fonctionne au forfait, une structure affiliée à la Fédération des maisons médicales, une structure(…)
Rêves de santé – MICKY FIERENS – « Chaque personne a quelque chose à apprendre aux autres »
Dans les années 1980, les soignants avaient envie d’avoir un retour de ce que les patients ressentaient par rapport à la maison médicale, mais aussi sur la manière dont ils voulaient être soignés et ce qu’était la(…)
Rêves de santé – HÉLÈNE DISPAS – « Tout ce que l’on fait est politique »
Le bureau stratégique – pour résumer avec un mot que peu de gens aiment –, on dirait qu’on est des lobbyistes au service d’une bonne cause. Évidemment, les lobbyistes pensent toujours que leur cause est la(…)
Rêves de santé – ISABELLE DECHAMP – « La première ligne de la première ligne »
Au début, l’accueil à la maison médicale avait été organisé par des patientes, qui l’ont fait du mieux qu’elles pouvaient, mais sans tenir compte d’options professionnelles : l’écoute, l’organisation, le planning, l’accueil du patient en tant que(…)
Rêves de santé – AUDE GARELLY – « Rester puriste ou s’ouvrir »
La Fédération travaillait depuis plusieurs années sur la mise à jour des critères de membre pour coller à la réalité du mouvement et des enjeux de santé publique aujourd’hui. Je suis allée voir des partenaires ou(…)
Rêves de santé – FANNY DUBOIS – « Un système qui gère des maladies plutôt que de prévenir la santé »
Je ne suis pas tout de suite tombée dans le mouvement des maisons médicales. Je suis d’abord passée par la mutualité. Même si j’ai à cœur de toujours garder un lien avec le terrain, de toujours(…)
Rendez-vous en 2062 !
F.D. : Quand je suis arrivée à la Fédération des maisons médicales, l’une des premières choses que l’organe d’administration m’a dites, c’est que j’avais tendance à survaloriser ce mouvement et que j’en comprendrais vite la complexité. Effectivement !(…)