C’est désormais un rendez-vous régulier pour la Fédération des maisons médicales, comme pour les millions de femmes dans le monde qui se font entendre (un peu plus fort) ce jour-là. C’est l’occasion de rappeler à quel point le genre influence les rapports qui se jouent entre les professions de santé et le pouvoir d’action de chacune d’elles dans le système de soins.
La médecine, encore majoritairement masculine, a un pouvoir d’action plus important que les autres professions soignantes, en témoigne par exemple sa zone d’influence à l’INAMI. Cette profession se féminise, mais cela n’a pas toujours été le cas ; un petit détour dans les archives de la grève menée par les médecins en 1964 montre que le mouvement rassemblait essentiellement des hommes. Aujourd’hui, les choix de spécialisation sont encore largement façonnés par le genre. Tandis que la médecine générale se féminise, la chirurgie reste en majorité masculine. Et, pour le dire grossièrement, les spécialités masculines ont un meilleur revenu et plus de pouvoir d’agir (l’Absym, le syndicat des spécialistes a plus de mandats à l’INAMI que le GBO, le syndicat des généralistes).
Du côté de la profession infirmière, ce phénomène est encore plus marqué avec 85 % de femmes, un taux stable depuis de nombreuses années. Pourquoi ? Cette profession est encore symboliquement associée à des domaines dits féminins comme le soin à l’autre, la maternité, l’hygiène… qui ont moins droit de cité dans la sphère publique et politique, car associés à l’intimité de la vie privée.
Le ministre de la Santé, Franck Vandenbroucke, a été dans le bon sens en augmentant les quotas de médecins généralistes par rapport aux spécialistes, mais ses idées ne semblent pas aussi lumineuses pour la profession infirmière. La dernière modification de loi visant à créer une nouvelle fonction dans l’échelle de soins, l’assistante en soins infirmiers, ne fait que renforcer la division dans cette profession. Or, plus un corps professionnel est divisé, moins il peut s’organiser pour faire entendre sa voix en raison des logiques de concurrence.
Les mobilisations du 8 mars permettent de rappeler que l’angle du genre est pertinent pour notre travail d’évaluation des politiques publiques, et plus particulièrement celles qui concernent les métiers de la santé. Restons donc vigilantes !
Cet article est paru dans la revue:
Santé conjuguée, n°106 - mars 2024
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