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Des mutuelles, des associations et des syndicats membres de la Coalition Santé organisent une vaste campagne nationale de sensibilisation et de mobilisation sur les soins de santé en vue des élections fédérales et régionales de 2024. Le lancement est prévu pour le 7 novembre 2023, avec, en ligne de mire, un nouveau projet de société pour vivre mieux.

Depuis 2007, en vue de la célébration des trente ans de la déclaration d’Alma-Ata1 des acteurs d’horizons différents, tous préoccupés par le droit à la santé, ont décidé d’unir leurs forces et de coordonner leurs efforts afin de prévenir les conséquences des politiques néolibérales sur le plan social et sanitaire. Ils travaillent à informer, sensibiliser et mobiliser les professionnels de santé et les citoyens autour de ces questions, ils organisent de nombreuses manifestations, des actions ciblant les politiques, des événements de sensibilisation ou encore des groupes de travail alliant santé et environnement, santé et travail, approche locale et approche globale, entre autres. Connue comme la Plateforme d’action santé et solidarité, la PASS a tout récemment fait peau neuve et s’engage dans un nouveau cycle de travail avec un nouveau nom : la Coalition Santé, et avec une base élargie. De nouvelles associations d’éducation permanente, la FGTB, la CNE, Solidaris, la Mutualité chrétienne, la Fédération des maisons médicales, Culture & Santé ainsi qu’une trentaine d’autres associations en font partie. Un nouveau souffle dans le but de revendiquer toujours haut et fort un système de soins de santé de meilleure qualité et plus accessible à toutes et à tous.

La santé, mais pas que…

Ce changement de nom s’accompagne de plusieurs changements structurels : renouvellement de l’organe d’administration et de l’assemblée générale, mise à disposition de plus de moyens financiers et définition d’une nouvelle base politique commune. Des groupes de travail thématiques ont été mis en place, composés des experts de chaque structure, dans le but d’élaborer des revendications et de les faire entendre aux différents gouvernements. Si ces revendications concernent directement la politique de la santé, elles visent également de nombreux autres domaines de la vie. De l’alimentation saine et accessible pour tout le monde à la lutte contre la pénurie de soignants en passant par le renforcement des mécanismes de concertation et de co-gestion et l’aménagement du territoire, la Coalition Santé promeut une vision de la santé la plus large possible en prenant en compte tous ses déterminants – médicaux et non médicaux – dans le but de réduire les inégalités en santé.

Peut mieux faire

Le dernier classement en date réalisé par Health Consumer Powerhouse, groupe de réflexion sur la politique de la santé, considère que notre petit pays dispose du « système de santé peut-être le plus généreux d’Europe »2 et le positionne à la cinquième place (sur trente-cinq, derrière la Suisse, les Pays-Bas, la Norvège et le Danemark) dans ce classement basé sur quarante-cinq indicateurs rendant compte de la qualité du système de soins de santé (information et droits du patient, accessibilité, gamme et portée des services fournis, résultats, prévention, médicaments). Tout irait donc pour le mieux dans le meilleur des mondes ? La Coalition Santé n’est pas de cet avis. Ce n’est pas parce qu’un système fonctionne mieux qu’un autre qu’il est bon et, en tant qu’acteurs de la santé, nous ne pouvons pas nous résoudre à simplement constater notre soi-disant excellence sans pointer les coquilles qui trainent encore sur notre copie.
Le Covid nous a montré à quel point un grain de sable dans un engrenage pouvait perturber toute la machine. Du jour au lendemain, le travail s’est arrêté ou s’est adapté, les écoliers se sont retrouvés confinés à la maison et les personnes âgées isolées. Nous vivons dans un monde interconnecté qui ne peut se permettre de négliger la santé physique, mentale et sociale des humains ou des animaux. Un virus qui se développe à plusieurs milliers de kilomètres de chez nous peut paralyser une grande partie de nos activités et de nos vies pendant des mois. Comme de telles crises sont amenées à se répéter et qu’elles seront probablement encore plus fortes et violentes dans le futur, il est indispensable de développer un système de santé solide, bien financé et porté par des personnes respectées dans leurs conditions de travail.
Cette crise sanitaire a mis en lumière plusieurs éléments. Elle a révélé de manière criante les inégalités inhérentes à notre système de soins de santé et elle a accentué les inégalités sociales de santé. Comme le note l’Observatoire social du Hainaut dans son rapport de mai 2020, « l’idée commune selon laquelle le coronavirus nous affecte toutes et tous sans faire de différence est profondément fausse, et c’est même une illusion dangereuse, car elle mène à l’inertie là où l’action devrait prévaloir. Les personnes vulnérables deviennent encore plus vulnérables en période de pandémie. Il est particulièrement important de prendre note de la vulnérabilité liée à la pauvreté, à la discrimination, au genre, à la maladie, à la perte d’autonomie, à l’âge avancé et aux situations de handicap […]. Pour limiter les conséquences de la crise sanitaire et socioéconomique, la santé publique se doit d’innover de nouvelles stratégies pour s’attaquer aux déterminants sociaux qui sont susceptibles d’agir sur la réduction des inégalités sociales de santé »3. Plus le statut socioéconomique est faible, plus le risque est grand d’être en mauvaise santé, de contracter des formes sévères de la maladie (en lien notamment avec une exposition accrue au virus liée à l’exercice de certaines professions), et plus le risque est grand également d’être touché plus durement. Selon l’Insee, « trois facteurs, souvent cumulatifs, renforcent les inégalités sociales de santé lors des épidémies : les inégalités face au risque d’exposition, les différences de vulnérabilité face à la maladie et les écarts d’accès aux soins »4.
Le Covid a accéléré d’autres tendances à l’œuvre avant son arrivée. La pénurie de soignantes et de soignants, par exemple, déjà criante avant la fin de l’année 2019 n’a fait qu’empirer. « La pandémie a trouvé ce personnel déjà en souffrance, celle-ci étant encore amplifiée par des mesures de restriction budgétaire ne permettant pas de couvrir l’augmentation des besoins en santé d’une population vieillissante. Les efforts réalisés par l’ensemble de ces métiers enfin reconnus comme “indispensables” ont été trop importants pour qu’ils puissent être compensés. De plus, la fin de la pandémie n’a pas été l’occasion d’un relâchement de l’activité sanitaire. Au contraire. Pour, au mieux, le motif médical de limiter les conséquences des reports de soins lors de la pandémie (avec aggravation des pathologies), mais aussi, dans certaines disciplines, pour compenser les pertes économiques, l’outil hospitalier notamment a relancé une activité intensive de “rattrapage”. Le personnel n’a pas pu suivre », analyse Yves Hellendorff, secrétaire national CNE Non-Marchand5. En fin d’année 2022, l’ambassadrice des soins de santé, Candice De Windt, annonçait qu’il manquait entre 25 000 et 30 000 infirmiers et infirmières en Belgique6. La solution ne viendra pas uniquement d’un financement plus important, mais aussi et surtout de meilleures conditions de travail. Il faut avoir le courage de mettre en place les changements structurels dont notre système de soins a besoin.
Certes, certains mécanismes de protection sociale ont permis d’amortir le choc produit dans nos sociétés par le Covid. Les allocations de chômage temporaire par exemple ont donné la possibilité à de nombreuses personnes de conserver des revenus et un certain niveau de vie malgré le lock down généralisé et la baisse soudaine de l’activité. Le remboursement par les mutuelles des tests PCR a permis que tout le monde puisse y avoir accès et donc augmenter la prévention. Il en va de même pour les mécanismes de santé : une santé accessible à tout le monde et de qualité entraine les conditions d’une bonne santé la plus large possible, crise sanitaire ou pas. Bien que les personnes plus précaires soient plus touchées, les virus et les maladies ne font pas de différence de niveau socioéconomique et n’importe qui peut être concerné. Et lorsqu’un service d’urgence est saturé, il l’est pour tout le monde. « Il n’y a pas de fatalité en politique. Réinvestir massivement de l’argent public dans tous les secteurs dits sociaux (éducation, santé, sécurité et protections sociales et, bien sûr, faire de la protection des conditions de vie et de la planète un nouveau service public au cœur de toutes les politiques), tout en remarginalisant massivement les logiques marchandes de la propriété lucrative reste le choix de démocratie maximal », note Corine Gobin, maître de recherche du Fonds de la recherche scientifique (FNRS) à l’ULB7.

Une mobilisation nationale

Plurielle, la Coalition Santé bénéficie à la fois d’expertises de recherche, de pratique et de terrain. Dans nos agences, sur les lieux de travail et dans nos associations nous voyons tous les jours les difficultés que pose notre système de santé, mais nous voyons aussi des solutions. La Coalition Santé plaide pour que les balises choisies par nos décideurs et décideuses politiques soient celles de la solidarité et de la redistribution dans le but de conserver ce bien commun si précieux qu’est la santé. Au-delà du plaidoyer, elle lancera en octobre 2023 la campagne nationale #VivreMieux !, qui s’inscrit dans l’agenda des élections fédérales, régionales et européennes du 9 juin 2024.
#VivreMieux défend une série de trente revendications (lire ci-dessous). Des mesures concrètes qui concernent tous les ministères et qui ont pour but d’améliorer la vie des gens. Entre remettre de la verdure dans nos villes, avoir la possibilité de s’alimenter sainement, ne pas se voir sanctionné quand on est malade de longue durée et payer le juste prix pour les médicaments, nous faisons le choix de ne pas choisir !
Cette campagne est un appel aux forces vives pour impliquer les politiques. Grâce à ses objectifs de sensibilisation, de plaidoyer et de mobilisation, #VivreMieux a le potentiel de catalyser un changement positif, favorisant des réformes progressistes et renforçant la participation citoyenne en vue de la transformation du système de santé belge. Rendez-vous en octobre pour vivre ensemble cette campagne, pour que tout le monde puisse #VivreMieux !

 

Plan de campagne
La campagne s’articule en deux volets. Le premier (octobre 2023 – décembre 2023) se concentrera sur la promotion de la santé, l’éducation, le travail, la gouvernance, l’aménagement du territoire, le logement, la mobilité, l’alimentation.
Dans un second temps (janvier 2024 – mai 2024), la campagne abordera les aspects liés à l’accessibilité de la santé : financement des soins de santé (révision à la hausse de la norme de croissance du budget de l’assurance maladie, augmentation du budget alloué à la promotion de la santé, meilleure régulation, transparence des dépenses en médicaments), revalorisation des métiers de l’aide et du soin, renforcement de la première ligne (refinancement généralisé, renforcement des modes de contact avec les citoyens, favorisation de la logique du forfait.), meilleure planification des soins (plan d’action interfédéral de l’offre en santé en fonction des besoins réels de la population, accès facilité à la formation pour le personnel soignant et un meilleur échelonnement des soins), renforcement de la sécurité tarifaire et de l’accès aux soins (augmentation du taux de prestataires conventionnés, suppression du conventionnement partiel et des suppléments d’honoraires à l’hôpital, automaticité du statut BIM).
La campagne se clôturera par une manifestation juste avant les élections, la plus large possible pour montrer le soutien dont bénéficie ce modèle en rupture avec les logiques néolibérales destructrices appliquées jusqu’ici. Plus d’information sur www.coalitionsante.be.

  1. Déclaration d’Alma-Ata, https://apps.who.int.
  2. A. Björnberg, A.Y. Phang, Euro Health Consumer Index 2018, https://healthpowerhouse.com.
  3. Observatoire de la Santé du Hainaut, Quand le masque tombe… la crise de la pandémie du Covid-19 dans l’aggravation des inégalités sociales de santé, 13 mai 2020, https://observatoiresante.hainaut.be.
  4. M. Barhoumi et al., Les inégalités sociales à l’épreuve de la crise sanitaire : un bilan du premier confinement, Insee, 2020, www.insee.fr.
  5. Y. Hellendorff, « Un manque généralisé », Santé conjuguée n° 103, juin 2023.
  6. W. Visterin, E. Huybrechts, « La Belgique recherche au moins 25 000 infirmières », www.jobat.be, 21 septembre 2022.
  7. C. Gobin, « État social et démocratie : où en sommes-nous ? », Santé conjuguée n° 96, septembre 2021.

Cet article est paru dans la revue:

Santé conjuguée, n°104 - septembre 2023

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