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La nage à contre-courant


Santé conjuguée n°103 - juin 2023

Que signifie être infirmier ou être infirmière ? Est-ce le lieu de pratique, le port de l’uniforme qui garantit cette identité professionnelle ? Ces questions n’ont eu de cesse d’accompagner mon parcours en santé communautaire.

Des chartes riches en ambitions (La Santé pour tous en l’an 2000) ou en stratégies (Alma Ata et Ottawa) et des notions (déterminants sociaux de la santé, inégalités sociales de santé, lois publiques saines)… Autant de visions qui m’ont convaincue d’agir en amont de ce que je percevais dans les différents services hospitaliers qui m’ont accueillie en stage. Mais comment faire ? Je me suis tout naturellement orientée vers la spécialisation en santé communautaire, qui ne comptait qu’une petite dizaine d’inscrits. Chacun, chacune avait ses représentations, mais j’ai été marquée par des formulations récurrentes : « je veux quitter les soins, quitter l’hôpital », « je n’ai pas trouvé ce que je cherchais dans mes études d’infirmière »… Étions-nous vraiment occupés à quitter une profession ou au contraire à poursuivre le développement de notre identité professionnelle ? La question me semblait importante, ainsi que le formule le sociologue François Aballéa, « tant elle touche à des problèmes d’inclusion ou d’exclusion, de compétence ou de déni de compétence, d’appartenance ou de non-appartenance, en fonction de la représentation que l’on a du groupe professionnel, de son pouvoir, de son autorité et de l’intérêt que l’on a ou non à y être assimilé »1. J’ai creusé le sujet dans mon mémoire de master en sciences de la santé publique2.

Quatre typologies

Deux niveaux d’analyse ont été abordés dans cette enquête : l’un traite de l’identité professionnelle des infirmiers et infirmières spécialisés en santé communautaire et l’autre concerne l’identité professionnelle au regard de la formation initiale. Les résultats d’un questionnaire et d’entretiens semi-directifs ont fait apparaitre différents sens donnés à la formation en santé communautaire, qui s’entremêlent et la décrivent tantôt comme une fuite de la profession de base (qui conduit à une pratique professionnelle mettant trop l’accent sur la technicité), une réconciliation avec sa profession de base (par la possibilité d’appréhender le métier sous un autre angle, ailleurs qu’à l’hôpital), un aboutissement de la formation de base ou un tremplin vers autre chose (études, carrières…). Le tout avec un accent particulier sur la dimension sociale et l’accomplissement, dans un élan d’ouverture au monde. La recherche d’une « autre manière de penser le soin » est l’élément principal du choix de la spécialisation.

Des valeurs fortes

Omniprésente, la notion d’ouverture se traduit par la découverte de nouveaux lieux de pratique (« j’ai fait un stage auprès de femmes battues, quelle expérience ! »). C’est aussi une forme de légitimation de valeurs chères, évoquées de manière unanime, que sont l’humanisme, la dignité, la solidarité, l’équité et la justice sociale. Elles ont un ancrage personnel, mais il convient de les envisager aussi d’un point de vue sociétal, notamment par le développement d’une « conscience politique ». Cet aspect militant préexistait à la spécialisation, mais le manque de méthode était une entrave (« il me manquait les moyens d’agir, des clés, des notions à mettre en avant, une façon d’articuler les choses »). Avec la spécialisation, « des balises », de la « structure » ou encore une « démarche » ont été trouvées. La spécialisation apporte également du sens par rapport à la formation initiale et à la profession d’infirmier, car si le « dégoût », la « révolte » par rapport au diplôme de base procurait un sentiment de mal-être, la spécialisation en santé communautaire « m’a vraiment permis de me renouer avec les soins infirmiers ». Les répondants mettent en avant différents éléments qui leur ont permis de trouver un « savoir-être, une posture soignante » qui leur convient mieux. L’un d’eux signale qu’il est passé « du soin vu comme un acte technique à la notion de prendre soin ». En effet, il s’agit de se permettre « de prendre du temps pour suivre le rythme de l’autre, suivre son cheminement, son histoire de vie ». Les répondants signalent pouvoir envisager l’acte technique, qui reste une « préoccupation secondaire », comme « un moment de rencontre, d’écoute ». Cet aspect relationnel est essentiel pour l’ensemble des répondants.

Une ouverture à un nouveau milieu

La spécialisation en santé communautaire peut s’exercer sur tout lieu de pratique. Pour autant, le milieu extrahospitalier est vécu comme un « idéal » de par « une organisation » et une « méthodologie de travail » qui correspondent à leurs aspirations professionnelles et personnelles. Le vécu du monde hospitalier est souvent négatif, un milieu qualifié de « déshumanisé ». L’hôpital, tel une usine qui tourne et « doit surtout être rentable » entraine un mode de fonctionnement préjudiciable et propice à cette « déshumanisation » perçue. Le rendement exigé induit « une rapidité, une performance, un rythme » et les conditions de travail sont dénoncées. La lourdeur est évoquée par rapport à une charge de travail (« j’avais 25 patients sous ma responsabilité ») et aux horaires (« on me faisait bosser six jours matin puis soir puis matin »). Ces éléments rendent difficile le travail en équipe (« la fatigue n’aide pas à être ouverte à tes collègues »). Des difficultés renforcées par le sentiment de n’avoir aucune place dans la prise de décision (« il y a un chef qui de loin fait ton horaire »). La hiérarchisation est fort présente et laisse peu de place à une prise de décision collective (« nous y sommes des pions, des automates, des exécutantes »).
Ce système est qualifié de « rigide », créant une maltraitance envers les bénéficiaires et les prestataires qui se sentent « aliénés ». Ceci étant accentué par le turnover et le manque de personnel qu’induisent les temps d’hospitalisation raccourcis et donc peu favorables à la rencontre et à l’établissement d’un lien (« un systématisme qui enlève de la diversité : celle des relations »). Ce manque de possibilités d’ancrage dans la relation au patient et dans la rencontre de sa réalité semble favorable à la « pose d’étiquettes », au développement d’attitudes « condescendantes ».
La volonté de tendre vers une « accessibilité des soins et éviter la médecine à deux vitesses » tout en rencontrant une mixité sociale incluante est mentionnée comme une motivation au travail en milieu extrahospitalier, où les structures proposent aux bénéficiaires « un accompagnement sur la durée » tout en les invitant « à participer ». Si cette appropriation est souhaitée pour les bénéficiaires, elle l’est également pour les travailleurs grâce à un mode d’autogestion, d’équipes décrites comme petites, présentant une ambiance familiale avec la particularité d’être multi-pluri-interdisciplinaires. Cette organisation annihile les méfaits d’une structure hiérarchisée grâce à l’implication de tous les acteurs dans le fonctionnement de l’institution, grâce à une reconnaissance et responsabilisation dans le travail et de leurs compétences.

En route vers un idéal ?

Ces constats peuvent laisser penser qu’il s’agit d’un travail où il ne faut pas avoir peur « du sacrifice financier » ou « du poids des responsabilités », a contrario du milieu hospitalier qui offre une sécurité plus importante. Décider de quitter cette sécurité est décrite comme une possibilité de « réalisation de soi » ou de réaliser « un acte militant » (« à un moment il faut réfléchir en termes de politique de santé globale et ne pas penser uniquement à son nombril »). Le parcours professionnel est vécu comme la possibilité d’une rencontre entre un projet et les aspirations professionnelles et personnelles.
La santé communautaire rend légitimes les valeurs personnelles que les infirmiers souhaitent ancrer dans leur pratique. Ce sens n’est pas développé par l’acquisition de connaissances liées aux processus pathologiques ou aux techniques de soins, mais bien au niveau de la sociologie, de la psychologie et de l’approche de la santé mentale… L’ouverture à la santé est perçue non plus comme une absence de maladie, mais comme une notion plus large, un bien-être complet, une interaction harmonieuse avec son milieu, son environnement, sa communauté. Le contexte social est nécessairement pris en compte pour participer à améliorer ce bien-être. L’autre est alors regardé à la même hauteur, un positionnement reconnu comme plus propice à la rencontre.
La prise en compte de ces dimensions semble induire un engagement, tant avec soi-même qu’avec l’autre en situation de vulnérabilité. Le travail n’est plus une torture au sens premier du terme ou une aliénation, mais une méthode de réalisation de soi et de rencontre de l’Autre, de défense d’un idéal. L’infirmière en santé communautaire – au même titre que le bénéficiaire – est invitée à devenir actrice quand bien même l’action va à contre-courant des habitudes. Ce hors cadre préalablement existant devient légitime et structuré par l’acquisition d’une réflexion, d’une méthode. S’il prend forme hors du monde « aseptisé » de l’hôpital, cet idéal demande une prise de risques et de responsabilités qui n’est pas possible à chaque période de la vie. L’hôpital sera donc envisagé, mais cette fois avec un nouveau regard, une autre connaissance, voire une reconnaissance de son métier qui influence sa pratique même dans un fonctionnement qui y semble peu propice.

Historique d’une formation3

En 1917, neuf ans après l’institution du « certificat de capacité pour infirmière », l’école d’Edith Cavell crée le service des visiteuses pour la commune d’Uccle. Suivra, en 1921, l’institution légale du statut d’infirmières visiteuses à la suite d’une formation de trois années. Ce nouveau statut répond à l’évolution de la médecine qui ne se limite plus à un rôle curatif ainsi qu’à la demande de personnel qualifié d’institutions naissantes telles que l’Œuvre de la goutte de lait (ancêtre de l’ONE) ou l’Œuvre nationale belge contre la tuberculose. Après la Seconde Guerre mondiale, l’appellation « infirmière d’hygiène sociale » fera son apparition et trouvera sa place tant dans le secteur médico-social qu’au niveau de la médecine préventive qui se développe en parallèle de la médecine curative sous l’angle du contrôle et de l’autorité sanitaire.
Lors de la réforme des études de 1957, la volonté des autorités est d’aligner la formation des infirmières sociales sur celles des assistants sociaux et leur formation s’allongera d’un an. Ce n’est pas sans conséquence : le rapport De Wever de 1967 met en évidence une pénurie de celles-ci. Les facteurs mis en cause sont, notamment, une méconnaissance du public et des professionnels de cette spécificité de la profession, des études allongées sans avantage barémique, une utilisation irrationnelle des infirmières sociales par manque de coordination de la médecine préventive et un manque de subsides.
Cette ambiguïté persiste jusqu’à la réforme des études de 1994 où la formation commune de trois années permet l’obtention du diplôme d’infirmière graduée en soins généraux à laquelle une année de spécialisation peut être ajoutée. L’infirmière, autrefois appelée visiteuse, puis d’hygiène sociale ou encore infirmière sociale, devient l’infirmière spécialisée en santé communautaire. Aboutissement d’une longue tradition de médecine humaniste et humanitaire souvent dite « médecine des pauvres », la dynamique communautaire fait suite à une transition épidémiologique menant à la stagnation de l’espérance de vie et de la qualité de vie liée au développement des maladies dites de « civilisation » ou encore de maladies chroniques marquant les limites des développements des techniques de soins. Cette dynamique communautaire s’inscrit en outre dans des conditions socio-économiques (augmentation du chômage, vieillissement de la population) qui demandent une rationalisation des coûts des soins. Ce contexte est propice au décloisonnement de la santé curative et préventive, tout en passant de la réalité individuelle vers la vision collective. En effet, il ne s’agit plus de voir la personne comme malade ou non, mais comme une personne en relation avec la société dont la maladie peut être le témoin de sa complexité. La notion des déterminants de la santé issue du rapport Lalonde en 1974 conduit à envisager la santé sous un axe biopsychosocial. La Conférence d’Alma Ata en 1978 pointant les inégalités sociales en santé et la charte d’Ottawa en 1986 proposant des stratégies pour y répondre contribuent à conceptualiser ce basculement idéologique en apportant une nouvelle approche de la santé perçue comme « une ressource de la vie quotidienne et non en fin en soi ». Mettant l’accent sur les ressources, la promotion de la santé y est définie comme un processus qui confère aux populations les moyens d’assurer un plus grand contrôle sur leur santé et de l’améliorer.

 

  1. F. Aballéa, « Travail social et intervention sociale : de la catégorisation à l’identité », Recherches et prévisions n° 62, 2000.
  2. A. Maigre, Étude sur l’identité professionnelle des infirmières spécialisées en santé communautaire au sein de la Haute École Libre de Bruxelles Ilya Prigogine, 2014.
  3. N. Neve, Les infirmières sociales, communication lors de la journée des infirmières sociales de l’ACN, Bruxelles, octobre 1988 ;
    B. Stinglhamber-Vander Borght, Infirmière – genèse et réalité d’une profession, De Boeck-Wesmael, 1994 ; À Poquet, « Infirmière en santé communautaire : une révolution culturelle », Santé conjuguée n° 12, 2000 ; Institut Théophraste Renaudot, Pratiquer la santé communautaire : de l’intention à l’action, Chronique sociale, 2001 ; J. Morel, « La santé communautaire : historique, définition et méthodologie », Les politiques sociales, 1996 ; M. Bantuelle et al., Action communautaire en santé, un outil pour la pratique, Fédération des maisons médicales, 2013.

Cet article est paru dans la revue:

Santé conjuguée, n°103 - juin 2023

Introduction n°103

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