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Pénurie de médecins généralistes, infirmiers et infirmières qui rendent leur tablier… Les métiers du soin et en particulier en première ligne attirent moins. Pourquoi ? Mauvaises conditions de travail ? Surcharge ? Manque de reconnaissance ? Épuisement post-Covid ? Ce dossier aborde un phénomène qui vise aussi plus largement les professions du care et le secteur non marchand.
Parmi le personnel infirmier notamment, les démissions, les réorientations professionnelles ou les réductions du temps de travail sont fréquentes déjà après quelques années de pratique. La crise sanitaire en a été à la fois le révélateur et le catalyseur, mettant paradoxalement en relief l’indispensabilité de cette fonction et le manque d’attractivité (essentiellement salariale) du secteur, le manque de reconnaissance, les conséquences de conditions de travail difficiles… Mais cela suffit-il à expliquer cette désaffection massive ? Augmenter les salaires suffirait-il pour régler la question ?
En Wallonie et à Bruxelles, la pénurie de médecins généralistes fait craindre l’extension de déserts médicaux, à l’instar des territoires français les plus reculés. Ce manque se fait également ressentir ailleurs que dans les cabinets et où s’exercent aussi des activités de médecine générale : centres de planning familial, centres pour usagers de drogues, ONE, médecine du travail, entre autres, peinent à recruter. Comment expliquer cette pénurie, la comprendre et y remédier ? Le malaise ne date pas d’hier, sur fond d’enjeux communautaires de répartition de numéros INAMI et de numerus clausus. Aujourd’hui, les conditions d’exercice de la profession sont analysées dans l’optique d’un New Deal pour la médecine de première ligne. Un changement de modèle organisationnel s’impose en effet pour contrer le déséquilibre entre la demande et l’offre. Des propositions émergent et elles concernent, entre autres, le mode de financement des pratiques. Cet état des lieux et cette analyse de la médecine générale d’aujourd’hui montrent à quel point celle-ci a évolué au cours des dernières décennies – charge de travail, approche holistique, avancées scientifiques, notamment – et combien la profession aspire, comme tant d’autres, à un meilleur équilibre de vie.

Tache d’huile

Le secteur de la santé et celui du social ne sont pas étanches, et les métiers de l’aide et de l’accompagnement sont touchés par une pareille désaffection. Dans les centres publics d’action sociale par exemple, des postes d’assistants sociaux et d’assistantes sociales restent vacants faute de candidatures, alors que le volume des demandes d’intervention ne cesse de croitre dans un contexte migratoire sensible, de crise énergétique et de hausse des prix des aliments qui mettent le budget des ménages en tension extrême. En maisons de repos et de soins, secteur traumatisé par la pandémie, le terme « vocation » a disparu du vocabulaire des personnels.
Paradoxalement, de nouveaux métiers et de nouveaux acteurs émergent dans le secteur social-santé, créant tantôt de l’espoir, tantôt des frottements, car leurs contours souvent sont encore flous : assistants de pratique en médecine générale, case-managers, équipes mobiles… Théoriquement, toutes et tous sont au bénéfice d’une vision élargie et complémentaire du care, mais en parallèle ce phénomène ne fait qu’amplifier les risques de division du travail, un terreau de la pénurie.

Soigner autrement

Le tout au curatif qui caractérise notre système actuel n’apportera sans doute jamais de réponse complète à la demande croissante d’une population vieillissante, qui souffre de plus en plus de maladies chroniques et d’injustices sociales. Il est indispensable de miser davantage sur la prévention, en agissant notamment sur les déterminants non médicaux – logement, environnement, éducation, travail, position sociale… – dont l’incidence sur notre maintien en bonne santé n’est plus à démontrer. Il est urgent aussi de remédier au mal-être criant des travailleurs et travailleuses du soin, au sens large.

 

Cet article est paru dans la revue:

Santé conjuguée, n°103 - juin 2023

Introduction n°103

Pénurie de médecins généralistes, infirmiers et infirmières qui rendent leur tablier… Les métiers du soin et en particulier en première ligne attirent moins. Pourquoi ? Mauvaises conditions de travail ? Surcharge ? Manque de reconnaissance ? Épuisement post-Covid ? Ce dossier(…)

- Valérie Hubens

Un manque généralisé

Naturellement, la pénurie la plus reconnue est celle qui touche le personnel infirmier et les médecins. Le manque de médecins se fait essentiellement sentir au niveau des généralistes, mais aussi dans certaines spécialités, telles que la(…)

- Hellendorff Yves

Chronique d’une pénurie annoncée

Les médecins-conseils de mutuelle, les médecins du travail sont en pénurie, la plupart d’entre eux issus du « vivier » généraliste, indispensables pour garantir la protection des travailleurs dans un marché du travail de plus en plus agressif.(…)

- Dr Anne Gillet-Verhaegen

New Deal pour la médecine générale, New Deal pour les maisons médicales ?

Les travaux de réflexion dédiés aux aspects organisationnels et financiers se sont déroulés de septembre 2022 à février 2023, alternant recours à la littérature et études de cas d’autres systèmes de santé, demande de positionnement des(…)

- Dr Hubert Jamart, Dr Jean-Luc Belche

Le forfait, un attrait pour les généralistes ?

Quelles différences entre ces deux systèmes de financement ? À l’acte, je percevais un honoraire pour chaque prestation et j’en ristournais une partie à la maison médicale. Au forfait, c’est la maison médicale qui reçoit mensuellement un(…)

- Pascale Meunier, Roger van Cutsem

La métamorphose de la médecine générale

La médecine générale, le plus beau métier du monde et peut être le plus vieux si l’on en croit les chamans peints sur les grottes du paléolithique, est un métier en mutation accélérée. Cette mutation est(…)

- Dr Pierre Drielsma

Pratique diversifiée en médecine générale : menace ou opportunité ?

La liste est longue des activités exercées par des médecins généralistes en Belgique, partiellement ou en lieu et place de la pratique « omnipraticienne ». On peut citer l’ONE, la médecine du travail, la médecine du sport, la médecine(…)

- De Munck Paul

Le social-santé et ses métiers flous

En lisant cette liste de groupes professionnels, vous avez peut-être tiqué sur la mention de certains métiers ou sur l’ordre choisi pour les énoncer : c’est que toute écologie professionnelle est traversée par des luttes sur(…)

- Céline Mahieu

La nage à contre-courant

Des chartes riches en ambitions (La Santé pour tous en l’an 2000) ou en stratégies (Alma Ata et Ottawa) et des notions (déterminants sociaux de la santé, inégalités sociales de santé, lois publiques saines)… Autant de(…)

- Audrey Maigre

Des CPAS sans AS…

Les demandes augmentent et le personnel manque pour y répondre.  La situation est tendue dans les CPAS wallons. Pour quelles raisons ? A. V. : Quelques chiffres assez révélateurs pour commencer : depuis quinze ans, nous avons ni plus(…)

- Pascale Meunier

Pénurie, quelle pénurie ?

Depuis des années déjà, de nombreux chiffres circulent au sujet de la pénurie de soignants. Une étude publiée par le Centre fédéral d’expertise des soins de santé (KCE) en janvier 2020 1 a par exemple montré(…)

- Marinette Mormont

L’enterrement des illusions

Pourtant, dans l’ombre des salles de soins, au cœur de la nuit hospitalière, j’ai vu se dégrader cette motivation qu’on croyait acquise, j’ai vu baisser le moral des infirmières, se développer la peur de mal faire !(…)

- Anne Perraut-Soliveres

Marchandisation et conflits éthiques en MRS

Le secteur a connu une forte marchandisation ces dernières décennies. À Bruxelles, deux tiers des maisons de repos appartiennent désormais à de grands groupes privés cotés en bourse, le reste des établissements relevant d’asbl de type(…)

- Rachel Carton

Actualités n°103

Edgar Szoc : « L’État de droit est une condition nécessaire, mais pas suffisante de la démocratie »

Le rapport 2022 de la Ligue est particulièrement accablant… et l’État belge est le premier incriminé. E. S. : On annonce rarement de bonnes nouvelles, mais en effet cette année est particulièrement sombre. Il y a déjà eu(…)

- Fanny Dubois, Pascale Meunier

Démocratie en danger

Des huissiers envoyés aux portes des supermarchés Delhaize pour empêcher les travailleurs des piquets de grève de défendre leurs droits. Des responsables politiques qui discutent une mesure visant à renforcer le contrôle dans les manifestations publiques.(…)

- Fanny Dubois

Vers un nouveau modèle de l’aide à domicile

Tout est parti d’un double constat. À la maison médicale Santé & Bien-être, dans le quartier d’Helmet, à Schaerbeek, le personnel observait la présence régulière de plusieurs seniors en salle d’attente. Un phénomène habituel, si ce(…)

- Alexis Creten, Héloïse Nève

Prévenir les violences gynécologiques et obstétricales

Bien qu’il n’existe pas de consensus pour définir les violences gynécologiques et obstétricales (VGO) – celles-ci étant appréhendées différemment selon le vécu des personnes et le contexte politique, économique, culturel et social –, elles sont généralement(…)

- Pauline Gillard

Pour un système de santé plus inclusif

Les personnes en situation de handicap intellectuel ont une prévalence plus élevée pour certains problèmes de santé comparée avec la population générale : obésité, diabète, maladies cardiovasculaires… De même, si leur espérance de vie augmente, elle reste(…)

- Marie Dauvrin