Un projet en dix points pour la médecine générale
De Maeseneer Jan
Santé conjuguée n° 48 - avril 2009
Le problème de l’offre de soins en
médecine générale ne se résoudra pas
en augmentant le nombre de places en
formation. Il est nécessaire de prendre
la mesure de la complexité du
problème et de faire face à chacun de
ses composants.
Le 10 avril, la ministre de la Santé,
Laurette Onkelinx a confirmé que l’on
se dirige vers une pénurie de médecins
généralistes.
On dénombre actuellement 15.000
médecins généralistes agréés en Belgique
mais 9.000 seulement sont actifs
dans les soins de santé. Un médecin
généraliste actif sur trois a plus de 55
ans et terminera donc la pratique active
dans les dix ans. D’autre part, les
médecins généralistes de moins de 40
ans choisissent volontiers un autre
mode de vie que leurs aînés – lesquels
prestaient régulièrement des semaines
de travail de 50 ou 60 heures -, accordant
plus d’attention à leur vie de
famille et à leurs temps libres.
Les faits sont là. Le problème est complexe,
donc les solutions exigeront des
interventions à différents niveaux.
Dans ce contexte, je propose un projet
en dix points, à discuter.
1. Une première solution évidente
consisterait à augmenter le nombre de
places de formation pour les médecins
généralistes, comme prévu dans la planification.
Actuellement la proposition
est d’augmenter le nombre de places
pour la formation en médecine
générale de 300 à 360. La question est
de savoir si cela aura un quelconque
effet… Au cours de ces cinq dernières
années, jamais n’a-t-on atteint, en
Flandre, l’effectif de 180 médecins
généralistes annuels en formation (on
tourne actuellement autour des 120).
Le manque actuel de jeunes candidats
médecins généralistes est la conséquence
d’une absence de planification
dans les années 80 et 90, quand un
grand nombre de généralistes s’est
retrouvé sur le carreau. Il est donc
absolument nécessaire de maintenir
une planification, mais basée sur des
données scientifiques et intégrant une
petite réserve.
2. La formation de base devrait
orienter beaucoup plus de jeunes étudiants
vers la médecine générale. Le
statut du médecin généraliste en formation
– espérons-le – sera analogue
au statut des médecins spécialistes en
formation dès juillet 2009…
3. Un problème important reste le
rôle, la tâche et la position du médecin
généraliste dans les soins de santé. Le
généraliste est ouvert à toutes sortes
de problèmes des patients, accompagne
ceux-ci de façon continue et les
dirige, en cas de besoin, vers des soins
spécialisés. Mais dans la réalité, la
situation est tout à fait autre : avec les
enfants, les parents s’adressent directement
au pédiatre, pour des problèmes
de peau, le patient se rend chez
le dermatologue et pour une prescription
de contraception, il prend rendez-
vous chez le gynécologue,… Des stimuli
devraient être mis en place pour
que le patient ne s’adresse au spécialiste
qu’après passage chez le médecin
généraliste traitant, comme c’est le cas
dans pas mal de pays de l’Europe.
Pourquoi ne pourrait-on pas, sur une
période de dix ans, envisager de
diminuer chaque année le remboursement
pour les visites directes au
spécialiste de 10 %, de sorte que les
patients soient stimulés à contacter
d’abord leur médecin généraliste ?
Certes, cela impliquerait-il beaucoup
plus de travail pour les médecins généralistes…
Mais pour autant, on ne peut
défendre l’idée qu’après douze années
de formation académique, un gynécologue
doive s’occuper d’activités
répétitives et de pure routine comme
les frottis du col. Le transfert des
tâches vers le premier échelon, exigera,
à ce niveau, une redistribution
de tâches dans le cadre de la coopération
interdisciplinaire. Récemment
on a interrogé un groupe de médecins
généralistes en Flandre entre 30 en 39
ans (dont une majorité de femmes).
Deux constats : ces médecins veulent
travailler en duo ou en groupe et
souhaitent déléguer vers les « aides
dans la pratique » ou « infirmières de
pratique », certaines tâches comme le
suivi des hypertendus (68 % le souhaitent),
l’accompagnement des
diabétiques (53 %) ou les frottis du col
(21 %).
4. Un encadrement bien établi pour
le médecin généraliste. De plus en
plus, de nouvelles tâches et responsabilités
incombent au médecin généraliste,
par exemple dans le cadre des
trajets de soins pour les maladies chroniques.
Afin de pouvoir y répondre de
façon adéquate, un support et une
coopération au niveau des soins de
santé primaires sont nécessaires. Le
Gouvernement a pris l’initiative de
donner des subsides aux médecins
généralistes quand ils emploient du
personnel ; actuellement, seuls 5 %
des médecins généralistes actifs ont
introduit un dossier à ce sujet.
5. Au niveau de l’organisation et au
niveau structurel, la médecine générale
doit être renforcée : les cercles de
médecins généralistes doivent avoir la
possibilité de support managérial et de
développement du contenu de leur travail.
Actuellement, les cercles
fonctionnent surtout de travail bénévole,
ce qui n’est plus tenable.
6. Les aspects difficiles du travail
doivent être abordés : la vie privée et
la vie professionnelle doivent s’intégrer
de façon plus harmonieuse, par
exemple en limitant le travail du soir,
par l’organisation des postes de gardes
de médecine générale ou par une
coopération au niveau du premier
échelon afin de mieux faire face aux
problèmes psychosociaux.
7. La population a également une
responsabilité dans ce dossier : si
chaque individu souscrivait un Dossier
médical global (DMG) dans une pratique
de médecine générale, la médecine
générale pourrait pleinement
jouer son rôle de « porte d’entrée » et
de coordinatrice dans le secteur de
santé. Actuellement, environ deux
tiers des Flamands, mais moins d’un
tiers des Wallons ont un Dossier
médical global. Le nombre augmente
d’année en année.
8. La situation financière demande
une attention spécifique : cette situation
s’est améliorée au cours des dix
dernières années mais la différence
entre les revenus d’un spécialiste et
d’un médecin généraliste reste très
importante. Au niveau Européen, les
médecins généralistes belges se
trouvent en queue de peloton.
9. Afin de réaliser tout ceci des
choix fondamentaux sont nécessaires :
il faut investir dans les soins de santé
primaires, qui s’occupent de 90 % de
tous les problèmes de santé des patients.
10. Il est clair que certains pans des
soins de santé primaires (les soins à
domicile et la santé mentale par
exemple) sont différents en Flandre et
en Wallonie. Ceci implique qu’il
faudra différentier les actions et que
les politiques des Communautés et de
l’Etat fédéral concernant les soins de
santé primaires doivent être accordées.
Lorsque toutes ces mesures seront
prises sur les différents niveaux, il sera
possible de donner sa place à la
médecine générale et de sauvegarder
une médecine accessible et de haute
qualité en Belgique.
Cet article est paru dans la revue:
Santé conjuguée, n° 48 - avril 2009
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