Développement… de quoi ? Et la santé dans tout cela ?
Dr André Crismer
Santé conjuguée n° 65 - septembre 2013
Un groupe de travailleurs en maison médicale se réunit régulièrement à Liège pour réfléchir aux rapports entre les pays du Nord et du Sud. Pour sa 27ème soirée, le groupe Nord- Sud a invité Daniel Cauchy, psychologue systémicien, en gagé dans l’éducation permanente et l’écologie. Evocation d’une soirée au centre culturel chilien – ambiance conviviale et questionnement pointu du concept de développement.
Daniel Cauchy, tente d’appliquer la lecture systémique au concept de développement. Une analyse épistémologique du développement lui paraît essentielle, car cela i n f l u e n c e f o r c é m e n t n o t r e engagement d’aujourd’hui. Ses sources d’inspiration sont des géants sur les épaules desquels il se dresse : Bateson, Illich, Majid Rahnema, Edgar Morin, Miguel Benasayag, Latouche, Gilbert Rist, Viacampesina, le sous-commandant Marcos, les équipes de Nature et Progrès et Quinoa… Peut-être que le développement qui se voulait une solution est devenu le problème. Les modèles de développement sont en tout cas questionnés par les déséquilibres écologiques (environnementaux et sociaux) occasionnés. Le développement historique n’est-il pas une extension du système de marché à l’échelle de la planète ? En tout cas, son bilan est mitigé. La notion de « développement » classifie les sociétés et pays sur une échelle ascendante dont le sommet serait les pays occidentaux, sommet que tout pays se doit d’atteindre. Illich voit dans « le développement » l’avatar récent d’une modalité de rencontre de l’autre… Comment s’engager aujourd’hui ? Quand on ne sait pas où on va, regardons d’où on vient. Avant de s’engager, aussi, il faut revoir les mots qui façonnent le réel. On ne peut comprendre les problèmes sociaux sans examiner les discours qui les concernent. Le concept de développement est né en même temps que la mondialisation du commerce triangulaire entre l’Europe, l’Amérique et l’Afrique, quand on échangeait matières premières et peuples et l’apparition d’une rationalité scientifique objectiviste a séparé l’homme de la nature. Ce développement a entraîné des rapports de domination, un enrichissement colossal de quelques uns, la construction du capitalisme marchand, la primauté de l’économie. Quand le communisme promettait le Grand Soir, l’Occident promettait le développement au monde entier. Le développement signifiait alors une occidentalisation du monde, avec industrialisation et marchandisation de celui-ci. Mais l’impasse est triple : environnementale (le modèle n’est pas généralisable), sociale (par la production d’inégalités : source de violence et de pauvreté qui est un problème de relation entre les gens, un statut social plus qu’une faible quantité de biens) et sanitaire (l’environnement devient de plus en plus morbidogène). La mégamachine est en crise et celleci est devenue systémique. Le concept de développement a été remplacé par la lutte contre la pauvreté et puis on est revenu au développement durable. Mais la quête de croissance est non soutenable et même non souhaitable. Quelles pistes pour l’avenir, comment changer le système ? En allant vers un peu plus de possibilités pour le vivant, en revoyant les distributions des richesses, du pouvoir, du savoir, en vivant avec plus de frugalité, en relocalisant, en favorisant le don, les solidarités. Tandis qu’au niveau du pouvoir, on se contente de gérer, c’est à la marge que l’on résiste, qu’on lutte, que l’on crée, qu’on invente les alternatives… Alors que je croyais qu’avec le silex, Cro-Magnon déjà pouvait faire du feu ou taper sur la tête de son voisin, notre invité expliquait que la technique n’est pas neutre. Ainsi, l’ascenseur a encouragé les riches à vivre aux étages qu’ils ont rendus plus luxueux, poussant les pauvres vers d’autres quartiers, ce qui a compartimenté les classes sociales dans nos villes. Le moindre objet modifie la culture du village ! Pour poursuivre cette réflexion, je me permets de recommander Edgar Morin, La Voie pour l’avenir de l’Humanité, où il développe les thèmes de notre soirée et où il écrit entre autres : « Le probable est la désintégration. L’improbable, mais possible, est la métamorphose. ».Documents joints
Cet article est paru dans la revue:
Santé conjuguée, n° 65 - septembre 2013
Les pages ’actualités’ du n° 65
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Elixir de jouvence novembre 2012 méthodologie : étude de cohorte L’image que l’on se fait du vieillissement influence la manière dont on le vit : une bonne raison pour bousculer des stéréotypes assassins. « Quand vous pensez aux(…)
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Vu du terrain
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La santé des adolescents interpelle largement les responsables de santé publique. En Tunisie comme dans beaucoup d’autres pays, ces jeunes sont observés à partir du milieu scolaire. Mais beaucoup de jeunes abandonnent précocement l’école, malgré sa(…)
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Les sept mutualités belges en activité collectent un ensemble de données afin de pouvoir effectuer leurs tâches : des données administratives (exemple : sexe et âge des membres) ainsi que les données de facturation rassemblées à(…)
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Les centres de consultation de Médecins du Monde accueillent les personnes exclues des soins formels. Ces personnes cumulent souvent les vulnérabilités[A,B] et leur risque de morbidité est accru. Qui sont-elles, de quoi souffrent-elles plus précisément ?(…)
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