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Introduction


Santé conjuguée n° 65 - septembre 2013

Epidémiologie et soins de santé primaires : rencontres En octobre 2012, deux associations d’épidémiologistes organisaient un colloque à Bruxelles avec l’école de santé publique de l’université libre de Bruxelles sur le thème de « La santé mondialisée ». Belle occasion de rencontrer une confrérie que l’on croise rarement sur le terrain : qu’ont-il à nous dire, ces experts qui jonglent avec les chiffres, inventent des modèles statistiques compliqués, se risquent à d’improbables prévisions… ? Le pari de ce cahier, c’est de lancer quelques ponts entre les travailleurs de la santé qui oeuvrent sur le terrain et une discipline scientifique peu familière à la plupart d’entre eux. Nous invitons le lecteur à un petit parcours inspiré du colloque au terme duquel, espérons-le, il sentira ces épidémiologistes un peu plus proches de ses propres préoccupations – même si les angles de vue sont différents. Est-il nécessaire d’érafler au préalable quelques idées fausses ? Peut-être, alors voilà. Les épidémiologistes ne s’intéressent-ils qu’aux épidémies ? Non ! Et ils ne se limitent pas non plus aux maladies transmissibles comme la grippe, le SIDA, la malaria. Leur curiosité est immense : comment se répartissent les problèmes de santé dans différentes populations, dans leurs sous-groupes, combien de personnes sont touchées, pourquoi certains sont-ils plus atteints que d’autres, pourquoi ceci, et pourquoi cela… En fait, si un bébé dit « pourquoi » avant de dire « maman », vous pouvez être sûr qu’il deviendra épidémiologiste : ces gens-là n’arrêtent pas de poser des questions. Les épidémiologistes s’intéressent-ils aux services de santé, aux soins ? Oui ! Parce que leurs « pourquoi » ne s’arrêtent pas à l’émergence des maladies, mais aussi à leur évolution : pourquoi certains groupes sont-ils moins bien soignés que d’autres, pourquoi telle stratégie n’est-elle pas plus largement implantée, telle autre mise en question ? Ils ne se bornent pas à compter, ils veulent aussi comprendre. Ils font des liens, cherchent les causes et les effets. Comment y arriver sans croiser les regards, puisque la plupart des maladies ont une origine multifactorielle, puisque les déterminants de la santé sont partout ? Alors ils vont à la rencontre d’autres disciplines, de la médecine à la sociologie, en passant par l’économie, l’anthropologie, la pédagogie, la géographie… Ils ne forment pas une caste à part. Leurs « pourquoi » se contentent rarement de « parce que », et leurs questions en amènent d’autres : ils persistent à interpeller, bousculant évidences et prés carrés. Parfois, ils vont plus loin et veulent agir pour changer la réalité. Alors, ils examinent les politiques et les systèmes de santé, les réalités sociales, économiques, culturelles… Certains arrivent même à donner leur avis, voire conseiller, infléchir les politiques de santé. Ces gens-là se mêlent de tout, et ils ne sont pas toujours bienvenus ; ils s’attachent dès lors à s’unir, entre eux et avec d’autres, pour se faire entendre, pour créer des alliances avec divers acteurs. Surtout avec ceux qui rêvent d’un autre monde, où chacun aurait les mêmes possibilités de vivre en bonne santé. Alors finalement, nous qui défendons un certain modèle de soins, nous avons peutêtre quelques points communs avec ces gens-là ? Mais bien sûr ! Parce que nos pratiques se fondent sur une approche globale, consciente des limites du modèle biomédical classique qui délaisse les déterminants sociaux et environnementaux de la santé. L’épidémiologie ne cesse de démontrer que l’inégalité face à la santé n’est pas le fait du hasard, de la volonté divine ou de l’incapacité. C’est bien cette discipline qui fonde le développement de la santé publique et du modèle communautaire des soins de santé primaires. Une telle vision ne date pas d’hier, comme l’indique le bref historique qui entame ce cahier. Mais elle est encore loin de guider les politiques. Il est donc bien utile que les acteurs qui partagent cette vision – professionnels de différentes disciplines, experts, praticiens, profanes – se rencontrent ; et qu’ils puissent, à partir de leurs places différentes, se comprendre, se renforcer mutuellement. Et se faire entendre. Nous avons besoin les uns des autres. Parce que la recherche sur les déterminants de la santé, sur la manière de les surmonter ne se fait pas dans les laboratoires, hors du monde réel mais à partir d’informations qui ne peuvent être recueillies que sur le terrain. Seul l’échange entre acteurs concernés peut affiner et donner sens aux observations. Le thème du colloque, c’était « La santé mondialisée ». Pourquoi ? Parce que la mondialisation provoque des « dommages collatéraux en matière de santé » : augmentation significative des inégalités, dissémination mondiale de facteurs de risque et de pathologies autrefois « réservés » à certaines régions du monde, fragilisation des services liée aux politiques de marchandisation. La collaboration internationale devient dès lors une priorité : pour mettre en place des systèmes d’information adéquats dans différents contextes, harmoniser les recueils de données, partager et adapter les analyses, infléchir les pratiques et les stratégies. Bon voyage dans les différents chapitres de ce dossier ! L’association Epidémiologie de terrain – EPITER est née en l985, dans la foulée du tout premier cours de l’Institut pour le développement de l’épidémiologie de terrain (IDEA). L’épidémiologie de terrain faisait alors ses premiers pas en France ; les fondateurs d’EPITER, venus d’horizons divers, (Institut Pasteur, L’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), école vétérinaire de Lyon) voulaient participer à la promotion et au développement de cette démarche qui vise à intervenir de manière souple sur la santé publique, en mettant les compétences épidémiologiques au service de problématiques détectées sur le terrain (certains parlent d’épidémiologie d’intervention). Les activités d’EPITER consistent notamment à organiser des échanges scientifiques entre épidémiologistes et acteurs de santé publique français et étrangers, à soutenir la constitution d’un réseau d’épidémiologistes compétents, intervenant dans le domaine de la surveillance, de la planification et de l’évaluation des actions de santé. www.epiter.org L’Association des épidémiologistes de langue française – ADELF a été créée en 1976 ; elle est ouverte à tous ceux qui s’intéressent à l’épidémiologie au sens large – celle qui englobe les études de type étiologique et pronostique ainsi que l’évaluation des actions préventives et thérapeutiques. L’association informe ses membres sur les grandes orientations de l’épidémiologie et les actions entreprises à l’échelon national et international, notamment par l’intermédiaire d’un Bulletin adressé à tous ses membres ; elle établit des liens étroits et des systèmes d’informations mutuelles avec les sociétés nationales et internationales d’épidémiologie, organise des réunions de recherche ou d’enseignement postuniversitaire, favorise la publication des résultats des recherches épidémiologiques. http://adelf.isped.u-bordeaux2.fr L’école de santé publique de l’université libre de Bruxelles est née il y a 50 ans. Elle s’inscrit dans une vision moderne de la santé publique : elle défend une approche globale de la santé dans laquelle on reconnait l’impact des styles et conditions de vie, des politiques économiques, sociales, sanitaires, éducationnelles et environnementales sur le bien-être et la santé des populations ; elle est par définition pluridisciplinaire et intersectorielle et depuis toujours ouverte sur le monde ; elle se veut proche du terrain tout en étant lieu de savoir et incubateur d’innovation ; elle mise sur l’excellence de la recherche tout en veillant à la valorisation et au transfert des connaissances. Elle a pour mission de former des professionnels et des chercheurs dans le champ de la santé publique. Elle décline cette mission au travers de formations de deuxième cycle (masters) et troisième cycle (école doctorale et doctorat). De nombreux programmes de formations continues et d’Universités d’été viennent étoffer cette offre. Pour répondre à sa mission de recherche, l’école de santé publique fédère ses forces autour de centres de recherche et groupes de recherche interdisciplinaires. Ces structures travaillent dans une vision d’excellence scientifique et ont pour objectifs la production de connaissances de haute qualité, l’enrichissement des formations par les résultats des recherches et la contribution aux prises de décision les plus appropriées dans le champ des politiques publiques. www.ulb.ac.be/esp

Documents joints

Cet article est paru dans la revue:

Santé conjuguée, n° 65 - septembre 2013

Les pages ’actualités’ du n° 65

La situation est critique mais des alternatives prennent forme…

L’austérité n’est pas la bonne solution pour relever l’Europe, et elle creuse les inégalités sociales de santé. D’où viendra la réorientation des politiques menées jusqu’ici ? Constatant la relative impuissance des gouvernements, l’auteur en appelle au(…)

- Coralie Ladavid

Le forfait nouveau est arrivé

A l’heure où nous finissons ce focus, l’arrêté royal fixant les nouvelles modalités de financement forfaitaire pour les maisons médicales a été publié au Moniteur belge. Les derniers coups de fil ont eu lieu entre l’INAMI(…)

- Christian Legrève, Dr Hubert Jamart, France Defrenne

La santé mentale en médecine générale : état de la question

Accompagner les petits accidents et les grands drames de la vie : c’est le quotidien du médecin généraliste. Hôte central, roue de secours… Quelle place a-t-il parmi les professionnels en santé mentale ? Plongée sur le(…)

- Dr Anne Gillet-Verhaegen

Our Health is not for sale ! Notre santé n’est pas à vendre !

Privatisation et commercialisation de la santé : ces processus, bien engagés dans de nombreux pays européens ont un impact néfaste, voire catastrophique encore renforcé par les politiques d’austérité menées aujourd’hui dans la plupart des pays. Mais(…)

- Julie Maenaut

Développement… de quoi ? Et la santé dans tout cela ?

Un groupe de travailleurs en maison médicale se réunit régulièrement à Liège pour réfléchir aux rapports entre les pays du Nord et du Sud. Pour sa 27ème soirée, le groupe Nord- Sud a invité Daniel Cauchy,(…)

- Dr André Crismer

Quelques balises

Santé mondialisée : nouveaux défis pour l’épidémiologie

La mondialisation de la santé n’est pas un phénomène nouveau, mais son ampleur est sans commune mesure avec les constats qui pouvaient être dressés il y a 20 ans. Les problèmes prioritaires des pays « industrialisés(…)

- Alain Levêque

La surveillance épidémiologique : méthodes, avantages et limites

Décrire, alerter, évaluer : voilà en gros, les trois axes de la recherche épidémiologique. L’intérêt de cette discipline déjà ancienne n’est, de nos jours, plus à démontrer. Mais les besoins d’informations se sont multipliés et complexifiés,(…)

- Elysee Somassé

Patchwork épidémiologique

Elixir de jouvence novembre 2012 méthodologie : étude de cohorte L’image que l’on se fait du vieillissement influence la manière dont on le vit : une bonne raison pour bousculer des stéréotypes assassins. « Quand vous pensez aux(…)

- Antoine Flahaut

Une vieille dame tenace

L’attention portée aux déterminants sociaux de santé est loin d’être une mode récente : l’épidémiologie n’a cessé, dès sa naissance, de démontrer les liens existant entre la santé et les conditions de vie. Elle a toujours(…)

- Marianne Prévost

Transitions : nouveaux défis pour les systèmes de santé

« Les problèmes d’aujourd’hui résultent des solutions d’hier » : les auteurs qui ont nourri cet article montrent à quel point il est nécessaire d’innover face aux bouleversements démographiques et épidémiologiques actuels.

- Denis A. Roy, Eric Litvak, Fred Paccaud

Vu du terrain

Le rôle du médecin dans les inégalités sociales de santé : une approche interdisciplinaire

La manière dont le médecin dialogue avec son patient peut-elle accentuer les inégalités sociales de santé ? Pour approcher cette question assez peu étudiée, le projet INTERMEDE a réuni différentes équipes de recherche issues d’horizons variés(…)

- Anne-Cécile Schieber, Michelle Kelly-Irving, Monique Membrado, Jean-Pol Génolini, Ludovic Tanguy, Pascal Marchand, Thierry Lang

Mieux comprendre la prévention : alliance entre épidémiologie et sciences humaines

Le vaccin HPV a été introduit assez récemment comme moyen de prévention contre le cancer du col de l’utérus. Comment cette stratégie estelle comprise, perçue par les acteurs concernés ? Le programme REMPAR a mené l’enquête(…)

- Julie Kalecinski, Delphine Lutringer-Magnin, Philippe Vanhems, Christine Lasset, Franck Chauvin

Mortalité périnatale et migration

Le nombre total de personnes émigrant du sud vers le nord a doublé au cours de ces dernières décennies. Parmi elles, le nombre de femmes en âge de procréer augmente constamment. Quel est l’état de santé(…)

- Judith Racapé, Edwige Haelterman, Michèle Dramaix, Sophie Alexander, Myriam De Spiegelaere

Microépidémiologie à partir du terrain : le tableau de bord de la Fédération des maisons médicales

Les soignants peuvent-ils récolter en routine des données pertinentes pour la santé publique ? Oui, répond la Fédération des maisons médicales : regards sur les premières analyses réalisées grâce au « tableau de bord » implanté(…)

- Marianne Prévost, Marie Marganne

La santé des jeunes : deux dispositifs d’observation

L’état de santé de l’adulte est influencé par les comportements acquis et les habitudes de vie prises dans l’enfance et l’adolescence ; d’où l’intérêt d’observer la santé des jeunes, pour donner des pistes aux intervenants de(…)

- Christian Massot, Valérie Wathieu, Luc Berghmans, Marianne Prévost

Santé des adolescents : inégalités sociales en Tunisie

La santé des adolescents interpelle largement les responsables de santé publique. En Tunisie comme dans beaucoup d’autres pays, ces jeunes sont observés à partir du milieu scolaire. Mais beaucoup de jeunes abandonnent précocement l’école, malgré sa(…)

- Hajer Aounallah – Skhiri, Pierre Traissac, Jalila El Ati, Francis Delpeuch, Mohamed Hsairi, Habiba Ben Romdhane, Bernard Maire

Suivi de la proportion de malades chroniques en Belgique : questions de méthodes

Les sept mutualités belges en activité collectent un ensemble de données afin de pouvoir effectuer leurs tâches : des données administratives (exemple : sexe et âge des membres) ainsi que les données de facturation rassemblées à(…)

- Tonio Di Zinno, Birgit Gielen, Johan Vanoverloop, Joeri Guillaume, Ragna Préal

Les personnes exclues des soins formels : une étude de Médecins du Monde

Les centres de consultation de Médecins du Monde accueillent les personnes exclues des soins formels. Ces personnes cumulent souvent les vulnérabilités[A,B] et leur risque de morbidité est accru. Qui sont-elles, de quoi souffrent-elles plus précisément ?(…)

- Fidèle Kabera Mugabe, Kathia van Egmond, Edith Hesse, Stéphane Heymans, Michèle Dramaix-Wilmet

Le cancer du sein dans les pays du Sud : quelles stratégies de dépistage ?

L’incidence du cancer du sein augmente rapidement dans les pays du Sud et cette croissance est préoccupante. La prévention est dès lors indispensable, mais elle pose des questions particulières : les stratégies mises en place au(…)

- Marilys Corbex

Politiques de santé et prise en compte du patient chronique : les cas du SIDA et du diabète au Mali

Les maladies chroniques augmentent aujourd’hui fortement dans les pays du Sud : cela change le rôle et la place des patients, tant au niveau des soins qu’au niveau politique. Analyse d’une construction sociale, dont les résultats(…)

- Annick Tijou-Traoré, Bruno Dujardin, Isabelle Gobatto, Jessica Martini

Médicaments : après Pretoria, New Delhi ?

Une nouvelle géopolitique du médicament se dessine depuis plusieurs années : bras de fer entre les pays émergents et l’industrie pharmaceutique.

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Vu du ciel

Prévention des traumatismes : une priorité mondiale

Les traumatismes – violences, accidents – sont-ils suffisamment à l’agenda des politiques de santé publique ? Non, estime Etienne Krug, qui plaide depuis longtemps pour mobiliser les gouvernements sur cette question. Les choses avancent, mais l’évidence(…)

- Etienne Krug

Complexité : l’art et la science

Systèmes de données élaborés, indicateurs sophistiqués, modèles d’analyse complexes… l’étude rigoureuse des questions de santé est aujourd’hui possible. Mais il faut se rendre à l’évidence : ces outils ne suffisent pas pour prendre de bonnes décisions(…)

- Denis A. Roy, Eric Litvak, Fred Paccaud

Données, informations, connaissances : vers de meilleures décisions en santé publique ?

La politique de santé au Québec est résolument ancrée dans une vision dynamique : il s’agit avant tout de reconnaître la complexité du système de santé et de soutenir sa vitalité. Le credo de Denis Roy,(…)

- Denis A. Roy

Glossaire

Glossaire

La plupart des définitions qui suivent sont issues de la Banque de données en santé publique (BDSP), du Réseau documentaire d’informations en santé publique dont la gestion est assurée par l’Ecole des hautes études en santé(…)

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Introduction

Introduction

Epidémiologie et soins de santé primaires : rencontres En octobre 2012, deux associations d’épidémiologistes organisaient un colloque à Bruxelles avec l’école de santé publique de l’université libre de Bruxelles sur le thème de « La santé(…)

- Marianne Prévost