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Suivi de la proportion de malades chroniques en Belgique : questions de méthodes

Les sept mutualités belges en activité collectent un ensemble de données afin de pouvoir effectuer leurs tâches : des données administratives (exemple : sexe et âge des membres) ainsi que les données de facturation rassemblées à partir des consultations réalisées en hôpital ou en cabinets médicaux. Elles se sont regroupées dans l’Agence interMutualiste (AIM) pour réaliser des études en commun. Cette équipe présente ici les avantages et limites de différentes méthodes d’observation : ce qui laisse entrevoir tant la complexité que l’intérêt de la surveillance épidémiologique.

les mutualités en Belgique… * Alliance nationale des mutualités chrétiennes * Union nationale des mutualités neutres * Union nationale des mutualités socialistes * Union nationale des mutualités libérales * Union nationale des mutualités libres * Caisse auxiliaire d’assurance maladie-invalidité * Caisse des soins de santé SNCB

Surveillance en concertation : l’échantillon permanent des soins de santé

L’Agence interMutualiste gère en concertation avec cinq institutions fédérales1, un échantillon permanent des soins de santé tiré de façon aléatoire sur base de l’âge et du sexe. Cet échantillon représente un quarantième de la population de moins de 65 ans et un vingtième des 65 ans et plus. La consommation de soins de cet échantillon est ainsi suivie depuis 2002, permettant aujourd’hui l’observation sur une période de dix ans. Nous présentons ici une étude exploratoire réalisée par l’Agence interMutualiste portant sur la possibilité de suivre à partir de l’échantillon permanent des soins le pourcentage de patients chroniques en Belgique, sur base de deux proxys : le pourcentage d’assurés avec un forfait maladie chronique d’une part, et la prévalence du diabète d’autre part.

Observation à partir du statut de malade chronique

En Belgique, les assurés répondant à un des critères médicaux suivants reçoivent le statut de malade chronique : dépasser un niveau de dépendance pour l’aide à la vie journalière mesuré par des échelles validées par des institutions publiques, en particulier répondre aux conditions d’attribution des forfaits B et C en soins infirmiers à domicile (échelle Katz) ; avoir le statut de pathologie lourde (kiné E) ; bénéficier d’une allocation aux handicapés ; avoir été admis à l’hôpital pendant au moins 120 jours au cours d’une période de référence de 2 années, ou au moins 6 fois au cours d’une période de référence de 2 années. Ces malades chroniques peuvent recevoir un « forfait malade chronique » s’ils ont déboursé, à leur propre charge, un certain montant relatif aux soins de santé pendant une période de référence (deux années consécutives). Ce montant s’élève à un minimum de 365€ pour les bénéficiaires de l’intervention majorée, de 450€ pour les bénéficiaires ordinaires. On pourrait donc envisager de suivre, parmi l’ensemble des assurés, le % de ceux qui ont un statut de malade chronique, ou de ceux qui bénéficient d’un forfait malade chronique. En 2010, 4.6% des Belges assurés répondaient à au moins un des critères administratifs évoqués pour être considérés comme malades chroniques. Parmi les personnes âgées de 65 à 74 ans, cette proportion était de 8% ; parmi celles qui ont plus de 75 ans, elle s’élevait à 18%. Actuellement, les données relatives aux forfaits ne sont disponibles sur base permanente que dans l’échantillon permanent, où l’on observe globalement que 36% des malades chroniques se voient attester un forfait malade chronique (ce qui veut dire que le seuil de frais soins de santé à charge de ces patients a été dépassé) ; ils sont plus de 40% à partir de 45 ans. Nous voyons dans le tableau 1 que le pourcentage de malades chroniques est légèrement sous-estimé dans l’échantillon permanent en regard de celui qui est observé dans l’ensemble de la population. Cela est essentiellement dû au fait que la surreprésentation des personnes de plus de 65 ans n’a pas été intégrée dans les calculs ; en l’intégrant, il y aurait sans doute une meilleure correspondance entre l’échantillon et les données exhaustives pour ces catégories de personnes âgées. Nous avons testé deux approximations pour estimer la proportion de malades chroniques dans la population de l’échantillon permanent : d’une part le statut, d’autre part le forfait. Ces deux méthodes donnent des résultats très différents et le choix de l’une ou l’autre dépend de la question de recherche. Signalons que le pourcentage de malades chroniques estimé à partir du statut augmente d’année en année, ce qui suit la tendance du vieillissement. Le pourcentage de forfait n’a, lui, pas augmenté depuis 2002.

Observation à partir des médicaments : les patients diabétiques

En l’absence de données diagnostiques, on peut identifier les malades chroniques sur base des médicaments remboursés. C’est un travail très complexe ; dans cette étude exploratoire, nous l’avons tenté pour les patients sous traitement de médicaments relatifs au diabète. Les patients contrôlant leur maladie par le biais d’un régime alimentaire ne sont donc pas inclus. La base de données Pharmanet est ici très utile ; rassemblant les données de facturation des officines publiques, elle permet d’identifier les assurés s’étant vu délivrer des médicaments antidiabétiques pour une période d’au moins un mois. Ces données sont exhaustives ; toutefois leur limite est qu’elles n’incluent pas les patients qui ont reçu ces médicaments par d’autres canaux, par exemple les officines hospitalières. Les chiffres basés sur l’échantillon permanent des soins sont plus complets, principalement parce que les données relatives aux médicaments délivrés hors officines publiques y sont également disponibles : nous disposons donc d’une vue de la prescription individuelle de médicaments. Ceci a un effet particulièrement important au niveau des personnes âgées (d’autant plus que la prévalence du diabète est plus élevée dans ce groupe) ; en effet, certaines maisons de repos se voient délivrer leurs médicaments par des officines hospitalières. Nous n’avons pas étudié en détail de quelles maisons de repos il s’agit, mais nous avons connaissance d’un effet important à ce niveau pour la région d’Anvers, en particulier en ce qui concerne les maisons de repos et de soins du CPAS. Un autre avantage de l’échantillon permanent des soins, c’est qu’il donne une vue longitudinale, ce qui nous permet d’exclure les patientes souffrant d’un diabète de grossesse. Nous avons donc comparé la prévalence de diabète observée sur base de l’échantillon permanent et sur base des données de Pharmanet ; les différences sont claires. Le tableau 2 montre que, globalement, la prévalence observée à partir de l’échantillon permanent est de 40% plus élevée que celle observée à partir des données de Pharmanet ; elle est plus élevée de 12% pour les personnes de plus de 75 ans. L’autre différence frappante se situe au niveau des jeunes enfants : ils sont identifiés de manière plus correcte au travers des conventions pour patients diabétiques, dont les codes de nomenclature soins de santé ne sont disponibles qu’au sein de l’échantillon permanent.

En conclusion : complémentarité des méthodes

Cette étude illustre les possibilités et limites de différentes méthodes utiles pour suivre le pourcentage de malades chroniques et la prévalence de patients diabétiques en Belgique. Si différents systèmes de recueil de données ont tout leur intérêt, l’échantillon permanent a des atouts majeurs : il permet un certain niveau de précision, contient des données à caractère longitudinal et individuel, a une disponibilité permanente, est représentatif et de volume manipulable. Enfin, à partir de 2014, l’AIM pourra effectuer ce type d’approche épidémiologique sur base de la totalité de la population assurée et pour l’ensemble des dépenses attestées à l’assurance obligatoire. En effet, les 7 organismes assureurs ont décidé de transférer de manière récurrente trimestriellement l’ensemble des dépenses de leurs assurés sur la plateforme AIM à partir de l’année de prestations 2006.

Documents joints

  1. INAMI, centre d’expertise ; le KCE, centre fédéral d’expertise des soins de santé ; le service public fédéral de Santé publique ; le service public fédéral Sécurité sociale et l’Institut scientifique de santé publique – ISP.

Cet article est paru dans la revue:

Santé conjuguée, n° 65 - septembre 2013

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