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Aujourd’hui la crise…

Santé conjuguée n° 59 - janvier 2012

Les politiques d’austérité sont aujourd’hui brandies comme la seule réponse réaliste à la crise économique et financière. Au nom de leurs associations, les signataires de cette carte blanche dénoncent cette politique à sens unique qui privilégie les profits au détriment de la redistribution des richesses et en appellent à une vision du monde plus solidaire inspirée par le progrès social et l’émancipation.

Le secteur financier, à l’origine de la crise de 2008, a imposé aux Etats d’adopter, pour renflouer les banques, des plans de sauvetage au coût exorbitant. Le poids de ces aides répétées a grevé les budgets nationaux, renforcé le surendettement et alourdi, in fine, la charge de la collectivité. Aujourd’hui, les mêmes entreprises, sans rien lâcher ni sur leurs pratiques, ni sur leurs prérogatives, arguent de l’endettement de ces mêmes Etats pour leur imposer des plans d’austérité drastiques, qui risquent d’engendrer la récession et l’augmentation du chômage. Quant à la situation politique, elle n’a jamais été aussi alarmante. La pression du secteur financier a déjà débouché sur la démission de gouvernements démocratiquement élus mais aussi sur la mise en place d’équipes d’experts réputés proches du monde des banques et qu’accompagnent parfois des représentants de la droite extrême. Cette nouvelle donne politique contient les germes d’un grave recul démocratique. Dans une Europe économiquement affaiblie, les Etats qui ne savent pas faire face aux enjeux de leurs finances publiques voient tout simplement relever le taux d’intérêt de leur dette. C’est d’ailleurs ce qui vient de se passer chez nous. L’annonce de la dégradation de la note belge par Standard & Poor’s est intervenue jeudi soir (voir ndlr), alors que les négociations piétinaient. D’un coup, la dramatisation savamment organisée autour de cette décotation a imposé en une nuit le mariage à la fois craint et attendu de la carpe et du lapin. Plus grand-chose n’empêche qu’un Gouvernement soit mis en place dans les jours à venir (voir ndlr). Ceci est une bonne chose. La question qui se pose maintenant est la suivante : quelles politiques peuvent à la fois faire face aux défis des finances publiques, soutenir les plus démunis et préparer un meilleur avenir ? Les mesures annoncées dans le plan budgétaire ne répondent pas à ces exigences. Et cela pour deux raisons essentielles. D’une part, le contexte européen reste bloqué et rend très aléatoire la sortie d’une spirale de récession. Il confine la Banque européenne dans le rôle de greffier des déroutes des Etats plutôt que dans celui d’autorité monétaire, alors que c’est d’une politique monétaire forte que l’on a besoin, seule à même d’affronter le surendettement européen dans son ensemble. D’autre part, les conséquences de ce budget vont peser lourdement sur tous ceux qui ont déjà du mal à nouer les deux bouts. Comment trouver « équilibré » un budget qui fait porter, même partiellement, le poids du combat contre le surendettement sur les épaules de ceux qui sont ses premières victimes ? Selon nous, l’Etat peut être géré avec rigueur sans faire payer le redressement financier aux travailleurs, aux chômeurs et aux pensionnés. La protection sociale, telle qu’elle existe chez nous, est régulièrement présentée comme trop onéreuse ou génératrice d’assistanat. Or ce système de mutualisation permet avant tout d’affirmer une solidarité concrète forte entre tous. D’autant que la globalisation des échanges et la concurrence qu’elle engendre est génératrice de pertes d’emplois et d’insécurité sociale. Défendre un système de protection sociale efficace, c’est aussi restaurer le rôle du service public, garant de la redistribution pour l’ensemble de la population. Le combat contre la privatisation systématique des services donnant accès aux droits sociaux garantis par la Constitution doit être une priorité des politiques à mettre en place pour combattre la crise. Accepter les politiques d’austérité, c’est accepter les diktats des acteurs financiers et industriels, pour qui « il n’y a pas d’autre choix possible » que de toucher aux pensions, au chômage, aux soins de santé. Sans parler des politiques migratoires et du droit des étrangers, qui payent souvent « cash » les conséquences des crises que nous traversons. Et pourtant, si « ici » et « là-bas », on était face à un même enjeu : comment les travailleurs peuvent-ils faire face collectivement à la mondialisation néolibérale ? Comment réguler un système financier transnational qui permet aux capitaux de circuler toujours plus vite et plus facilement, au service d’opérations de plus en plus spéculatives ? Comment combattre un système qui génère toujours plus de profit avec toujours moins de redistribution vers les collectivités ? Aujourd’hui les impasses produites par notre système économique commandent de lutter davantage contre les inégalités, de renforcer les mécanismes de solidarité pour préserver l’avenir des générations qui nous suivent. Sur le plan économique, dans nos pays, c’est avant tout d’une relance économique coordonnée au niveau européen dont nous avons besoin : la création d’emplois durables devrait être la priorité de cette gouvernance attendue. Quant au financement de ces politiques, nous sommes convaincus qu’il est possible à condition d’adopter des mesures volontaristes en matière de fiscalité et de régulation du secteur financier. La lutte contre la fraude fiscale et financière et l’application d’une fiscalité équitable sont les instruments premiers d’une politique réellement sociale. La participation à l’effort collectif doit être proportionnelle à la capacité contributive. Les déductions fiscales et intérêts notionnels offerts aux entreprises doivent être conditionnés à la création d’emplois ou à une politique créatrice de richesses pour la collectivité. Enfin, il est urgent d’adopter une taxe sur les transactions financières, comme le propose d’ailleurs l’Europe. N’oublions pas que, même à croissance faible, la richesse globale produite par nos pays reste en constante évolution. Les petits pas faits dans cette direction par le programme budgétaire adopté sont insuffisants. De plus, ils risquent de masquer, si le taux de croissance espéré ne se confirme pas, l’adoption de mesures futures encore plus dures, dont le poids pèsera sur les plus défavorisés. Voilà pourquoi nous devons nous mobiliser : aux politiques à sens unique qui nous sont imposées aujourd’hui il faut substituer une autre vision du monde, plus solidaire, inspiratrice de progrès social et d’émancipation. Ndlr la carte blanche a été rédigée le 1 décembre 2011. Les délais de publication de Santé conjuguée rendent compte du décalage de certaines données. Malheureusement, l’évolution de la situation montre que malgré le temps passé, l’analyse des faits et leur dénonciation conservent toute leur actualité.

Documents joints

Cet article est paru dans la revue:

Santé conjuguée, n° 59 - janvier 2012

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