HERMESplus est, à côté du projet mené sur l’Est de Bruxelles, l’un des deux projets bruxellois mis en place dans le cadre de la réforme de la psychiatrie. Particularité principale : l’initiateur n’est pas un hôpital mais un réseau d’acteurs en santé mentale. Il est également, contrairement à tous les autres projets belges, bilingue. Brève évocation.
Une des grandes idées de la réforme était de libérer, grâce au « gel » de lits, de nouveaux moyens pour l’ambulatoire (équipes mobiles essentiellement). Oui mais voilà… La Région de Bruxelles-Capitale, qui nous intéresse ici, présente par rapport aux autres régions du pays, un nombre relativement peu élevé de lits psychiatriques. Comment faire ? Si Bruxelles-Est a choisi de geler effectivement des lits, le réseau HERMESplus a, lui, préféré trouver « autre chose ». Le réseau s’est ainsi construit à partir du foisonnement d’initiatives de première ligne, sans partir de l’hospitalier : un processus qui correspond bien à l’esprit de la réforme ‘psy 107’. Le développement communautaire des soins en ambulatoire à Bruxelles (lesquels sont parfois de longue durée) a suscité beaucoup de réflexions, et de nombreuses expériences ont vu le jour. Malgré tout, les problèmes restent nombreux : longues listes d’attente pour accéder aux institutions, première ligne congestionnée, manque d’opportunités durables pour l’intégration des patients psychiatriques, retours récurrents à l’hôpital de patients admis pour une durée courte (syndrome de la « porte tournante »), manque de communication et de concertation entre les différents prestataires de soins ou encore, problèmes chroniques de logement. Tout cela avec en toile de fond, un manque de moyens pour sauvegarder et consolider les soins en santé mentale. L’option de base du réseau est donc de soutenir la première ligne : à savoir les médecins généralistes, les maisons médicales, les Centra voor Algemeen Welzijn (CAW, centres pour le bien-être général), les services de soins à domicile, les maisons d’accueil ou encore, les services sociaux. Plutôt que de créer du nouveau, le réseau choisit de renforcer ce qui existe déjà. L’idée est donc bien de construire à partir de l’expérience et des connaissances de terrain. Rendre ces initiatives plus visibles représente un autre objectif du réseau. HERMESplus s’adresse aux grands adolescents et aux adultes ; il vise à intégrer les soins psychiatriques dans le milieu de vie de la personne et organise des activités répondant aux différentes fonctions prévues dans la réforme ‘psy 107’. Ces dernières reposent toutes sur le partage des connaissances, des philosophies et des modes d’intervention. Le réseau a grandi de manière assez horizontale et organique, entre acteurs qui se connaissaient – parfois bien, parfois mal – et souvent depuis longtemps. Le modèle de « soins partagés » trouve ici tout son sens, puisque les différentes portes d’entrée dans le réseau sont relativement personnalisées. La construction de principes opérationnels et stratégiques communs se fera à travers une meilleure compréhension mutuelle ; la recherche permanente de modèles innovants et de haute qualité ou encore, la facilitation et la dynamisation des rapprochements au sein du réseau. Cette approche semble être la seule voie pour qu’un réseau apporte de réelles améliorations – et de petits ou grands succès. L’approche peut revêtir de multiples visages, pour autant qu’elle puisse reposer sur une pensée créative – et que les pouvoirs publics reconnaissent non seulement la croissance des besoins mais aussi la nécessité de financer des initiatives novatrices permettant de remplir les chaînons manquants dans l’offre de soins. L’équipe mobile de crise, TANDEMplus, disponible pour les personnes qui se trouvent en situation de crise ou qui rencontrent des difficultés pour trouver des soins psychiatriques adaptés, peut être mobilisée à la demande d’un professionnel, d’un proche ou d’un usager. La première rencontre avec un travailleur de l’équipe se déroule en présence d’un intervenant professionnel et de l’usager. Le travail se fait selon des obligations et des règles bien précises. L’équipe n’est pas disponible 24h/24 mais suffisamment tout de même pour permettre une réaction à court terme. Le travail en binôme est une obligation. L’intervention en tandem (un travailleur de l’équipe et un partenaire de soins) remplit au moins deux objectifs : la création d’un lien et l’écoute de la demande, tant explicite qu’implicite. La crise peut être de tout ordre : crise de la personne, existentielle, psychiatrique, crise de l’entourage et/ou des aidants. Mais elle est avant tout psychosociale. L’équipe de TANDEM est constituée de 6 travailleurs psychosociaux. Trois d’entre eux gèrent l’accueil téléphonique où aboutissent les demandes. Les trois autres intervenants vont, pour leur part, « sur le terrain » à la rencontre du patient. Intensive et de courte durée (maximum six semaines), la prise en charge vise à constituer ou à remettre en place un réseau de soins autour de la personne, organisant, le cas échéant, des soins de plus longue durée. Une évaluation des interventions de TANDEMplus à 15 mois d’activités (période 1 juin 13 -31 août 14) indiquait que 329 demandes avaient été reçues dont plus de la moitié (64%) a nécessité l’intervention de l’équipe mobile. Les autres demandes (36%) ont été gérées directement via l’accueil téléphonique. La décision d’un suivi par l’équipe mobile ou d’une orientation par l’accueil téléphonique se fait par l’équipe. Plus d’une demande sur 4 (23% pour l’accueil téléphonique – 30% pour l’équipe mobile) provient de Similes ou de la famille elle-même. Près de 25% des demandes (23% pour l’accueil téléphonique – 20% pour la fonction mobile) viennent d’un CPAS ou d’un service social de première ligne. Les hôpitaux, le secteur d’aide aux sans-abris et les médecins généralistes (19% pour l’accueil téléphonique – 12% pour la fonction mobile) ou, dans une moindre mesure, les services de santé mentale, représentent les autres demandeurs. Le travail en binôme se fait avec les services sociaux de première ligne (19%), Similes ou la famille elle-même (15%), les services de santé mentale (15%), les médecins généralistes et maisons médicales (14%) ou encore sans binôme (18%). A noter encore que 59% des patients vivent seuls, que 10% d’entre eux sont sans domicile fixe et que 23% d’entre eux vivent en famille. Autre chiffre important : 58% des personnes suivies par l’équipe mobile résident dans les quartiers avec une typologie de privation lourde en termes de revenus, logement, éducation, santé et emploi… Documents joints
Cet article est paru dans la revue:
Santé conjuguée, n° 70 - avril 2015
Les pages ’actualités’ du n° 70
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