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Psy107 à Liège : un machin de plus ou une occasion à saisir ?


Santé conjuguée n° 70 - avril 2015

Une action pour améliorer la santé mentale ne peut être efficace que s’il existe une réelle articulation entre les différentes interventions, généralistes et spécialisées, mais aussi avec l’entourage et le milieu de vie de la personne. Elémentaire… ? Pas toujours mis en pratique, en tous cas. Le point sur les actions menées et les perspectives à venir par l’intergroupe liégeois des maisons médicales .

Primaire ou primordial ?

On est la langue qu’on parle. On est les mots qu’on utilise. L’adjectif anglais primary peut se traduire par « primaire » si on l’entend dans le sens de basic, elementary s’agissant du niveau, ou par primordial, fondamental ou principal si on veut dire most important. Inattention ? Sabotage ? Légèreté ? L’Organisation mondiale de la santé a traduit le concept de primary health care par soins de santé primaires. Primaire, en français, ça vous fait quoi ? Moi, je pense à l’école primaire, aux instincts primaires… ce genre de choses. Imaginons qu’on parle de soins primordiaux (traduction plus proche de l’esprit d’Alma-Ata), ça change tout. Mais ça rend tout un peu plus compliqué ! Parce que ce qui est primordial varie selon les situations, les contextes, les personnes, les problèmes de santé. Ça suppose la bonne collaboration entre toutes les instances pour que chacune intervienne spécifiquement pour telle personne ou population concernant tel aspect de la santé dans telle situation. Les soins de santé primaires, quoi ! Les situations qui engagent la santé mentale font partie de ces (bons) exemples où peut vraiment appréhender ce que peuvent signifier les soins de santé primaires. A moins d’être bouché-e ou de très mauvaise foi, il n’est pas possible d’envisager une action dans ce domaine un peu efficace et efficiente auprès d’une population sans tenir compte des principes des soins de santé primaires qui « doivent être soutenus par des systèmes d’orientation/recours intégrés, fonctionnels et se soutenant mutuellement, afin de parvenir à l’amélioration progressive de services médico-sanitaires complets accessibles à tous et accordant la priorité aux plus démunis ». Ce n’est qu’un aspect particulier des soins de santé primaires, celui qui concerne le système de soins au sens étroit, mais c’est celui qui nous intéresse ici, étant entendu que les autres aspects (couverture universelle, participation, intersectorialité, notamment) sont tout aussi primordiaux. Mais nous allons ici nous attacher à l’articulation entre les échelons du système de soins, parce que c’est une des choses qui posent gravement problème en santé mentale. Qu’il soit bouché ou de mauvaise foi, l’univers institutionnel de la psychiatrie dans notre pays se refuse encore et toujours à admettre la nécessité de cette collaboration et ses implications. Qu’est-ce qui est primordial pour prendre soin des personnes concernées par les problématiques de santé mentale ? Qu’elles puissent en parler autour d’elles ; qu’elles restent en lien avec d’autres gens, dans la mesure du possible ; que leurs autres questions de santé ne soient pas négligées ; qu’elles ne soient pas réduites à leur pathologie si elle est avérée, mais qu’elles se fassent, et qu’on se fasse, autour d’eux, une idée la plus juste possible de leurs difficultés et de ce qui est bon pour elles ; que les rechutes soient prévenues et anticipées ; que ces personnes soient rassurées ; qu’elles sachent à qui faire confiance ; que leur entourage le plus proche sache où recevoir du soutien, où trouver du relais ; que leur traitement soit adapté, modulé, révisé… Je parle avec mes mots, qui ne sont pas ceux d’un soignant. Tous ces bénéfices ne peuvent être produits que si une vraie articulation est faite entre les interventions de soin des entités spécialisées, celles des intervenants généralistes de proximité et les ressources de la personne, de son entourage et de son milieu de vie. Les soins de santé primaires, je vous dis ! Action dans les instances du projet ‘Fusion Liège’ (comités de fonction et de réseau) défendre nos objectifs (voir plus loin) ; identifier les alliances possibles ; construire des relations utiles à ces alliances ; participer à la construction d’une culture commune ; montrer la cohésion et la cohérence du réseau des maisons médicales ; saisir les informations à rapporter. Action auprès des intervenants du réseau ‘Fusion Liège’ créer les conditions de bonnes collaborations ; entretenir une culture de travail. Action dans les équipes de maisons médicales mettre en oeuvre la fonction de référent santé mentale ; évaluer l’évolution qualitative et quantitative de la demande en santé mentale ; évaluer l’évolution de l’activité de soins ; organiser la continuité du suivi. Action à l’intérieur du ‘GSM’ construire la fonction de référent santé mentale ; analyser les informations sur le projet et le réseau ‘Fusion Liège’ ; poursuivre l’analyse des enjeux de la santé mentale ; construire une vision de l’action en santé mentale ; interpeller et relayer auprès de la Fédération des maisons médicales. Moyens Le ‘GSM’ a lancé une série d’actions pour réaliser ses objectifs : rencontre systématique de chaque équipe mobile (deux équipes pour les situations aigues et deux pour les chroniques) ; démarche de recueil d’information, d’identification et d’observation des situations suivies en maisons médicales. Cette action, qui mobilise fortement les membres du groupe n’est pas une fin en soi, mais une étape indispensable pour définir un projet d’approche psychosociale et en santé mentale de la maison médicale. Le principe fondateur de ce projet n’est pas le soin, mais la proactivité dans le maintien du lien, des liens (avec les soignants, avec la maison médicale, avec des proches, avec la réalité). L’objectif opérationnel, c’est la reliaison pluridisciplinaire ; participation des maisons médicales à l’évaluation confiée aux équipes universitaires ; élaboration concertée d’une conventiontype de collaboration entre les urgences médico-psychologiques du centre hospitalier régional et les maisons médicales ; mise en place progressive de la fonction de référent santé mentale dans les équipes ; négociation de la convention partenariale entre le réseau’ Fusion Liège’ et les maisons médicales ; liaison avec la démarche de tableau de bord de la Fédération des maisons médicales.

Histoire corse

C’est sur cette base que l’intergroupe liégeois des maisons médicales a proposé très tôt une mobilisation des équipes concernées dans la réforme ‘psy 107’ à Liège. Dire que cette mobilisation n’a pas été facile est un euphémisme. Avant que le dispositif ne produise des effets, et jusqu’au déploiement des équipes mobiles, la réforme, telle qu’on pouvait l’expliquer, avait l’air d’être un machin de plus. Et la dynamique liégeoise, avec ses deux projets concurrents au départ, rassemblés chacun autour d’un pôle hospitalier, pouvait passer pour une guéguerre institutionnelle de plus, une histoire corse. Les travailleurs des maisons médicales, dans leur majorité, ne se sentaient pas concernés, alors que la problématique en elle-même avait pourtant mobilisé plusieurs groupes et inspiré des initiatives (avec Similes1, notamment). C’est la ténacité de certains, les messages de la Fédération des maisons médicales et l’implication de l’intergroupe liégeois des maisons médicales et de son conseil d’administration qui ont permis de vaincre cette inertie, et de mettre en place un groupe santé mentale ‘GSM’, composé d’une personne par maison médicale présente sur le territoire du projet ‘Fusion Liège’2. Afin de structurer notre action, nous avons déterminé assez vite des axes de travail, et formulé des objectifs dans chacun de ces axes. Fondamentalement, l’enjeu est de faire évoluer les pratiques de soins de santé mentale dans le réseau, entre échelons du système, mais aussi dans les maisons médicales en interne. Il n’est bien sûr pas évident de donner une place spécifique à une problématique aussi « envahissante » dans une équipe généraliste.

Horizon

Au-delà de ces objectifs, nous avons aussi ressenti le besoin de définir des perspectives à notre mobilisation. En effet, le travail au quotidien, notamment dans les instances, l’inertie de certains acteurs, l’énormité de la tâche et la récurrence des obstacles peuvent conduire au découragement, et à l’impression d’être instrumentalisés. Parmi ces perspectives, il y a la nécessité de soutenir la territorialisation des équipes mobiles, et de l’approche du réseau, en général. Les réseaux impliquent un partage d’informations et une meilleure circulation de renseignements sur la santé des patients. De notre côté, on défend l’idée que la définition d’un dossier commun est une fausse piste : on n’arrivera jamais à se mettre d’accord sur les critères d’évaluation, le partage des diagnostics… On risque de se perdre dans des discussions procédurales sans fin. On défend, en réponse, l’activation systématique du référent de situation, tel que l’a défini le groupe Similes/IGL3, distinct de la personne de référence. Seule la mention de cette personne, pour chaque situation, devrait circuler dans le réseau, et chaque intervenant, de même que les proches, pourrait s’adresser à elle pour poser ses questions. Ces objectifs ne se réaliseront pas sans un accès central à l’ensemble du dispositif ‘fusion Liège’. Idéalement, cette centralité pourrait se concrétiser par un lieu identifié. 

Documents joints

  1. Voir article dans ce dossier : Continuité des soins ambulatoires à long terme : sur la piste du référent, Marinette Mormont.
  2. Le projet finalement validé par la conférence interministérielle sur le territoire des arrondissements de Liège et de Huy-Waremme porte le nom de ‘fusion Liège’, en référence à la fusion – imposée par la Classification internationale des maladies – des deux projets de départ.
  3. Voir article dans ce dossier : Continuité des soins ambulatoires à long terme : sur la piste du référent, Marinette Mormont.

Cet article est paru dans la revue:

Santé conjuguée, n° 70 - avril 2015

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