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De la création du Centre canadien de l’agrément


Santé conjuguée n° 56 - avril 2011

Les critères permettant de définir ce qu’est ou ce vers quoi doit tendre un centre de santé, c’est bien. Encore faut-il éviter un maquillage de ces critères sur des structures stériles ou une sclérose liée à la conviction « d’y être arrivé ». C’est pour éviter ces pièges qu’en Ontario, un processus d’agrément des centres a été mis en place sous le doux nom de BOS. Loin d’être un contrôle bureaucratique, BOS propose un processus participatif qui combine évaluation continue par les pairs, soutien à la qualité et amélioration permanente pour les usagers.

Les centres communautaires de santé de l’Ontario (Canada) se sont posé la question : comment soutenir la qualité de nos services ? Voici ce qu’ils ont imaginé et réalisé… La SOCI, Santé des organismes communautaires Inc. a été constituée et a pris part à un long processus qui a donné lieu à la création du Centre canadien de l’agrément (CCA)1. L’objectif, offrir un service d’agrément de qualité adapté aux services communautaires, avec des normes communes, par le biais du modèle « Bâtir des organismes plus sains (BOS) ».

Histoire d’un processus

Dès 1998, l’Association des services communautaires ontariens approuve l’outil « Bâtir des organismes plus sains ». Cet outil est utilisé pour l’agrément des centres de santé communautaire (CSC) de l’Ontario. Pour sa mise sur pied, il a fallu créer un organisme sans but lucratif. SOCI est officiellement constituée, et gère le programme d’agrément et d’amélioration de la qualité (Bâtir des organismes plus sains( (BOS). Elle est gérée par un conseil d’administration composé de travailleurs de centres de santé. Parmi ses missions, SOCI s’engage à « viser la qualité, l’excellence et l’innovation ; à promouvoir l’apprentissage continu et encourager le dépassement ; à créer des occasions d’apprendre et les offrir aux particuliers et aux organismes ; à impliquer ses membres dans le développement continu et la direction de SOCI ; à respecter la diversité de ses membres ; à assurer la transparence (relations et communications) et être pleinement responsable de la qualité de son travail et de l’atteinte des résultats escomptés ». En 1999, 50 centres de santé communautaire s’inscrivent pour participer au processus et en 2002, tous ont bénéficié d’une première révision. En 2003, le conseil d’administration, fort de l’évaluation de ce premier processus décide de revoir les critères et indicateurs d’évaluation. La version de 2005 de l’outil BOS comprend un processus et des normes entièrement révisés, fruit de 18 mois de travail intensif auquel ont participé plus de 150 intervenants représentant entre autres les centres de santé communautaires, leur fédération (l’ASCO) ainsi que le ministère de la Santé. De nouvelles adaptations sont encore réalisées en 2008, suite au deuxième tour de révision.

Bâtir des organismes plus sains (BOS) ?

Avec BOS, un organisme évalue les services et systèmes en fonction de normes reconnues et acceptées par l’ensemble des services participants. Il s’agit d’un processus de révision par les pairs qui mène à l’agrément. Un organisme sain ? – Un organisme sain est axé sur l’usager, sensible à ses préoccupations immédiates et à la façon dont il est touché par le contexte dans lequel il vit ; – Il vise des résultats optimaux pour les individus, les familles et les communautés ; – Il favorise la participation des usagers et de la communauté ; – Il crée un milieu de travail positif qui favorise l’acquisition de connaissances et l’amélioration continue ainsi que l’innovation ; – Il rend des comptes autant à ses usagers qu’à sa communauté et à ses bailleurs de fonds ; – Il cherche à assurer la qualité et l’accès quelles que soient les caractéristiques des personnes (sexe, ethnie, race, milieu géographique, statut socio-économique, etc.). Les normes BOS ? Trois modules Le module ’Capacité de base’ regroupe les éléments qui orientent un organisme (leadership, organisation) et les moyens de s’assurer qu’il suit cette orientation (son conseil d’administration, son personnel et ses systèmes et pratiques administratives). On y examine comment tous ces systèmes et processus s’harmonisent et se rattachent à la vision globale et au travail auprès des usagers et des collectivités. Le module ’Programmes et services’ se concentre sur la façon dont le mandat et la mission d’un organisme se traduisent en services et programmes pour les individus et les groupes (prestation des services, accessibilité, évaluation des besoins de l’usager, coordination et évaluation des programmes et services). Le module ’Capacités communautaires’ traite de la façon dont les organismes interviennent dans leur communauté, l’appuient et font participer d’autres membres (partenaires, bénévoles, étudiants) à leur travail. L’équipe du SOCI est composée de trois travailleurs permanents. Les reviseurs BOS sont des travailleurs (gestionnaire, coordonnateur, ou tout autre professionnel expérimenté) de centres affiliés à SOCI. Dans chaque équipe qui visite un centre pour son agrément, il y a un chef d’équipe permanent de SOCI et deux réviseurs qui sont des travailleurs d’un autre centre de santé, confrontés aux réalités du secteur et formés à ce travail de réviseur. Une quarantaine de réviseurs pairs font partie des équipes de révision BOS. L’intérêt d’être réviseur est d’aider à préparer sa structure à sa propre révision. D’après les réviseurs BOS, il s’agit d’une expérience enrichissante sur le plan du développement professionnel et d’un bon moyen d’obtenir de l’information sur la façon dont les autres organismes travaillent. Avec BOS, SOCI dessert aujourd’hui plus de 70 organismes en Ontario.

Le processus d’agrément

Pour les organismes, la première démarche consiste à décider s’ils souhaitent participer au processus BOS et à faire une demande d’obtention et de maintien de l’agrément auprès de SOCI. L’agrément se déroule selon un cycle de quatre ans. L’organisme participant s’évalue d’abord lui-même en fonction des normes BOS et travaille à améliorer ses structures et systèmes en vue de satisfaire à ces normes. Une fois tous les quatre ans, une visite sur place est prévue. Avant cette visite, l’organisme remet des documents (ses politiques et procédures, outils de travail, rapports). Des partenaires éducatifs et communautaires font l’objet de sondages de la part de SOCI. L’équipe de réviseurs analyse les résultats de ces sondages et les documents fournis par l’organisme, puis mène des entrevues avec des membres du conseil et du personnel de tous les échelons. L’équipe de réviseurs prépare ensuite un rapport préliminaire et l’organisme concerné dispose d’un certain temps pour répondre aux questions qui y sont soulevées. Ensuite, un rapport final est préparé et examiné par le conseil d’administration de SOCI qui prend la décision d’accorder ou non l’agrément. Le rapport livre des commentaires à l’organisme sur ses forces et faiblesses au regard des normes BOS. Le document fait aussi mention des secteurs où l’organisme a su faire preuve d’innovation et d’excellence. Après la révision, le cycle recommence, alors que l’organisme fixe de nouveaux objectifs dans le cadre de son processus d’amélioration continue.

Un exemple d’excellence et d’innovation

Outre l’évaluation de nombre de critères, le SOCI soutient l’innovation, notamment en la rendant visible pour les autres centres. Il s’agit de mettre en valeur les bonnes idées, les nouveaux projets, les avancées mises en œuvre dans les centres. Par exemple, l’Anishnawbe Health Toronto2, centre qui fait l’objet d’une révision BOS est passé à un système de dossiers de santé électroniques en 2006. Cela a été visibilisé par le SOCI sur son site internet en ces termes « Les dossiers de santé électroniques sont essentiels à la collaboration dans un milieu où se côtoient pratiques traditionnelles et médecine conventionnelle, aux approches multidisciplinaires et à la prestation de services en des endroits multiples. L’utilisation de la technologie de l’information et la gestion des données par l’Anishnawbe Health Toronto sont remarquables, tout comme le sont ses pratiques et systèmes innovateurs, tels le modèle d’évaluation aux fins du suivi des usagers et des consultations ; l’inventaire des immobilisations et la pratique consistant à donner aux usagers une copie des notes à l’issue des séances avec des guérisseurs traditionnels. ». Pour l’avenir Le module sur les soins de santé primaires axés sur la communauté, qui fera partie du nouveau programme d’agrément du Centre canadien de l’agrément destiné au secteur des centres de santé communautaires (CSC), est élaboré avec l’aide d’un groupe consultatif de représentants des CSC. Des commentaires sont attendus de la part de tous les milieux de la santé communautaire. Pour chaque secteur, deux organismes serviront de « test » pour la mise à l’essai des révisions d’agrément au printemps 2012. En 2010, l’initiative a eu tellement de succès que de nouveaux secteurs s’y sont associés. SOCI réunit dès lors un groupe de travail chargé de recommander des modifications qui feraient de BOS un programme plus pertinent pour ceux-ci. Comme la première version de BOS ne concernait que les services de santé primaires axés sur la collectivité, la seconde version de BOS ciblera plus globalement l’ensemble des services axés sur la collectivité : la santé mentale des enfants, l’orientation à l’égard du crédit, l’aide à l’enfance, ainsi que les services aux familles seront inclus dans le programme dès 2013.

Ce que nous retenons

Un outil d’évaluation par les pairs, fait avec et pour des travailleurs de centres de santé communautaire. Un outil créé de façon participative. Un centre d’agrément qui n’est pas là pour contrôler mais bien pour soutenir les structures et les travailleurs et les encourager à toujours faire mieux pour leurs usagers. Un centre chargé d’évaluer la qualité des pratiques de manière indépendante des pouvoirs publics, et pourtant en dialogue avec eux et avec leur soutien. Pour d’autres informations, voir le site : www.cohi-soci.ca/fr/accueil.php

Documents joints

  1. 1. Dans la démarche canadienne, l’agrément marque la participation à un processus de développement continu de qualité, avec des étapes d’évaluation.
  2. 2. L’Anishnawbe Health Toronto est un centre qui s’adresse prioritairement à la communnauté autochtone du Toronto (les “Premières Nations”).

Cet article est paru dans la revue:

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