Depuis de nombreuses années, la Fédération des maisons médicales se bat pour plus de promotion positive de la santé, et notamment pour « L’élaboration d’une « loi-santé » qui permette d’évaluer a priori l’impact de toute politique publique sur la santé » (cahier de propositions politiques).
Le constat n’est pas nouveau, la santé est déterminée à plus de 70 % par les facteurs dits « non médicaux » : biologiques, habitudes de vie, environnement social, économique et physique, et à moins de 30 % par l’activité du système de soins. En outre, dans nos pays d’Occident, les inégalités en santé se creusent. Alors qu’on sait que les investissements dans le social et l’éducation contribuent largement à l’amélioration de la santé, la distribution des budgets « santé » entre le système de soins et les autres déterminants est plus qu’inversement proportionnel à leur impact sur la santé. Nous mesurons la difficulté de mettre en place une initiative faite de globalité, d’intégration, avec une « vue d’ensemble », dans un système belge morcelé au plan institutionnel et archaïque dans sa conception de la santé.Avançons !
Le cahier de propositions politiques de la Fédération des maisons médicales a eu pour vocation de réfléchir au pourquoi une « loi-santé » et d’envisager le comment. Reste à avancer vers une opérationnalisation dans notre contexte belge. Des applications concrètes existent, à des niveaux divers, dans certains Etats (Québec, Roumanie, Angleterre…) et dans de nombreuses grandes villes (Genève, Londres, réseau villes en santé…). Une riche littérature les étaye en matière de méthodologie, de définition d’indices et indicateurs thématiques, de construction de profils de santé, d’outils d’évaluation… Les techniques ’étude d’impact sur la santé’ (EIS) s’inscrivent dans cette perspective, sans en occuper tout le champ. Des tentatives d’intersectorialité existent aussi en Belgique, dont on pourrait tirer des leçons, par exemple une politique pour la personne âgée. Comme décrit dans un des objectifs des EIS : « Il s’agit de sensibiliser les analystes et décideurs de tous les secteurs aux conséquences de leurs politiques sur la santé, de prendre en compte les liens entre la santé et les actions des secteurs, de coordonner les actions entre les secteurs pour protéger la santé, de promouvoir la prise de décision basée sur des données probantes et de contribuer à réduire les inégalités en santé ». La mise en oeuvre d’un processus d’évaluation des impacts en santé implique de l’inscrire au préalable dans une politique globale de santé : il s’agit de prévoir et soutenir les interactions favorables à la santé dans les mesures en matière de logement, d’environnement, de travail, d’aide sociale, d’aménagement du territoire, de culture etc., sans limitation par le découpage en niveaux de pouvoir ou portefeuilles de ministre. Pour devenir opérationnelle, cette politique globale devra prendre forme de loi. Cette politique de développement du bien-être devra reposer sur des valeurs reconnues par tous : démocratie, participation de la population, justice sociale, développement durable, éthique dans la récolte et l’utilisation de données. Cette démarche n’est évidemment pas sans conséquence en termes de stratégie, de choix de priorités, de financement. Elle suppose des ressources sérieuses pour documenter les options possibles vers l’amélioration de la santé et les valider, pour élaborer et mettre en oeuvre une politique globale de santé coordonnée et pour évaluer son impact a priori comme a posteriori. Pour collecter sur le terrain les informations utiles à la mesure des impacts, les observatoires régionaux peuvent constituer de bonnes ressources ; la variété des indicateurs pris en compte dans leurs tableaux de bord et atlas donne un aperçu de l’étendue des champs à investiguer. L’Institut de santé publique a certainement un rôle plus important à recevoir pour coordonner et rassembler ces informations, et les mettre au service des décisions politiques. Une politique transversale de santé peut également se construire à un niveau plus local, communal ou supra-communal de « bassin de vie ». Il importe alors que les objectifs soient cohérents avec ceux choisis au niveau national, même si les stratégies s’adapteront au niveau de décision et au contexte local. Plus encore, le niveau local peut être un bon niveau pour impliquer la population, l’éclairer sur les enjeux, lui donner sa place dans le choix des priorités.2010, le temps des opportunités ?
Notre système de santé n’empêche pas les inégalités en santé de se creuser. Il est plus que temps de chercher des réponses en dehors du système de soins, dans le soutien aux conditions de vie en santé. La mise en question de la norme de croissance des soins de santé, c’est-à-dire du budget de l’INAMI, doit faire repenser les moyens alloués au traitement de la maladie par rapport aux actions visant les facteurs qui déterminent le maintien ou la perte de la santé : environnement de vie, éducation, conditions de travail (et de non travail), situation sociale, etc. En outre, le contexte institutionnel nous oblige aujourd’hui à revoir la division des compétences santé, et nous l’espérons, dans le sens d’une plus grande cohérence :- Définir des objectifs globaux ;
- Piloter et coordonner la réalisation des stratégies ;
- Evaluer l’impact des mesures proposées.
Documents joints
Cet article est paru dans la revue:
Santé conjuguée, n° 52 - avril 2010
Les pages ’actualités’ du n° 52
Action communautaire en santé : un observatoire international des pratiques
Agir sur tout ce qui détermine la santé implique de déployer des approches intégrant les dimensions communautaires et politiques.
Pour un bon usage du médicament en Belgique
Le médicament n’est qu’un des moyens, parmi d’autres trop souvent laissés au second plan, dont disposent la médecine et la société pour améliorer la santé des gens. S’il peut avoir de grandes vertus, il est rarement(…)
Psychiatrie : l’amorce du virage ambulatoire
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande, depuis plus de 10 ans déjà, de sortir des logiques hospitalières pour favoriser, tant que possible, l’accompagnement des personnes qui présentent des troubles mentaux, dans leur milieu de vie.(…)
Santé et santé mentale, une question anthropologique ?
Fondement occidental d’une vision contemporaine de la santé, la définition avancée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en explicite une lecture positive s’appuyant sur un bien-être physique, psychique et social. Toutefois ce bien-être est difficile(…)
Les soins de santé primaires : maintenant plus que jamais
Trente ans après Alma-Ata, soixante ans après la création de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le dernier rapport sur la santé dans le monde clame la pertinence et l’actualité des soins de santé primaires (SSP).(…)
Le monde des études d’impact sur la santé (EIS)
Etudes d’impact sur la santé : du pourquoi au comment
Depuis plus d’un demi siècle, il est communément admis que la santé déborde de beaucoup le champ de la médecine et convoque le social, l’économique, l’environnemental, le politique et nombre d’autres domaines. Jusqu’il y a peu,(…)
Le téléphone cellulaire au volant
Au Québec, nous avons accompli d’importants progrès en matière de sécurité routière. Dans les années 1970, nous avons atteint des records en termes de mortalité, avec plus de 2 000 morts par an sur les routes.(…)
Perspectives pour une loi-santé en Belgique
Opportunités pour une loi-santé
L’idée de la loi-santé est de faire en sorte que chaque initiative prise par le Gouvernement fasse l’objet d’un avis du ministre de la Santé. C’est une revendication de la Fédération des maisons médicales, exprimée dans(…)
Le 09 du 09 2009
Le principe d’une loi-santé, axée pas uniquement sur le soin est difficile à discuter avec des citoyens non spécialistes de la santé, tant les représentations sont ancrées. Pourtant, une telle mesure répond aux demandes que le(…)
Loi-santé : des enjeux culturels
La loi-santé, une idée toute simple mais qui paraît si compliquée à mettre en œuvre. C’est que c’est à un véritable changement de paradigme que doivent travailler nos politiques !
Pour un plan national Santé
La Plate-forme d’action santé et solidarité organisait, en mars dernier, une table ronde sur trois propositions qui mettent en œuvre une perspective d’action publique transversale sur la santé.
ECOLO veut une loi-santé
L’introduction d’une loi-santé implique de repenser les fondements de l’action publique en santé.
Contre les inégalités en santé
En 2007, la Fondation Roi Baudouin initie un groupe de travail composé de représentants du secteur de la santé et de l’aide sociale au sens large – dont des pouvoirs publics, des mutuelles, des associations, des(…)
Quels sont les obstacles structurels à la mise en oeuvre d’une loi-santé en Belgique ?
Quels sont les obstacles structurels à la mise en place d’une loi-santé en Belgique ? Pour Ri De Ridder, « il n’y a pas d’obstacle structurel à la mise en place d’un dispositif transversal pour définir(…)
D’un niveau l’autre
L’approche globale de la santé et de tous ses déterminants est affaire d’intégration horizontale intersectorielle, mais, dans une Europe des régions, où le centralisme d’Etat n’est plus la norme de l’organisation publique, où cohabitent des états(…)
Introduction
Sources
Quelques sources utilisées pour construire ce cahier
– Guide pratique : Évaluation d’impact sur la santé lors de l’élaboration des projets de loi et règlement au Québec : http://publications.msss.gouv.qc.ca/acrobat/f/documentation/2006/06-245-01.pdf – Les expériences d’évaluation d’impact sur la santé au Royaume-Uni et leur traduction dans(…)