L’introduction d’une loi-santé implique de repenser les fondements de l’action publique en santé.
Notre programme 2009 mentionnait explicitement la revendication de la mise en oeuvre d’une loi-santé : « Actuellement, tout projet de loi, de décret ou d’ordonnance, doit disposer de l’accord du ministre du Budget avant d’être soumis au Gouvernement. Ceci permet de s’assurer que les dépenses qui découleront de la mise en oeuvre de la nouvelle législation resteront dans les limites de la gestion rigoureuse du budget. Dans le même ordre d’idée, ECOLO estime nécessaire de mettre en place, comme au Québec (loi sur la Santé publique québécoise), un processus qui confère au ministre de la Santé et des Affaires sociales de chaque niveau de pouvoir un rôle de conseiller au Gouvernement et un pouvoir d’interpellation des autres ministres pour toute question liée à la santé publique. Ceci permettrait donc que chaque projet de décision soit évalué en ce qui concerne son impact sur les déterminants de la santé et sur les inégalités sociales, dans un objectif de promotion socio-sanitaire ». En fait, la mesure fait partie de nos revendications depuis 2007, même si elle n’apparaît plus telle quelle dans le programme 2010. Nous l’avons déposée à la Commission santé du Parlement fédéral. Notre programme dit qu’il faut un tel outil, mais ne dit rien de son opérationnalisation. Depuis cette demande de principe, on n’a plus eu l’occasion de l’inscrire à l’ordre du jour de la commission. Une des raisons, c’est que les crises se sont succédé, ne laissant plus de temps pour la réflexion de fond. Or, il s’agit là d’une proposition qui suppose de repenser les fondements de l’action publique dans le domaine de la santé. Ce n’est pas une réforme à la marge. L’autre raison est plus stratégique. Il y a un travail préalable à faire pour préparer l’examen d’un tel projet. Pour lui donner toutes ses chances, il faut anticiper les critiques, qui seront nombreuses. Il faut documenter la question. Et une des difficultés, ce sont les résistances culturelles. On n’arrive pas à se dire qu’on a des données, qu’on peut les corréler, qu’on peut les analyser pour orienter l’action, ce n’est pas dans notre culture. On rencontre le même problème pour les indicateurs du développement durable parmi lesquels, de notre point de vue, se trouvent déjà les indicateurs santé. Ce travail culturel peut se faire au Parlement, mais c’est un gros travail. Il vaut peut-être mieux lancer ce travail en-dehors, pour préparer le terrain. J’ai déposé, comme le prévoit la règlementation, une demande d’étude au Centre fédéral d’expertise des soins de santé (KCE)1 sur la mise en œuvre d’une évaluation d’impact en santé (EIS) en Belgique. Le KCE n’a pas pu la mettre dans ses priorités. On peut reconnaître qu’ils soient débordés, mais je regrette qu’ils n’aient pas tenu compte du fait que cette étude pouvait s’appuyer sur les très nombreuses recherches faites ailleurs, sur des ressources extérieures. On pourra réintroduire cette demande. On n’a probablement pas assez argumenté. Un handicap belge : réfléchir par pathologie et à partir de l’hôpital On a une vision trop segmentaire de la santé publique. Les plans organisés autour de maladies chroniques ou le plan Cancer, par exemple, font reculer d’autant la perspective d’une mobilisation large. Même quand ils envisagent une action globale et interdépartementale, leur point de départ est la pathologie. C’est, au mieux, une perspective d’action large à partir d’un point de vue restreint, et les énergies mobilisées sur ces démarches ne sont plus mobilisables pour une approche réellement globale des déterminants de santé. Ce sont des opérations qui privilégient les aspects communicables de manière visible et récurrente. Structurellement, il est exact que le cadre actuel autorise une action entre plusieurs départements ou niveaux institutionnels. C’est possible. Mais l’exemple du plan Santé mentale récemment présenté par les ministres Onkelinx, Van Deurzen et Tillieux est un typique exemple de détournement de la logique. La réforme du paysage de la santé mentale se fait en partant de la nécessité de réduire le nombre de lits d’hôpital, c’est-à-dire, conceptuellement et institutionnellement, à partir de l’hôpital. On ne part pas du territoire, des bassins de soins, du milieu de vie des gens. Parce qu’on gère des structures qui monopolisent tous les budgets et toute l’attention, c’est à partir de là qu’on travaille. En Belgique, on est tout le temps handicapé par cette vision. On organise tout à partir des structures les mieux financées, donc les plus contrôlables. A l’arrivée, ça donne évidemment un manque total de créativité, de prise en compte de la diversité des ressources mobilisables, et les réformes manquent leur but. Il faut sortir de ce schéma pour réfléchir une politique de santé.Un budget confortable
Concernant les aspects budgétaires, on est dans un paradoxe. Et il appartient à chaque acteur de se déterminer. La norme de croissance de 4,5 % par an appliquée au budget des soins de santé est intéressante. Elle conduit à ce qu’aujourd’hui, ce budget soit confortable. On a immunisé des montants pour l’avenir et c’est une bonne chose. Ça garantit la pérennité du système. Cette année, on a même mobilisé des moyens pour d’autres secteurs de la sécurité sociale et ça reste cohérent. Mais le risque, c’est de se contenter d’ajouter des couches supplémentaires dans le mille feuilles, de multiplier ou améliorer les remboursements sans jamais s’attaquer à la réorganisation structurelle du système de santé. Certains commencent à dire que quand on a trop de sous, on n’est pas obligé de réfléchir à l’utilisation qu’on en fait, et ça finit par rendre le système indéfendable. On ne doit pas réduire le budget de la santé. On pourrait trouver comment mobiliser cet argent sur des politiques de promotion de santé, de prévention et d’éducation à la santé qui sont sous-financées. Par ailleurs, on demande tout le temps aux gens de mériter les aides sociales et même de prendre l’initiative de demander celles dont ils ont besoin et auxquelles ils ont droit. De cette manière, on réintroduit des inégalités insupportables dans l’accès aux soins. Savoir repérer ses adversaires et identifier ses alliés Le plus sidérant, c’est le peu de pouvoir du politique pour réellement changer quelque chose aux politiques de santé. Les institutions où se négocient les interventions sont totalement noyautées par des acteurs qui les cadenassent au nom d’intérêts corporatistes ou particuliers. Et les soignants ont trop peu de conscience de qui les représente et au nom de quoi. Il y a là un véritable enjeu, dont je parle, par exemple, aux étudiants en médecine chaque fois que j’en ai l’occasion. Enfin, il est urgent et incontournable, pour fonder une politique de santé publique digne de ce nom, de valoriser le travail des observatoires et de l’Institut de santé publique. Ces organismes ne manquent pas de personnes compétentes à qui il faut donner la possibilité de travailler ensemble et de produire des instruments de pilotage des décisions et des dispositifs.Documents joints
Cet article est paru dans la revue:
Santé conjuguée, n° 52 - avril 2010
Les pages ’actualités’ du n° 52
Action communautaire en santé : un observatoire international des pratiques
Agir sur tout ce qui détermine la santé implique de déployer des approches intégrant les dimensions communautaires et politiques.
Pour un bon usage du médicament en Belgique
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Psychiatrie : l’amorce du virage ambulatoire
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande, depuis plus de 10 ans déjà, de sortir des logiques hospitalières pour favoriser, tant que possible, l’accompagnement des personnes qui présentent des troubles mentaux, dans leur milieu de vie.(…)
Santé et santé mentale, une question anthropologique ?
Fondement occidental d’une vision contemporaine de la santé, la définition avancée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en explicite une lecture positive s’appuyant sur un bien-être physique, psychique et social. Toutefois ce bien-être est difficile(…)
Les soins de santé primaires : maintenant plus que jamais
Trente ans après Alma-Ata, soixante ans après la création de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le dernier rapport sur la santé dans le monde clame la pertinence et l’actualité des soins de santé primaires (SSP).(…)
Le monde des études d’impact sur la santé (EIS)
Etudes d’impact sur la santé : du pourquoi au comment
Depuis plus d’un demi siècle, il est communément admis que la santé déborde de beaucoup le champ de la médecine et convoque le social, l’économique, l’environnemental, le politique et nombre d’autres domaines. Jusqu’il y a peu,(…)
Le téléphone cellulaire au volant
Au Québec, nous avons accompli d’importants progrès en matière de sécurité routière. Dans les années 1970, nous avons atteint des records en termes de mortalité, avec plus de 2 000 morts par an sur les routes.(…)
Perspectives pour une loi-santé en Belgique
Opportunités pour une loi-santé
L’idée de la loi-santé est de faire en sorte que chaque initiative prise par le Gouvernement fasse l’objet d’un avis du ministre de la Santé. C’est une revendication de la Fédération des maisons médicales, exprimée dans(…)
Le 09 du 09 2009
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Loi-santé : des enjeux culturels
La loi-santé, une idée toute simple mais qui paraît si compliquée à mettre en œuvre. C’est que c’est à un véritable changement de paradigme que doivent travailler nos politiques !
Pour un plan national Santé
La Plate-forme d’action santé et solidarité organisait, en mars dernier, une table ronde sur trois propositions qui mettent en œuvre une perspective d’action publique transversale sur la santé.
ECOLO veut une loi-santé
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Quels sont les obstacles structurels à la mise en oeuvre d’une loi-santé en Belgique ?
Quels sont les obstacles structurels à la mise en place d’une loi-santé en Belgique ? Pour Ri De Ridder, « il n’y a pas d’obstacle structurel à la mise en place d’un dispositif transversal pour définir(…)
D’un niveau l’autre
L’approche globale de la santé et de tous ses déterminants est affaire d’intégration horizontale intersectorielle, mais, dans une Europe des régions, où le centralisme d’Etat n’est plus la norme de l’organisation publique, où cohabitent des états(…)
Introduction
Sources
Quelques sources utilisées pour construire ce cahier
– Guide pratique : Évaluation d’impact sur la santé lors de l’élaboration des projets de loi et règlement au Québec : http://publications.msss.gouv.qc.ca/acrobat/f/documentation/2006/06-245-01.pdf – Les expériences d’évaluation d’impact sur la santé au Royaume-Uni et leur traduction dans(…)