Scinder les soins de santé ?
Temmerman Marleen, Van Duppen Dirk, Vanhoorne Michel
Santé conjuguée n° 47 - janvier 2009
La scission des soins de santé demeure un objectif pour une partie de l’opinion flamande. Deux arguments soutiennent cet objectif : les transferts financiers Nord-Sud et la différence des problématiques ’santé’ entre Nord et Sud. Sur quoi reposent ces arguments et peuvent- ils légitimer cette scission ?
En 1999, le Parlement flamand approuvait une résolution demandant plus de cohérence dans les compétences régionales, entre autres en santé publique et en soins de santé. Bien que les thèmes communautaires aient été au premier plan de la dernière campagne électorale en Flandre, il a été peu question des soins de santé dans les médias. Le débat social à ce sujet est pourtant urgent et nécessaire car ce thème est au menu des travaux qui doivent préparer la réforme de l’Etat à mettre en place pour le 15 juillet prochain. Les partisans d’une scission de notre santé publique se basent sur deux types d’arguments. Certains invoquent les « fameux transferts » financiers entre la Flandre et la Wallonie. D’autres insistent sur les grandes différences qui existent entre régions dans la problématique de santé et en appellent à respecter ces différences culturelles. Examinons d’abord ces flux financiers. Clairement, les dépenses de l’assurancemaladie par habitant étaient autrefois plus importantes à Bruxelles et en Wallonie qu’en Flandre. Mais, depuis 2004, ces dépenses sont pratiquement équivalentes. En Flandre, elles augmentent du fait du vieillissement de la population. Mais il reste qu’en Flandre, les contributions par habitant restent plus élevées que les dépenses, à l’inverse de Bruxelles et de la Wallonie. Cela tient au mécanisme de solidarité qui suppose que les gens aisés contribuent effectivement à soutenir les personnes moins aisées. Ainsi, du Brabant wallon (la province belge la plus riche) partent des « transferts » vers Liège et le Hainaut… mais aussi vers le Westhoek et le Limbourg ! Ensuite, les partisans d’une scission des soins de santé tirent argument de différences d’approches de la santé entre le nord et le sud du pays. Une organisation séparée, disent-ils, tiendrait mieux compte des besoins locaux. Ils mettent alors en évidence qu’il y a plus de maladies cardio-vasculaires à Charleroi qu’à Gand, que les Liégeois ont une moins bonne santé physique, sociale et mentale que les habitants d’Alost, etc. Or, la dernière enquête de santé nationale, qui remonte à 2004, nous apprend qu’il y a plus de différences à l’intérieur d’une même région qu’entre les régions. Beaucoup de maladies chroniques, par exemple, apparaissent davantage chez les gens qui ont moins de formation, indépendamment du lieu où ils habitent. La plupart des limites fonctionnelles des personnes âgées apparaissent également sans que cela ait à voir avec la région où ils habitent. Nous devons en conclure que les différences, en ce qui concerne les soins de santé, ont beaucoup plus à voir avec les inégalités sociales qu’avec l’endroit où on habite ! Des différences de consommation complexes à appréhender Comment alors s’appuyer sur des différences culturelles pour défendre une séparation de la politique de santé ? On dit souvent que les Flamands vont plus souvent chez le médecin généraliste et que les Wallons vont plus vite à l’hôpital. Pourtant, selon l’enquête de santé nationale, le nombre des gens fidèles à leur généraliste est aussi élevé en Flandre qu’en Wallonie. Certes, en Flandre, le Dossier médical global est davantage intégré qu’en Wallonie. C’est aussi à Bruxelles et en Wallonie que l’on prescrit plus de radiographies, d’examens préopératoires, d’antibiotiques et de tranquillisants. Ces différences ne sont pourtant pas univoques. Selon les études du Centre fédéral d’expertise en soins de santé (KCE), il y a presque deux fois plus de césariennes dans l’est que dans l’ouest de la Belgique. La carte de l’ablation de l’utérus suit un modèle en forme de mosaïque avec une prépondérance dans le nord. Selon le KCE, toutes ces opérations ne semblent pas justifiées et ce quelle que soit la région du pays où elles sont réalisées. Pour expliquer cette surconsommation, le Centre fédéral d’expertise met en avant entre autres une « politique conduite par l’offre » et un « enthousiasme exagéré » de certains prestataires… À côté de la surconsommation, il existe aussi dans notre pays des problèmes de sous-consommation ! Selon l’enquête annuelle sur la pauvreté de 2007, dans notre pays, certaines personnes renoncent à des soins réguliers pour des raisons financières. Cela arrive en moyenne à un Belge sur dix mais avec une distribution très inégale : trois fois plus en Wallonie qu’en Flandre. Au sujet de la distribution de la sous-consommation par province, nous n’avons pas de données. Flamands, Wallons et Bruxellois ont les mêmes droits d’accéder à des soins de santé de qualité à des prix accessibles. Pour garantir ces droits, il est nécessaire de garantir plus de solidarité avec les plus fragiles. La solidarité, cela signifie des transferts financiers, entre les personnes qui habitent une région différente ou qui appartiennent à une communauté différente, mais surtout des bien-portants vers les malades et ceux qui ont moins de chance. Pour cette raison la sécurité sociale ne peut pas être divisée ! Nous devons absolument défendre l’objectif social tant vanté de nos services de santé. La santé publique doit se tenir à l’écart de toute logique commerciale. Nous devons veiller à ce que les moyens du Gouvernement soient utilisés de la meilleure façon possible. Par exemple, le prix des médicaments pour le patient peut descendre beaucoup plus bas si nous les mettons en adjudication publique selon le modèle kiwi. Nous sommes convaincus qu’une sécurité sociale organisée au niveau fédéral est le meilleur cadre pour la lutte contre les inégalités sociales. Une santé publique fédérale offre plus de possibilités pour une politique de santé socialement justifiée et de qualité qu’une politique de santé qui serait conduite selon les régions ou des communautés divisées. .Documents joints
Cet article est paru dans la revue:
Santé conjuguée, n° 47 - janvier 2009
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