Faut-il libéraliser le secteur des soins de santé ?
Remy Olivier
Santé conjuguée n° 47 - janvier 2009
Faut-il libéraliser le secteur des soins de santé ? Le vent de libéralisation qui souffle sur nos économies nous incite à prendre cette menace au sérieux et en particulier celui d’une privatisation de l’assurance-maladie, c’est-à-dire d’une évolution au cours de laquelle le coût des soins et du service social sera davantage supporté par le patient/ utilisateur.
L’utilisation des méthodes du fonctionnement du marché dans les domaines de la santé et des services sociaux aura comme moteurs la compétitivité, le bénéfice et les intérêts des actionnaires et mènera à une dérégulation. La libéralisation diminuera l’influence des autorités sur la politique sociale (au niveau national, fédéral, régional, local) et donnera le rôle principal au ’marché’, dont le fonctionnement s’accommode mal de toute régulation ou planification. Alors à la question : Les règles du marché sont- elles applicables aux domaines des soins de santé et des services sociaux et susceptibles d’engendrer une plus grande efficacité ? Nous répondons : non. Dans un système « marchandisé », les fournisseurs doivent générer des bénéfices pour les actionnaires et réaliser des économies aux dépens du personnel et de la qualité. La marchandisation de l’assurance-maladie aura pour conséquence une sélection des risques les moins coûteux au détriment d’une prise en charge de tous les risques, une sélection des patients les plus jeunes et des personnes en bonne santé, plus rentables. Les malades chroniques, les personnes âgées, les personnes souffrant d’un handicap devront payer des primes d’assurances plus élevées. L’accessibilité de l’offre dans les régions plus pauvres ou rurales sera également mise en péril. Globalement, on assistera à une augmentation du coût des soins de santé et des services sociaux, pour les utilisateurs et pour le Gouvernement, soutenue par une inégalité au niveau de l’information et du pouvoir entre le patient/utilisateur et le fournisseur. Avec la marchandisation, le principe de la solidarité sera mis à mal et les inégalités sociales se creuseront. On sait l’impact de l’inégalité sociale sur la santé, ce phénomène n’en sera que renforcé et accentuera la dualisation. Le personnel employé dans les domaines des soins de santé et des services sociaux sera lui aussi victime de la rentabilité : salaires plus bas, effectifs réduits, concertation sociale malmenée, conventions collectives de travail mises au rencart. On lui demandera plus de flexibilité, le règlement du travail perdra de son importance. Notre modèle actuel des soins de santé et des services sociaux est basé sur les principes de solidarité, de qualité, d’accessibilité et « d’abordabilité ». Chacun a droit à des soins et à un niveau de bien-être identiques, de qualité, et abordables, en toutes circonstances. La commercialisation et les principes de marché mettent ces valeurs en danger et accroîtront inévitablement la dualisation et les inégalités. Ces principes de base vont de pair avec les soins et le bien-être du personnel. Cela implique un personnel suffisant et des conditions salariales et de travail correctes. Vu le vieillissement de la population et du personnel attendu dans les prochaines années, il faudra certainement investir dans des accords sociaux solides. Le maintien et le renforcement de notre modèle social ne sont pas ’une fatalité’, c’est une question de choix politiques et d’acceptation par la population. C’est pourquoi nous prônons des soins de santé basés sur un financement solidaire, par le biais de la sécurité sociale, et qui répondent au besoin d’accessibilité et d’équité. Les rentrées ne doivent pas uniquement provenir des revenus issus du travail mais de tous les revenus et de moyens de financement alternatifs provenant des revenus de l’état fédéral. Nous demandons au Gouvernement de limiter la nécessité et la possibilité d’interventions d’assurances complémentaires. Elles sont souvent à l’origine d’inégalités sociales. La solution que préconisent certains pour résoudre les problèmes de financement et qui consiste à partager l’assurance maladie entre d’une part un package de base universel couvert par l’assurance-maladie et d’autre part un package complémentaire à charge du patient et des assureurs privés est une piste de réflexion qui ne fera qu’augmenter radicalement les inégalités sociales. La gestion paritaire de la sécurité sociale et de l’assurance-maladie telle que nous la connaissons est et reste un atout pour maintenir un équilibre entre l’efficacité et l’accessibilité financière. Les différentes autorités, nationales, régionales et locales doivent prévoir suffisamment de moyens financiers et jouer leur rôle dans la reconnaissance, la programmation, les normes de qualité et le contrôle des prestations de services. Il faut réagir à temps aux nouveaux besoins afin que les acteurs commerciaux n’aient pas la possibilité de pallier les ’lacunes’ de l’offre courante. Cette règle prévaut de façon générale mais plus spécifiquement pour les soins de santé aux personnes âgées, l’accueil de l’enfance, la construction et la transformation d’hôpitaux. Les autorités doivent avoir la liberté de n’attribuer aucun ou moins de subsides aux acteurs commerciaux. Les acteurs commerciaux doivent à tout prix et en tout temps garantir à chacun la qualité, l’accès et le caractère abordable. Non seulement les partis politiques, mais égale ment les syndicats, les mutuelles et d’autres organisations sociales ont un rôle important à jouer pour renforcer auprès de la population l’acceptation de la non-commercialisation des soins et du bien-être. Les autorités belges ont également la responsabilité de protéger les soins de santé et les services sociaux de l’emprise des règles et du fonctionnement du marché. Pour ce faire, ils peuvent non seulement plaider au niveau européen pour une directive d’intérêt général sur les services (sociaux) mais ils peuvent aussi agir au niveau de la législation belge en définissant le cadre légal qui protégera les soins de santé et les services sociaux des dérives du marché. .Documents joints
Cet article est paru dans la revue:
Santé conjuguée, n° 47 - janvier 2009
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