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L’organisation de l’offre de soins des médecins généralistes en Europe


Santé conjuguée n° 76 - septembre 2016

Cet encadré est une synthèse de l’article de Laurence Hartmann et al., « L’accès aux soins de premier recours en Europe. Éléments de présentation », Revue française des affaires sociales 2006/2 (n° 2-3), p. 121-139, téléchargeable sur www.cairn.info. Cet article présente les résultats d’une étude comparative sur l’organisation des soins des médecins généralistes en France, Allemagne, Suède, Italie, Espagne et au Royaume-Uni.

1. Densité médicale et facteurs de localisation des médecins généralistes La grande diversité de la densité médicale dans les pays développés s’apprécie non seulement en fonction de l’état de santé des populations et de la proportion des dépenses de santé dans le produit intérieur brut, mais aussi de l’architecture des systèmes de santé : on constate une densité médicale inférieure lorsque son niveau est réglementé et non déterminé librement par le marché. La préoccupation de l’adéquation du nombre de médecins à la demande de soins primaires dans un proche avenir est largement partagée par l’ensemble des pays d’Europe. • L’Allemagne et la France affichent des densités médicales relativement élevées. Mais la perspective d’une insuffisance de l’offre de soins médicaux n’y suscite pas moins de vives inquiétudes. La liberté d’installation qui prévaut dans ces pays (avec plus ou moins de restrictions) entraîne une inégalité importante entre patients dans l’accès aux soins de médecins généralistes : des régions sont caractérisées par une offre très importante en médecins généralistes, tandis que d’autres (souvent plus rurales et reculées) font face à de sérieuses insuffisances. • Au Royaume-Uni et en Suède, où l’installation est subordonnée à l’offre de places vacantes par les autorités régionales, certaines zones déficitaires font face durablement à des vacances de postes. Le nombre de médecins y apparaît globalement insuffisant et les instances chargées de la planification régionale des médecins cherchent à identifier les facteurs susceptibles d’orienter le choix des médecins en matière de localisation (conditions de vie, proximité des facultés, revenus, équipements, partenaires, charge de travail, région d’origine). En Angleterre, l’actuelle densité médicale, relativement faible, doit cependant être mise en regard avec le nombre considérable d’infirmières de cabinet et de district (division territoriale de certaines grosses communes, agglomération de 500 000 personnes) auxquelles une partie des soins est déléguée. • L’Espagne et l’Italie se distinguent des autres pays par l’homogénéité de la densité médicale, au moins entre régions. Cette faible variabilité s’explique essentiellement par le mode de sélection et d’affectation des médecins généralistes : la localisation dépend du classement de l’étudiant en médecine générale. Si la suppression de la liberté d’installation semble efficace en termes de régulation de l’accès des patients aux soins, les obstacles à une mobilité ultérieure qu’elle constitue pour les médecins en représentent la limite actuelle. • Dans ces deux pays, c’est donc le système décentralisé lui-même qui assure une régulation de la répartition géographique des médecins. Les incitations financières ne sont donc pas nécessaires (les médecins en zone rurale peuvent toutefois y recevoir des compléments financiers). Tandis qu’en Allemagne, France, au Royaume-Uni et en Suède, les autorités de régulation locales utilisent un ensemble de mesures, financières ou non, afin d’inciter les médecins généralistes à s’installer dans les zones déficitaires. 2. Règles d’accès aux soins de médecins généralistes Quelle est l’articulation du rôle des médecins généralistes avec celui des spécialistes ? Autrement dit : quelles sont les règles d’accès aux soins dans chaque système de santé ? • En Allemagne, en France et en Suède, le recours au même médecin généraliste est en principe imposé (parfois depuis peu comme en France), mais il arrive encore fréquemment qu’il ne soit pas respecté (la sanction étant exclusivement financière par le biais du reste à charge). • La figure imposée du gate-keeper (système au sein duquel les assurés sont tenus de consulter en premier lieu leur médecin de famille, qui décide de la suite du traitement avec le patient) prévaut en Espagne, en Italie et au Royaume-Uni. La contrepartie de cette restriction de liberté étant la quasi gratuité des soins. • Bien qu’elle s’oriente progressivement vers l’exercice en groupe, l’activité médicale en Allemagne et en France est encore dominée par une logique individuelle, l’exercice médical isolé concernant respectivement 75 et 56% des médecins. On observe dans les autres pays une activité médicale orientée vers des modèles intégrés d’organisation monodisciplinaires ou pluridisciplinaires : des centres de soins primaires réunissent des médecins généralistes et du personnel paramédical ou des groupements de médecins généralistes qui tendent à une intégration avec les offreurs de soins secondaires, constituant ainsi des équipes pluridisciplinaires. 3. Règles de paiement des médecins généralistes Les modes de rémunération des médecins généralistes sont très diversifiés et tendent à être mixtes : les règles de capitation, de salariat voire de paiement à l’acte peuvent être combinées. La variabilité des revenus moyens entre pays (voire entre régions d’un même pays) est assez considérable (globalement élevés au Royaume-Uni, en Allemagne et en France, relativement faibles en Suède, en Espagne et en Italie). • En Espagne et en Suède, le salariat est la forme dominante de rémunération des médecins généralistes, associée à des temps de travail relativement réduits. • En Italie et au Royaume-Uni, si le schéma de capitation constitue encore la principale source de revenu des médecins généralistes, sa part tend à se réduire au profit d’autres types de transferts monétaires, basés sur des indicateurs d’activité (actes) ou de qualité des soins (indicateurs de performance). Ils débouchent sur une certaine variabilité des niveaux de revenu. • En Allemagne et en France, les médecins travaillant en institution sanitaire sont généralement rémunérés sur la base d’un salaire (hormis dans les cliniques privées en France où le paiement à l’acte s’applique). La médecine libérale en cabinet de ville bénéficie d’un paiement à l’acte, mais dont les modalités varient sensiblement entre les deux pays. Les niveaux de rémunération sont assez semblables pour les spécialités médicales.

Documents joints

Cet article est paru dans la revue:

Santé conjuguée, n° 76 - septembre 2016

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