Budget santé : faut-il maintenir la norme de croissance à 4,5% ?
Dr Olivier Mariage
Santé conjuguée n° 50 - octobre 2009
Le budget des soins de santé a échappé à l’austérité : la norme de croissance de 4,5 % est maintenue. Mais il faut nuancer les raisons de se réjouir. Deux questions se posent : est-ce réaliste ? Et est-ce utile ?
Le 13 octobre, le conseil général de l’INAMI approuvait le budget 2010. C’était dans l’accord du Gouvernement sur le budget de l’Etat : la norme de croissance de 4,5 % est maintenue. On ne pourra que féliciter la ministre de la Santé, Laurette Onkelinx, d’avoir réussi ce tour de force quand les finances de l’Etat plongent dans le rouge avec un trou de près de 20 milliards. On se réjouit évidemment de voir que le Gouvernement n’a pas sabré dans les dépenses sociales, évitant de faire payer la crise une deuxième fois par ceux qui n’y sont pour rien. Apparemment en tout cas. Les banques et Electrabel, entre autres, sont priés d’ouvrir le porte-monnaie, tant mieux, même si rien ne permet de croire que de toute manière cela ne sera pas répercuté sur le kilowattheure et les taux d’épargne. Mais c’est un moindre mal : ce ne sont pas les malades et les allocataires sociaux qui ont les plus gros comptes épargne et qui chauffent leur piscine.Qu’y a-t-il dans ce budget ?
200 millions d’économies principalement dans le secteur des médicaments, de l’imagerie médicale et de la biologie clinique, sans répercussion sur la facture au patient ; 350 millions de ristourne à la sécurité sociale, notamment pour faire face à l’accroissement des dépenses en matière de chômage ; 300 millions pour alimenter le fonds de réserve et 340 millions d’initiatives nouvelles dont : – 77 millions pour les infirmières hospitalières (prestations de soirée, revalorisation des infirmières spécialisées…) et… 1,75 million pour le domicile (prestations de soirée, formation) ; – 16 millions pour les infrastructures hospitalières ; – 6 millions pour les aléas thérapeutiques ; – 18 million pour la suppression des suppléments en chambre à 2 lits. Citons encore le financement de diverses mesures dans le cadre du plan national cancer et en faveur des malades chroniques. Sans oublier de mentionner que l’enveloppe des moyens nouveaux consacrés aux honoraires médicaux sera répartie à raison d’un tiers pour les médecins généralistes, deux-tiers pour les médecins spécialistes. On appréciera une nouvelle fois la place faite aux hôpitaux en regard de ce qui est alloué aux soins de première ligne.Un scénario intenable
La norme de croissance est donc préservée. Mais regardons cela de plus près. En réalité, la croissance réelle n’est pas de 4,5 % (en plus de l’inflation) : en effet, lors de l’élaboration du budget 2009, il avait été tenu compte d’une inflation de 2,6 % ; or nous savons aujourd’hui qu’elle tournera autour de 0 %. Et donc la croissance réelle du budget de l’INAMI (entre 2009 et 2010) est de 7,1 %. En situation de décroissance économique, c’est énorme : 1,6 milliard d’euros. Replaçons ces chiffres dans leur cadre, c’est-à-dire le budget de la sécurité sociale. Et là, le tableau n’est pas très réjouissant : le déficit est estimé à 2,8 milliards pour 2009, et 4,8 milliards pour 2010. Dans un tel contexte, on peut se demander s’il est bien raisonnable de vouloir maintenir une telle norme de croissance : on met de l’argent de côté (294 millions), et en même temps on emprunte pour boucher le trou. C’est un peu comme si, pour pouvoir alimenter votre compte épargne, vous alliez faire un emprunt à la banque… Surréaliste non ? Ajoutons quand même, pour rassurer tout le monde, que le trou de la sécurité sociale devrait être bouché par l’Etat d’ici 2012. Promis. Ce scénario de croissance est-il tenable à terme ? Il est évident que non, pour plusieurs raisons. La première est d’ordre économique et écologique. Cette norme de croissance du budget des soins de santé est liée à la croissance économique, qui elle-même génère une croissance du budget global de l’Etat équivalente. La croissance économique tourne autour de 2 % par an depuis un certain nombre d’années, sauf en 2009 où elle plonge à – 3 %. Les économistes espèrent que nous renouerons avec une croissance de 1 à 2 %. Est-ce si sûr ? Car on le sait, la croissance économique provoque, presque inévitablement, une augmentation de la consommation d’énergie et de matières premières. Et la planète n’est pas infinie : la très forte croissance des pays émergents a déjà fait explosé les prix en 2008, précipitant la crise financière et économique. Ce scénario va inévitablement se reproduire. C’est ce que j’appellerai le « mur écologique » ; sans sortir de cette logique de la croissance quantitative pour une croissance qualitative, plus respectueuse de l’homme et de son environnement, c’est l’impasse.Est-ce bien utile ?
Une autre question que l’on devrait se poser, c’est « à quoi ça sert ? ». Depuis les années 60, notre consommation globale a triplé. Le bonheur a-t-il suivi pour autant ? Le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté n’a cessé de croitre. En cause notamment, la non liaison des allocations sociales au bien être. Les salaires croissent en général d’environ 2 % par an (en plus de l’indexation), alors que les allocations sociales ne sont qu’indexées. Le petit tableau ci-après, publié récemment par les syndicats concernant les taux de remplacement, est éloquent : Taux de remplacement (allocation moyenne / salaire moyen)Pensions | 36.3 | 32.7 |
Invalidité | 44.6 | 32.5 |
Chômage | 47.8 | 28.3 |
Documents joints
Cet article est paru dans la revue:
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