Le réseau d’échange de savoir, outil d’empowerment
Julie Walravens
Santé conjuguée n° 79 - juin 2017
La Boussole, à Jette, permet à ses membres d’apprendre, eux-mêmes et aux autres.
Nous sommes partis d’une enquête auprès des autres membres de la coordination sociale pour savoir quels étaient les problèmes vécus par les Jettois, et plus particulièrement ceux qui ne trouvaient pas encore de solution. Plusieurs thématiques en sont ressorties, dont la question de l’isolement social. Créer un réseau d’échanges de savoirs (RES) nous a semblé une bonne piste. L’idée d’un RES est de mettre en relation des personnes qui désirent apprendre un savoir avec d’autres qui peuvent le leur transmettre. Au-delà des activités proposées, l’objectif premier était de créer du lien entre les gens. On l’a lancé avec des patients inscrits à la maison médicale puis il s’est assez vite ouvert au quartier. À l’inscription, les gens formulent au minimum une demande et une off re. Le responsable du RES – un travailleur ou un bénévole – va chercher des correspondances et proposer des mises en relation, des rendez- vous qui permettront de préciser le contenu de l’échange. C’est un moment important si on veut cela fonctionne. On s’est rendu compte en eff et que si on livrait trop vite les participants à eux-mêmes ils ne savaient pas comment démarrer, ils ne connaissaient pas les attentes précises des autres. Apprendre une langue par exemple (beaucoup d’échanges tournent autour de ce type d’apprentissage) mais pour quoi faire? Du tourisme, un emploi ? D’autres rencontres touchent à la culture, la cuisine, l’artistique et la convivialité. Les échanges sont rarement directs, on triangule la plupart du temps. Cela permet à chacun de se rendre compte de ce qu’est un réseau. Ce que nous voulons, c’est aussi faire mouvement. Les participants sont souvent étonnés de leurs propres capacités. En off rant son savoir, on apprend énormément sur soi car expliquer, ce n’est pas la même chose que faire, on acquiert des compétences en pédagogie et en communication. Les demandeurs quant à eux ne savent pas toujours très bien quoi off rir en échange. Je leur montre la liste des demandes qui ne sont pas encore rencontrées, je travaille sur ce qu’ils aiment faire. Récemment une dame ne savait pas utiliser son GSM. De prime abord, c’est une compétence que l’on ne considère pas comme telle, ni celle d’apprendre à un autre à se débrouiller dans le métro… On propose régulièrement des rencontres générales, des moments où des décisions se prennent sur l’avenir et sur le fonctionnement du réseau. Quand ce sont les membres qui décident, les choses ont plus de sens. Comme tout projet, un réseau vit des cycles. On compte aujourd’hui une trentaine de membres plus ou moins actifs. Il y a énormément de transmission, une appropriation du territoire et de ses ressources qui leur autorise une vision critique du fonctionnement des services et des institutions. Ce qui n’existe pas à Jette, ils font des recherches pour le trouver ailleurs et, pourquoi pas, le développer chez nous. Ils nous ramènent aussi fréquemment que tout est toujours lié à l’argent dans la société. Si tu n’as pas de moyens ou si tu n’entres pas un cadre horaire ou administratif, comme pour des cours de langues, tu es exclu alors qu’on te demande de te former et d’être compétent. Une valeur du réseau, c’est la gratuité. Du coup, c’est accessible à tout le monde. Et si c’est compliqué de recevoir quelqu’un chez soi, les rencontres peuvent se faire à la maison médicale ou ailleurs. Une participante m’a un jour confi é que le réseau avait changé sa vie. Arrivée en Belgique sans rien connaître de la vie ici, elle a découvert le RES lors d’une fête, elle s’est inscrite, elle a échangé des cours de français contre du portugais. Il y a eu un eff et démultiplicateur et accélérateur, elle s’est fait des amis, elle a découvert l’académie… Une autre situation me touche beaucoup, celle d’une mère et de sa fi lle en grandes diffi cultés. La personne qui les a aidées à apprendre le français les a aussi emmenées à des événements culturels, leur a off ert une ouverture sur la commune, leur a permis d’élargir leur réseau social. Cela a débouché sur une réelle entraide.Documents joints
Cet article est paru dans la revue:
Santé conjuguée, n° 79 - juin 2017
Introduction
Notre précédent dossier était intitulé Contexte. Il proposait une analyse des enjeux qui déterminent les systèmes et les pratiques des soins de santé. Nous ressentons, expérimentons, constatons que « quelque chose ne va pas ». Qu’est-ce(…)
Éloge de l’oisiveté
Qu’est-ce que c’est, concrètement, le paysage ? Et le paradigme ? Prenons l’exemple du travail.
Une friche urbaine aménagée en îlot public
Une préoccupation de quartier, des individus et des associations qui s’investissent. Un projet qui aboutit et une méthodologie participative qui essaime. Coralie Ladavid, assistante sociale à la maison médicale Le Gué (Tournai) retrace l’aventure.
Des balises pour le changement
Notre dossier précédent mettait en lumière une série d’éléments qui déterminent notre contexte de travail, les acteurs, l’enchaînement des causes et des effets qui conduisent aux impasses dans lesquelles le secteur de la santé se trouve(…)
« Réapprendre qu’être humain, ensemble, est essentiel »
Le parcours des personnes exilées en précarité de séjour est marqué par le déracinement et des conditions de vie souvent désastreuses. En leur proposant de participer à des projets communautaires, le service de santé mentale Ulysse(…)
Réseau pour l’égalité, utopie ou chemin de transition ?
Depuis quatre ans, les membres d’un petit groupe, ambitieux et pleins d’entrain, prétendent faire advenir une chose pour laquelle des murs sont tombés, des hommes se sont battus, beaucoup sont morts… L’égalité ! Ces gens se(…)
« Soignants, soignés, ensemble contre les traités ! »
Sur papier, dans la rue, en défilant et en chantant, la maison médicale Alpha Santé, à Schaerbeek, mobilise ses patients contre les grands traités internationaux.
Initiatives et mécanismes correcteurs
Des citoyens bougent, des États bougent, l’Organisation mondiale de la santé bouge… Second volet de notre entretien avec Denis Porignon et Ann-Lise Guisset, tous deux experts en santé publique à l’OMS. Ils explorent trois niveaux d’action(…)
Se refaire une santé en plantant des carottes
L’asbl Nos Oignons permet à des usagers de structures de soins de cultiver leurs aliments sur les terres d’agriculteurs bio souvent isolés. Le projet évolue à contre-courant d’un système de soins de santé mentale que le(…)
Du conflit à la participation
Un modèle de participation interne a une incidence sur la participation globale des patients. Exemple à la maison médicale du Laveu, à Liège, raconté par son gestionnaire Sébastien Derouaux.
Un mouvement mondial de lutte pour la santé
People’s Health Movement – le Mouvement populaire pour la santé (MPS) – est présent dans quelque 80 pays. C’est un réseau international regroupant des militants de base de la santé, des organisations de la société civile(…)
Le réseau d’échange de savoir, outil d’empowerment
La Boussole, à Jette, permet à ses membres d’apprendre, eux-mêmes et aux autres. Nous sommes partis d’une enquête auprès des autres membres de la coordination sociale pour savoir quels étaient les problèmes vécus par les Jettois,(…)
Émanciper le travail
Bernard Friot est sociologue et économiste, professeur émérite à l’université Paris-Nanterre (Paris X). Voici quelques extraits des premières pages de son dernier ouvrage. Il y expose les principales lignes de sa conception du travail et du(…)
Être bien dans son quartier pour être en meilleure santé
À Namur, la maison médicale de Bomel et ses patients sont le moteur du comité de quartier.
Les pages ’actualités’ du n° 79
Plusieurs fers au feu
L’actualité médico-sociale bouillonne et les dossiers s’accumulent sur la table du bureau stratégique de la Fédération des maisons médicales. Présentation de quelques actions en cours et des associations partenaires dans lesquelles nous sommes présents.