Être bien dans son quartier pour être en meilleure santé
Fanny De Valkeneer, Jacques Sebastien
Santé conjuguée n° 79 - juin 2017
À Namur, la maison médicale de Bomel et ses patients sont le moteur du comité de quartier.
Quand je suis arrivé à Namur pour étudier, on m’a dit : « il y a un quartier où tu ne dois pas aller, c’est le quartier derrière la gare » (rire). En effet, les quartiers populaires dans lesquels il y a beaucoup de mouvement, comme Bomel, n’ont pas toujours bonne réputation dans l’imaginaire collectif. Avant, c’était un haut lieu industriel avec des carrières de chaux et une activité commerciale importante mais aujourd’hui tout cela a périclité et Bomel est devenu un dortoir, les loyers sont bas, beaucoup d’institutions à finalité sociale s’y sont implantées. Le petit commerce s’éteint peu à peu. La population, plutôt jeune et fragilisée, ne travaille pas toujours, émarge souvent au CPAS. Il y a une stigmatisation sociale. Il y a peu d’outils collectifs (crèches, écoles) pour la majorité des habitants. Un sentiment d’insécurité y règne. Pourtant, on voit émerger des initiatives locales très intéressantes sous l’impulsion des autorités. Prenons l’exemple du quartier des abattoirs où s’est créé un nouveau centre culturel et d’activités centrées sur le quartier, et où un nouveau patrimoine immobilier a été aménagé. Notre philosophie à la maison médicale, c’est d’être bien dans son quartier pour être en meilleure santé. Quand la maison médicale a été créée il y a une vingtaine d’année, on a adhéré à un embryon de comité de quartier. On a participé à faire reconnaître Bomel et ses habitants auprès des politiques. Plusieurs luttes sont menées notamment contre les marchands de sommeil, contre le fractionnement des maisons unifamiliales en micro logements de parfois moins de 28 m2. Vous imaginez l’impact que cela peut avoir sur la santé ? La promiscuité, la surpopulation, les conflits de voisinage amènent de la tension, des troubles physiques. L’insalubrité également. Je pense à cette famille qui a consulté pendant deux ans pour des bronchites chroniques à cause d’un logement qui suintait d’humidité. En agissant sur le logement, on agit sur la santé. Le comité de quartier veut agir sur ces causes sociétales qui détériorent la santé des habitants. Question mobilité urbaine, là aussi, il y a beaucoup à faire. Pour gagner le centre-ville, il faut traverser la gare ou emprunter l’un des deux ponts qui enjambent les voies. Ceux-ci sont distants d’un kilomètre. Il y a bien une passerelle, mais sans ascenseur. On peut oublier les vélos, les poussettes et les personnes à mobilité réduite… On se bat aussi pour stimuler la rencontre entre les riverains. Il y a de nombreuses personnes isolées parmi eux. Un des projets communs à la maison médicale et au comité de quartier a été de créer un jardin public. En 2011, on a négocié un terrain de 14 ares avec la régie foncière : « Le jardin Saint-Antoine » qui surplombe Bomel, il se trouve le site d’un ancien fort Vauban protégeant la citadelle. Il est ouvert d’avril à octobre de 9 à 18 heures. Ce sont les habitants qui s’organisent pour faire tourner le site. Dans la foulée, on y a associé un petit potager. L’objectif est d’y travailler ensemble, de motiver les gens à sortir de chez eux. Le périmètre d’action de certains de nos patients ne dépasse pas 200 mètres. Entre la maison médicale où ils viennent prendre un café le matin et le resto du cœur le midi, le jardinage les fait bouger. Le service social de la maison médicale y assure une permanence chaque mercredi. Quelques habitants et patients s’y rejoignent, donnent un coup de main, repartent avec des légumes ou des fruits. On y discute autrement, de manière plus informelle que dans les cabinets médicaux. Ce travail communautaire, c’est une caisse de résonnance. Chacun devient le soutien des autres. Dans le cas du Jardin Saint-Antoine, le projet a donné naissance à une asbl propre et des usagers en sont devenus les gestionnaires. Bomel nous forme, Bomel décide. Le quartier revit.Documents joints
Cet article est paru dans la revue:
Santé conjuguée, n° 79 - juin 2017
Introduction
Notre précédent dossier était intitulé Contexte. Il proposait une analyse des enjeux qui déterminent les systèmes et les pratiques des soins de santé. Nous ressentons, expérimentons, constatons que « quelque chose ne va pas ». Qu’est-ce(…)
Éloge de l’oisiveté
Qu’est-ce que c’est, concrètement, le paysage ? Et le paradigme ? Prenons l’exemple du travail.
Une friche urbaine aménagée en îlot public
Une préoccupation de quartier, des individus et des associations qui s’investissent. Un projet qui aboutit et une méthodologie participative qui essaime. Coralie Ladavid, assistante sociale à la maison médicale Le Gué (Tournai) retrace l’aventure.
Des balises pour le changement
Notre dossier précédent mettait en lumière une série d’éléments qui déterminent notre contexte de travail, les acteurs, l’enchaînement des causes et des effets qui conduisent aux impasses dans lesquelles le secteur de la santé se trouve(…)
« Réapprendre qu’être humain, ensemble, est essentiel »
Le parcours des personnes exilées en précarité de séjour est marqué par le déracinement et des conditions de vie souvent désastreuses. En leur proposant de participer à des projets communautaires, le service de santé mentale Ulysse(…)
Réseau pour l’égalité, utopie ou chemin de transition ?
Depuis quatre ans, les membres d’un petit groupe, ambitieux et pleins d’entrain, prétendent faire advenir une chose pour laquelle des murs sont tombés, des hommes se sont battus, beaucoup sont morts… L’égalité ! Ces gens se(…)
« Soignants, soignés, ensemble contre les traités ! »
Sur papier, dans la rue, en défilant et en chantant, la maison médicale Alpha Santé, à Schaerbeek, mobilise ses patients contre les grands traités internationaux.
Initiatives et mécanismes correcteurs
Des citoyens bougent, des États bougent, l’Organisation mondiale de la santé bouge… Second volet de notre entretien avec Denis Porignon et Ann-Lise Guisset, tous deux experts en santé publique à l’OMS. Ils explorent trois niveaux d’action(…)
Se refaire une santé en plantant des carottes
L’asbl Nos Oignons permet à des usagers de structures de soins de cultiver leurs aliments sur les terres d’agriculteurs bio souvent isolés. Le projet évolue à contre-courant d’un système de soins de santé mentale que le(…)
Du conflit à la participation
Un modèle de participation interne a une incidence sur la participation globale des patients. Exemple à la maison médicale du Laveu, à Liège, raconté par son gestionnaire Sébastien Derouaux.
Un mouvement mondial de lutte pour la santé
People’s Health Movement – le Mouvement populaire pour la santé (MPS) – est présent dans quelque 80 pays. C’est un réseau international regroupant des militants de base de la santé, des organisations de la société civile(…)
Le réseau d’échange de savoir, outil d’empowerment
La Boussole, à Jette, permet à ses membres d’apprendre, eux-mêmes et aux autres.
Émanciper le travail
Bernard Friot est sociologue et économiste, professeur émérite à l’université Paris-Nanterre (Paris X). Voici quelques extraits des premières pages de son dernier ouvrage. Il y expose les principales lignes de sa conception du travail et du(…)
Être bien dans son quartier pour être en meilleure santé
À Namur, la maison médicale de Bomel et ses patients sont le moteur du comité de quartier. Quand je suis arrivé à Namur pour étudier, on m’a dit : « il y a un quartier où tu(…)
Les pages ’actualités’ du n° 79
Plusieurs fers au feu
L’actualité médico-sociale bouillonne et les dossiers s’accumulent sur la table du bureau stratégique de la Fédération des maisons médicales. Présentation de quelques actions en cours et des associations partenaires dans lesquelles nous sommes présents.