Si les débats autour du développement de la qualité sont souvent vifs, la question n’est pas neuve dans le domaine des soins. Les auteurs rappellent ici brièvement les racines de ce concept ainsi que ses traits essentiels, et proposent une grille de lecture éclairant les différences de vue en la matière. Ils présentent enfin les positions prises par quelques fédérations, dont celle des maisons médicales, quant aux relations entre le secteur non-marchand et l’État dans le domaine de la qualité.
Le souci de développer la qualité dans le champ médical n’est pas neuf1 : de tous temps, les médecins ont essayé de faire du mieux qu’ils pouvaient avec les moyens disponibles (connaissances, argent, temps,…). En 1933, certains jetaient un regard nouveau sur les pratiques, définissant la qualité des soins médicaux sur base de critères tels que la coopération entre patients et soignants, la coordination entre échelons et avec d’autres intervenants du champ social, le lien avec des connaissances scientifiques actualisées, la globalité, l’intégration de la prévention2 Plus tard, Donabedian3 spécifiait trois dimensions à considérer : les structures (les données, les ressources), les processus (les pratiques, les manières de faire) et les résultats (l’aboutissement des problèmes de santé, lui-même influencé par les structures et les processus). Il précisait que chacune de ces dimensions touche à deux aspects différents, le technique et le relationnel, comme l’illustre le tableau ci-dessous4.ASPECTS TECHNIQUES | ASPECTS RELATIONNELS | |
STRUCTURES | Logiciel du dossier santé | Choix d’un collaborateur |
PROCESSUS | Organisation des gardes | Répartition des tâches pénibles |
RÉSULTATS | Taux de surinfection après des interventions de petite chirurgie | Satisfaction des patients diabétiques |
« Quand je parle de complexité, je me réfère au sens latin élémentaire du mot ’complexus’, « ce qui est tissé ensemble ». Les constituants sont différents, mais il faut voir comme dans une tapisserie la figure d’ensemble. Le vrai problème (de réforme de pensée) c’est que nous avons trop bien appris à séparer. Il vaut mieux apprendre à relier ». Edgar Morin, « La stratégie de reliance pour l’intelligence de la complexité », in Revue internationale de systémique, vol 9, N° 2, 1995.Il s’agit ensuite de soutenir une double fonction pour les démarches qualité : • « une fonction interne : définir et affirmer nos propres critères de qualité, c’est-à-dire, en fin de compte, avoir davantage prise sur le sens de notre travail ; • une fonction externe : affirmer la place centrale de l’associatif non-marchand, et construire un référentiel de qualité en concertation avec les pouvoirs publics ». Les démarches qualité apparaissent aussi comme l’opportunité de poursuivre d’autres objectifs, que ces acteurs considèrent comme faisant partie de leur travail et de leur engagement : • « formuler des recommandations sectorielles et/ou intersectorielles ; • améliorer nos capacités de faire écho aux problématiques sociales et sanitaires rencontrées par les bénéficiaires, les utilisateurs ; • influer sur les stratégies mises en oeuvre par les pouvoirs publics et sur les priorités fixées par ceux-ci en début de législature ». Cette volonté de collaborer avec les pouvoirs publics en gardant une position critique s’accompagne d’une vigilance bien affirmée : « Nous estimons, avec d’autres acteurs de l’ambulatoire, qu’une vigilance s’impose pour éviter des dérives : ce processus comporte certains risques. Signalons qu’une note d’orientation rédigée par l’administration indique que la réforme devra éviter les écueils suivants : bureaucratisation excessive, surdéveloppement de la réflexion du projet qualité au détriment de la réalisation de ses objectifs. Il s’agira également de trouver les moyens pour que la mise en place des projets qualité soit prise au sérieux tout en veillant à ne pas en faire un objet de contrôle qui en briderait la dynamique. La transparence et la publicité semblent être des outils intéressants à cet égard. Plusieurs conditions de base nous semblent indispensables à réunir pour se prémunir d’un certain nombre de dérives : • aucune imposition de la part de l’administration, de thèmes, de critères, d’indicateurs ; si rien dans le projet de décret n’indique une telle volonté d’imposition, il s’agit d’être attentif à ce que cette ouverture soit maintenue, à ce que les conventions qualité soient effectivement menées dans un réel dialogue ; • aucun impact des démarches de qualité sur l’emploi. Les réactions vivement exprimées sur le terrain à ce sujet étaient légitimes et utiles ; elles ont abouti à une convention collective de travail, laquelle a récemment été approuvée par toutes les parties concernée. Cette convention constitue une garantie pour les travailleurs ; • pas d’ingérence des démarches de qualité dans la relation sociale et thérapeutique individuelle ce qui se passe entre le professionnel et l’usager appartient à l’intime et ne peut en aucun cas admettre l’intrusion d’un regard externe ».
Documents joints
- Michel Roland, Des outils conceptuels et méthodologiques pour la médecine générale, Thèse en vue de l’obtention du titre de docteur en sciences de la santé publique, Université libre de Bruxelles, mars 2006.
- Lee Jones, The Fundamentals of good Medical Care, l933.
- Donabedian A, Evaluating the quality of medical care, Milbank Memorial Fund Quarterly 1966 ;44 :166-203.
- Roland M, Prévost M, Jamoulle M., « L’assurance de qualité en médecine de famille », Arch Public Health 2001 ; 59 : 1-28.
- Donabedian A., The quality of care : how can i be assessed ?, JAMA 1988 ; 260 :1743-8.
- Christophe Dejours, L’évaluation du travail à l’épreuve du réel, Critique des fondements de l’évaluation, Ed INRA, Sciences en questions, 2003.
- Dominique Dupagne, La revanche du rameur, Ed Michel Lafon, 2012.
- La Fédération des plannings et des centres d’action sociale globale ainsi que la Fédération des associations sociales et de santé.
- Publiée intégralement dans le dossier Santé conjuguée n°47, janvier 2009, sous le titre « Argumentaire pour une démarche de qualité ».
Cet article est paru dans la revue:
Santé conjuguée, n° 61 - juillet 2012
Les pages ’actualités’ du n° 61
Flashback sur Santé conjuguée
Après avoir coordonné la rédaction de 60 numéros de Santé conjuguée, je passe la barre à de nouveaux pilotes. C’est un bon moment pour faire le point.
Télémédecine et première ligne
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Le complexe de l’araignée
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Satisfaction des patients en maisons médicales
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Interrogations
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Christophe Colomb sur la route des Indes
Ce texte fait partie de la collection des fiches techniques proposées par le service communautaire de promotion de la santé SIPES (ULB) aux acteurs en promotion de la santé. Déjà ancien, il aborde de manière simple(…)
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Les démarches d’évaluation qualitatives à Bruxelles (DEQ): parole aux acteurs
Les démarches d’évaluation qualitative à Bruxelles : parole aux acteurs
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Un projet audacieux
Harmoniser, soutenir, dialoguer, supprimer le « jeu du bâton et de la carotte » : les responsables politiques n’avaient que de bonnes intentions en promulguant ce nouveau décret. Ils explicitent ici leur projet et leurs surprises(…)
L’humain ne se prête pas à la standardisation
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La démarche d’évaluation qualitative (DEQ) demandée par le décret bruxellois semble avoir fait des émules dans les centres de planning familial. Deux acteurs du secteur nous expliquent en quoi l’obligation d’évaluer les pratiques a amélioré le(…)
A la recherche d’un sens collectif
Dans un entretien, deux coordinatrices sectorielles de la Fédération des services sociaux font état de leur expérience. Ces deux travailleuses ont pris leurs fonctions toutes deux juste avant le vote du décret ; elles n’ont donc(…)
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Pour les syndicats, la DEQ signe le début de la mainmise du politique. Des délégués syndicaux de la Centrale nationale des employés (CNE) ont suivi les débats autour du décret ambulatoire en 2008 et 2009 nous(…)
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Evaluer son fonctionnement, ses actes, ses projets nécessite une prise de distance critique sur ceux-ci. Mais porter ce regard et remettre en question des pratiques établies depuis longtemps génère une culpabilité de l’imperfection, une crainte de(…)