L’hôpital du passé et d’aujourd’hui : quels enseignements pour demain ?
Marie-Pierre Tourneur
Santé conjuguée n° 73 - décembre 2015
L’hôpital compact en proie aux critiques
Ce modèle d’hôpital est celui que nous connaissons dans les infrastructures hospitalières construites entre les années 70 et 90 et toujours en activité aujourd’hui : Henri Modor à Paris, hôpital d’Aix-La-Chapelle, centre hospitalier universitaire Tivoli à La Louvière, Intercommunale de santé publique du pays de Charleroi (ISPPC) – site Vésale à Montigny-Le-Tilleul, centre hospitalier universitaire La Citadelle et centre hospitalier universitaire du Sart-Tilman à Liège, université catholique de Louvain Saint-Luc et Centre universitaire de Bruxelles Erasme à Bruxelles… Mais beaucoup de critiques sont formulées à son égard. La structure s’empêtre dans sa monumentalité, basée sur la superposition. Les transports, verticaux, sont mal adaptés à une flexibilité devenue indispensable. Cette monumentalité est aussi synonyme de déshumanisation des soins. L’ampleur de la masse bâtie et le nombre trop élevé des personnes employées empêche la confiance de s’installer, y compris entre les services eux-mêmes. Enfin, la concentration des espaces favorise les échanges d’air entre les services, donc de la flore microbienne, et les risques d’infections nosocomiales. A cela s’ajoute que trop d’espaces ne permettent pas de contact avec l’extérieur et sont alimentés par des facteurs d’ambiances artificielles (éclairage, ventilation). La courbe du caractère éphémère de l’architecture hospitalière est impressionnante. Les édifices du Moyen-Age duraient 500 ans. Les hôpitaux de la fin du XXème sont abandonnés, détruits, ou totalement reconstruits après 40 ans. Aujourd’hui, on réaménage parfois après quelques années. Ce phénomène proclame l’instabilité en matière de validité de la conception hospitalière. Aujourd’hui, les réponses sont recherchées dans les logiques de regroupement au sein de la structure, par disciplines, par activités, par populations, par spécialités, ainsi que dans une structuration par flux (visiteurs/soignants/patients, consultation/hospitalisation/urgence, approvisionnement/déchets…). Hôpitaux du futur en échelons1 Mais, dans le futur, d’autres enjeux devront être rencontrés, qui pousseront plus loin encore la nécessité de repenser les structures hospitalières et dicteront ses évolutions. Et d’abord, la révolution dans les principes de gestion. Cette dernière se professionnalise. Ce ne sont plus des médecins qui dirigent les hôpitaux, mais des spécialistes de la gestion, orientés vers l’efficacité économique, voire la rentabilité. Dans la foulée, on remarque une tendance à la sous-traitance des prestations logistiques et hôtelières, dont les coûts explosent. Ensuite, l’accélération de l’évolution des techniques. C’est particulièrement vrai pour l’imagerie médicale, qui impose un rythme de remplacement toujours plus rapide, et qui détermine fortement la structure même des bâtiments, pour permettre leur évolutivité. La déshospitalisation et la multiplication d’alternatives à l’hospitalisation. Ça se marque par une généralisation de la chirurgie ambulatoire, mais aussi, plus radicalement, par le glissement d’activités hospitalières dans le milieu de vie ou au domicile. Et des perspectives inouïes se font jour avec les potentialités de la connectivité. Enfin, les réformes institutionnelles qui affectent le système de santé créent un manque de visibilité sur l’avenir, même proche. La logique gestionnaire dans un contexte de raréfaction des moyens publics conduit à des stratégies de développement qui orientent des politiques foncières déterminantes. Tel projet va choisir telle implantation, en ville ou en bordure de ville, pour viser tel public, en connexion avec telles voies d’accès, en vis-à-vis ou en rapport avec tel autre hôpital, en cherchant la concurrence, la complémentarité ou la fusion à terme. Ces choix fonciers vont se révéler décisifs, tant les contraintes du terrain sont importantes dans des projets de cette ampleur. L’hôpital du XXIème siècle doit se situer entre deux extrêmes, à un point d’équilibre entre l’hôpital pavillonnaire, aéré, et l’hôpital contemporain basé sur la densité à outrance et l’abus de la verticalité. Le nouvel hôpital doit assurer une grande flexibilité, éviter les contenants et les systèmes aliénants, et limiter les transports. Il doit encore être aérer, de manière à offrir de la lumière naturelle et des vues sur la nature qui deviennent des standards de confort. La qualité des ambiances est une attention de tous les instants. Du coup, la tendance de l’avenir semble être l’éclatement des fonctions. Nous ne devrions plus définir un hôpital par son nombre de lits, mais par les pratiques médicales exercées, la recherche et la qualité des soins. Les nouveaux ensembles hospitaliers seront répartis suivant plusieurs échelons. « L’entité de base » sera un pôle de technologies avec un secteur médico-technique performant et évolutif, associé à des unités de soins de premier échelon, nécessitant une liaison continue avec le médico-technique. Le concept de Life Cycle Hospital devient déterminant. Il est fondé sur la prise en compte des différences de durée de vie entre les secteurs qui composent l’hôpital. Le pôle médico-technique est celui dont la durée est la plus courte, et dont l’évolutivité doit donc être privilégiée. Idéalement, l’hospitalisation lui sera juxtaposée. On préfèrera les concevoir en face à face ou côte à côte, plutôt qu’en superposition, pour ne pas contraindre l’évolutivité. La logistique avoisinera le secteur hospitalisation, mais pourra être logée dans un bâtiment de type industriel, moins onéreux. Il en va de même de l’administration qui occupera un bâtiment adapté à la fonction, et qui doit peu évoluer. Un peu plus à l’écart, nous trouverons les unités de deuxième échelon, pour lesquelles les transferts de lits vers le médico-technique ne sont qu’occasionnels ou possédant leurs propres installations de diagnostic et de traitement légers et de routine. Quant aux unités de troisième échelon, constituées d’ensembles spécialisés (exemple : psychiatrie, soins palliatifs, etc.), elles auront un statut de totale indépendance fonctionnelle, et peuvent se situer plus à l’écart. A côté de ces établissements de soins traditionnels, nous devrions voir apparaître ce que l’on appellerait des « pôles médicaux prédominants (PMP) », proposant la gamme des plus performantes et coûteuses possibilités nouvelles dans un domaine particulier. Chacun de ces pôles, en nombre limité, serait équipé selon un programme répondant aux besoins de sa localisation et des pathologies relevée dans le secteur impliqué. Le statut des pôles médicaux prédominants devrait logiquement être supra hospitalier, c’est-à-dire situé au-dessus des hôpitaux dans l’échelle des moyens en équipements médicaux, mais également dans le domaine de la gestion. En parallèle se développent aussi des centres de traitement privés : cliniques des yeux, centres de chirurgie esthétique, centres de diagnostiques (imagerie médicale), etc. En fin de compte, c’est le concept même d’hôpital général qui semble appelé à disparaître, au profit de structures éclatées, monofonctionnelles, hyperadaptées, interconnectées et modulables. Dans ces ensembles, on voit d’ailleurs apparaître des structures hôtelières de proximité, démédicalisées, mais permettant l’accès plus direct aux opérations de contrôle et de suivi. Documents joints
Cet article est paru dans la revue:
Santé conjuguée, n° 73 - décembre 2015
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Partie III - Perspectives
Lectures
Lectures
Les documents suivants ont alimenté ce dossier et peuvent être consultés si vous voulez en savoir plus : http://www.alterechos.be/alter-echos/lhabitat-legeren- finir-avec-la-brique-dans-le-ventre-2 Architecture hospitalière, magazine des acteurs de l’hôpital demain ; www.architecture-hospitaliere.fr/ Art&Build, Hôpitaux & soins de santé(…)