Francophonie, soins de santé primaires et qualité
Monique Ferguson
Santé conjuguée n°84 - septembre 2018
Le symposium francophone de soins primaires inaugural organisé par l’Institut universitaire de médecine de famille de Lausanne (IUMF) a rassemblé le 18 juin dernier une centaine de médecins généralistes et autres professionnels de santé de la première ligne autour du thème : à quoi ressemblera le cabinet de médecine de famille du futur ?
Cette initiative rassemblant des intervenants de Suisse, du Canada, de France et de Belgique était une occasion exceptionnelle pour échanger autour des défis et pratiques innovantes au niveau des soins de la première ligne. Le Pr Jean Macq, médecin de santé publique et membre de la faculté de santé publique de l’UCL, Hubert Jamart, médecin généraliste à la maison médicale de Trooz et membre du bureau stratégique de la Fédération des maisons médicales (FMM) et moi-même en tant que représentante du projet DEQuaP1 de la FMM avons eu l’occasion de décrire les enjeux et initiatives autour de la coordination et l’intégration des soins de santé primaires en Belgique et d’échanger avec nos collègues francophones. Cette assemblée a été marquée par l’enthousiasme, la créativité, la bienveillance et l’esprit d’engagement des participants. Les échanges, très riches, ont abordé, entre autres thèmes, les différentes approches mises en œuvre pour encourager les patients et les professionnels à co-construire la santé en partant d’une vision globale de la personne. Riches également les échanges touchant aux opportunités pour améliorer la communication et la coordination interdisciplinaire au sein des structures de santé primaires. Et rassurant de comprendre que nous sommes tous en réflexion sur la manière de faire évoluer nos systèmes de santé respectifs afin d’assurer pour l’avenir un niveau des soins de santé primaires pleinement reconnu et soutenu. Le Dr Stéfanie Monod, chef du service de la Santé publique du canton de Vaud (Suisse) a rappelé les enjeux critiques pour le système de santé de demain : le vieillissement de la population et des professionnels de santé, l’augmentation des maladies chroniques, la numérisation et l’arrivée en force des technologies de l’information dans le domaine de la santé, les opportunités et les dangers de l’explosion technologique, les patients et leur nouvelle posture. Pour répondre aux besoins, il faudrait renforcer le système de prise en charge, mais pour elle ce n’est pas réaliste. Selon les prévisions de StatVD, le service cantonal de recherche et d’information statistique, continuer à construire avec le même rythme que lors des dix dernières années ne suffira pas. Pour maintenir la santé de la population, la stratégie du canton de Vaud est d’identifier des interventions de prévention selon que les personnes sont en bonne santé, vulnérables et à risque ou dépendantes et fragiles. Comment ? En renforçant la promotion de santé, en améliorant la gestion des maladies chroniques et la coordination des soins, en prévenant le déclin fonctionnel, maintenant l’indépendance et l’autonomie. In fine, le canton entend créer ou renforcer la capacité du système communautaire et développer les soins primaires pour réinvestir dans la communauté. De nouvelles idées et sources d’inspiration Les sources d’inspiration ont été nombreuses. Citons entre autres la présentation de Gaëlle Savigneau, infirmière déléguée à la santé publique à la maison de santé Lahire-Jeanne d’Arc du XIIIe arrondissement de Paris. Elle a décrit la façon dont le dispositif Asalée propose un accompagnement individualisé des patients vivant avec des conditions chroniques afin de les soutenir dans la prise en charge de leur santé via des projets concrets élaborés à partir de leurs besoins et souhaits. Une leçon importante à en retirer est la nécessité d’un investissement de temps significatif en début de parcours, d’apporter une réelle attention à chaque individu. Ce dispositif bénéficie aujourd’hui de l’implication de 550 infirmières déléguées et 1 800 médecins généralistes partout en France. Le Pr Nicolas Senn a présenté un projet pilote de coordination de la médecine de famille dans le canton de Vaud, projet construit sur base d’une recherche de la littérature scientifique poussée et qui repose sur l’utilisation du dossier électronique du patient, la présence d’un gestionnaire de cas et l’élaboration d’un plan de soins. Le Dr Christine Hudon, de l’Université de Sherbrooke (Canada), a présenté une approche à la gestion des cas en première ligne développée pour répondre aux besoins complexes de personnes atteintes de maladies chroniques et qui sont ainsi à risque d’une grande utilisation des services de santé. Cette approche intitulée V1SAGES, construite avec des patients- partenaires, valorise le patient comme « expert de sa complexité » et met en avant les aspects psychosociaux. Cette approche vise à améliorer la coordination et à soutenir l’autogestion par le patient, le gestionnaire de cas jouant un rôle de « facilitateur ». Le Dr Hubert Jamart a quant à lui présenté le modèle organisationnel démocratique des maisons médicales belges. Il a également présenté certaines initiatives en santé communautaire de l’équipe de la maison médicale de Trooz telles que le réseau d’échanges et savoirs entre patients et le jardin potager partagé, en mettant l’accent sur la nécessité de travailler avec de multiples partenaires.Des obstacles semblables
La matinée en plénière a permis à chaque pays intervenant de présenter son système de santé, d’aborder les enjeux de santé publique et de décrire une ou deux actions menées sur le terrain susceptibles de nourrir les réflexions et les initiatives dans les autres pays. L’après- midi fut consacré à divers ateliers sur l’interprofessionnalité, la médecine participative, les plans de soins individualisés et la collaboration santé publique/médecine de famille. Certains thèmes se sont dégagés lors des différentes séances et présentations. Tout d’abord, les obstacles que nous rencontrons sont semblables partout : une tension entre la centralisation et la régionalisation du système de santé, le manque de ressources financières et humaines, et une expression de plus en plus importante de besoins complexes qui touchent tant à l’état socio-économique qu’à l’état de santé des personnes se présentant comment patients de la première ligne. Nous constatons également une évolution significative là où le patient est à présent pleinement valorisé dans son expertise sur son état de santé et où les professionnels de santé adoptent un rôle allant au-delà du curatif afin de soutenir l’individu dans son parcours de promotion de sa santé. Nous sommes loin d’une implication purement symbolique du patient dans ses soins. Enfin, afin d’arriver à cette vision de la personne comme acteur à part entière de sa santé, nous observons une structuration en équipes de soins primaires de plus en plus importante, sous de multiples variantes, souvent intégrant les professionnels des milieux de la santé mentale et du social – avec tous les obstacles et leviers que cela comprend en termes de coordination et d’intégration.Documents joints
Cet article est paru dans la revue:
Santé conjuguée, n°84 - septembre 2018
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