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Elections syndicales médicales 2010 : le plus mauvais résultat du Cartel chez les médecins généralistes ! Où va la médecine générale ?


Santé conjuguée n° 53 -juillet 2010

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Les élections syndicales des médecins de juin 2010 ont été marquées par un recul des formations défendant une philosophie et une politique « soins de santé primaires ». Comment l’expliquer et quels remèdes peut-on préconiser ?

En juin 2010, comme tous les quatre ans et depuis 1998, les médecins belges ont pu élire leurs représentants dans les lieux de concertation. Ces représentants ont une grande influence sur l’évolution de notre système de santé, et notamment sur la place de la première ligne de soins. Les sièges se partagent entre syndicats : le Cartel et l’ABSyM – Association belge des syndicats médicaux, et à travers eux, entre conceptions du système, entre priorités, entre projets d’avenir, modèles, valeurs. Dès les premières élections, le Cartel, composé du GBO (Groupement belge des omnipraticiens), de l’ASGB (syndicat flamand mixte rassemblant des généralistes et des spécialistes) a obtenu la majorité des voix auprès des médecins généralistes. Le nombre de voix remportées par le GBO, et par le Cartel, est pourtant décroissant. Les résultats de cette année méritent une analyse : jamais l’écart n’a été si petit entre les deux organisations représentatives. graph1.jpg Il y a quatre ans l’écart était encore de plus de 1000 voix. Pour cette quatrième élection, l’écart est réduit à 317 voix, soit un ordre de grandeur comparable à l’ensemble des médecins de maison médicale. Il faut évidemment se garder de tout catastrophisme mais essayer d’analyser aussi finement que possible ce qui s’est passé. Sans diagnostic, point de remède. Lors des deux premières élections (1998 et 2002), le Cartel se présentait au « complet » c’est-à-dire avec le SVH (ex VBO, équivalent flamand du GBO). Une dynamique d’union qui avait bien donné puisque en 2002, le Grand Cartel représentait presque trois généralistes votants sur quatre ! Lors des deux dernières élections, toutes les négociations pour rejouer le Grand Cartel ont échoué, nous reviendrons sur ce point crucial. La perte importante de voix entre les deuxième et troisième élections peut s’expliquer par la départ du SVH (et de ses électeurs) du Cartel. On peut par contre comparer les troisième et quatrième élections (2006 et 2010) qui se sont jouées entre le petit Cartel et l’AMF – Association de médecine de famille, la branche généraliste de l’ABSyM. On assiste à une perte de 463 voix pour le petit Cartel entre 2006 et 2010. L’ABSyM elle gagne 265 voix, ce qui ne serait pas grave si le Cartel ne se tassait pas. Nous voyons donc bien que la division de la médecine générale coûte cher à ses légitimes représentants. Mais en plus de cette division, qui doit absolument trouver une issue, il faut comprendre ce qui distingue les élections 2010 des précédentes (2006). En effet, le SVH qui défend depuis toujours des positions maximalistes pour la médecine générale a opté pour une position stratégique qui renforce indirectement l’ABSyM, alors que celle-ci refuse l’échelonnement que le SVH réclame à cor et à cris. Comprenne qui pourra ? Le SVH, qui espérait bien se présenter devant les médecins généralistes flamands cette année a été recalé par l’INAMI pour la deuxième fois : il ne répondait pas aux critères en vigueur pour être éligible. Le syndicat a alors exprimé sa colère en incitant au vote blanc. La conjoncture s’y prêtait, car le vote électronique facilite le vote protestataire. Donc, il est probable que certains généralistes surtout flamands qui suivent les mots d’ordre du SVH ont voté blanc par voie électronique. Alors qu’il y a quatre ans une partie des sympathisants SVH avait voté ASGB, donc petit Cartel par défaut. La conjoncture politique générale a aussi renforcé la position du SVH chez les médecins généralistes flamands. Les sondages ont montré que les médecins généralistes flamands ont une préférence électorale pour la NVA – Nieuw vlaamse alliantie. Or ce parti défend la reconnaissance d’un syndicat mono-disciplinaire unilingue, ce que réclame le SVH depuis plus de 16 ans. L’impact des élections fédérales anticipées a donc favorisé la cohésion des généralistes flamands autour d’un projet radical, celui du SVH, et donc du vote blanc, au détriment de l’ASGB – Algemeen syndicaat geneesheren van België et donc du petit Cartel. graph2.jpg Le graphique ci-dessus nous montre l’évolution en pourcentage des votants en médecine générale. Le vote blanc a été le choix de 20% des électeurs et représente les généralistes convaincus par le SVH. On voit bien que le Cartel a perdu 13 points en 2006 après le « départ » du SVH, mais le Cartel a encore perdu 11 points cette année soit plus de la moitié des 16% de croissance des votes blancs ! L’ABSyM n’a perdu que 2%. Donc, le vote blanc semble bien s’être développé au détriment du Cartel. Enfin, il semblerait bien que l’analyse de Philippe Vandermeeren, président du GBO, soit au moins partiellement exacte : l’hémorragie de voix provient surtout de votes volatiles flamands qui s’étaient heureusement posés sur l’ASGB en 2006. On pourrait imprudemment en conclure que le GBO reste bien majoritaire sur ses terres. Il nous faut rappeler que pour les élections de 1998 et 2002, le grand Cartel était le plus fort en Flandre. C’était du moins l’avis des dépouilleurs de vote papier (dont j’étais). Donc le rapport de force réel entre le GBO et l’AMF francophone n’est pas connu. Enfin il n’est pas impossible que la campagne de publicité agressive et certainement très couteuse de l’AMF/ ABSyM ait convaincu quelques généralistes hésitant. Il reste enfin une question cruciale, celle du corps électoral. Car enfin qui vote ? Logiquement, ce devraient être les seuls généralistes cliniciens, mais le corps électoral des généralistes est pour le moins confus : sur les 14.507 généralistes en droit de prester (source INAMI)1, combien prestent réellement ? Des estimations penchent plutôt pour un petit 10.000 médecins généralistes pratiquant actuellement. Si ce sont ceux là qui ont voté, le taux de participation ne serait donc pas de 50% comme annoncé par l’INAMI, mais bien plus élevé. Un risque serait que les généralistes à pratique réduite ou résiduaire votent, alors que des généralistes actifs vont à la pêche… Il y a aussi des généralistes qui prestent mais quasi exclusivement en institution : maisons de repos, maisons de repos et de soins, centre préventif, médecine générale hospitalière, etc. On pourrait craindre que ces généralistes institutionnels votent comme l’ABSyM qui est un syndicat de médecins intra-muros pour l’essentiel. Tant que ces ambigüités ne seront pas levées nous aurons des raisons de craindre que le généraliste clinicien en pratique ambulatoire ne soit doucement marginalisé. Nous avons tenté une estimation de la participation des médecins généralistes au vote. Les chiffres de l’INAMI ne sont pas ventilés par discipline. Nous avons estimé le nombre de cliniciens à 15.000 ce qui est déjà généreux ! Dans ce cas nous voyons que la participation n’est pas si mauvaise : le dénominateur utilisé est une majorité de médecins généralistes vote (à moins que ce soit les non-cliniciens qui votent ?). Estimation de la participation en pourcentage Ces élections tonnent comme un coup de semonce. Dans quatre ans, le Cartel doit absolument renverser la vapeur. A défaut, cela hypothéquerait les pauvres avancées que les élections précédentes avaient permises. Maintenant, il faudra tenir compte d’une éventuelle communautarisation des soins de santé qui pourrait modifier la donne en profondeur. Que faire ? comme disait Vladimir Ilitch Oulianov. Après cette dernière, mais combien petite victoire, il faut absolument arriver à reprendre langue avec le SVH pour aplanir les fausses divergences entre ce syndicat et l’ASGB. Ce problème flamandoflamand bouche l’horizon. graph3.jpg La reconnaissance du SVH ne seraitelle pas préférable à la situation actuelle ? En l’absence de ce syndicat, l’ABSyM semble représenter plus que ce qu’elle pèse réellement en médecine générale. On me dira, le Cartel aussi ! Oui et non, car les programmes du SVH et du Cartel ne diffèrent guère en matière de promotion de la médecine générale. Une alliance concrète pourra se reconstituer à la Commission nationale médico-mutualiste autour de profondes réformes ! petit_tableau.jpg Depuis l’édition de ce schéma, l’actualité a évolué : le SVH a de nouveau quitté le Cartel en 2006 et de plus, il a invité à voter blanc ! ! En ce qui concerne le nombre de sièges, depuis 2006 et encore en 2010, le Cartel ne dispose plus que de 4 sièges sur 12 tandis que l’ABSyM en compte 8 !
ABSyM : Association belge des syndicats médicaux ; syndicat successeur des Chambres syndicales fondé par le Dr Wynen et cornaqué par le Dr De Toeuf puis le Dr Moens. – ASGB : Algemeen syndicaat geneesheren van België. Syndicat purement flamand mais trans-collège (médecine générale et médecine spécialisée). – Cartel : union électorale de la CMB (GBO + ASGB) et du SVH. Représente l’opposition à l’ABSyM. Le Cartel représente en fait intégralement la CMB de la première phase (faire et défaire c’est toujours travailler). Le projet du Cartel se trouve dans son programme. Il est clair qu’il souhaite un rééquilibrage vers la médecine générale et un partage défini des tâches (plus de complémentarité et moins de concurrence). – Chambres syndicales des médecins : syndicat de combat fondé à Liège, mais phagocyté par le Dr Wynen qui en fera une arme redoutable. Elles connaîtront une scission fameuse, entre le Dr Henrard et le Dr Wynen. L’échec de la grève du Dr Henrard conduira à la réunification des deux chambres. – CMB : Confédération des médecins belges. A connu deux phases : tout d’abord union du GBO-VBO et de l’ASGB. Depuis la défection du VBO (devenu SVH), elle ne comprend plus que le GBO et l’ASGB. – GBO : Groupement belge des omnipraticiens, successeur de l’UBO. Défend la médecine générale envers et contre tout. – SVH : Syndicaat van vlaamse huisartsen. Syndicat successeur du VBO membre du cartel. – VAS : pendant néerlandophone de l’ABSyM. – VBO : Vereniging van belgische omnipratici ; aile flamande du GBOVBO. A quitté la CMB pour vivre seul sous le nom de SVH.
Pour revisiter l’évolution du syndicalisme médical, voir « Ils ont voté … et après ? » dans Santé conjuguée n° 6.

Documents joints

  1. Il existe des médecins qui ne peuvent facturer des visites. Le total fait alors 18.900 !

Cet article est paru dans la revue:

Santé conjuguée, n° 53 -juillet 2010

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