A nos futurs ministres en charge de la santé, les exigences du GBO
Delforge Yves
Santé conjuguée n° 41 - juillet 2007
Qu’attendent les médecins généralistes du prochain gouvernement ? Si ils souhaitent une amélioration de leurs conditions de travail, leurs revendications portent surtout sur une amélioration de l’accessibilité et de l’efficacité des soins. Des exigences avec lesquelles la Fédération des maisons médicales ne peut que converger.
« La médecine générale est en crise en Belgique comme dans beaucoup d’autres pays ». C’était le préambule du mémorandum du GBO, rédigé lors de l’assemblée générale du 23 avril 2005 et intitulé Objectifs 2005-2010. Ce constat n’est certes pas nouveau, mais il est extrêmement préoccupant. Les Objectifs 2005-2010 ont été élaborés pour tracer un avenir à la médecine générale en Belgique. A la lumière des évolutions politiques et des conceptions actuelles de l’INAMI, nous en reprenons ici les points essentiels, actualisés, car ils sont nos priorités pour donner à la médecine générale sa place dans les soins de santé. Une accessibilité maximale des patients aux soins de santé Le médecin généraliste doit être le point d’ancrage entre le patient et le système des soins de santé pour éviter une médecine à plusieurs vitesses avec des soins dispendieux ou anarchiques. Afin de garantir cette accessibilité, nous voulons : • la suppression des tickets modérateurs pour toutes les consultations chez les médecins généralistes ; • le développement d’un lien privilégié entre le patient et son médecin généraliste grâce au Dossier médical global qui doit être obligatoire pour tous les patients et doit être reconnu par tous comme l’outil indispensable pour assurer de meilleurs soins aux patients ; • un accès au tiers-payant élargi mais également facilité techniquement par l’électronique. Une organisation efficace des soins de santé au travers d’un réel échelonnement Le patient doit être invité et réellement incité à consulter prioritairement son médecin généraliste pour tout problème de santé. Pour les pathologies courantes, limitées dans le temps, chez des patients capables de se prendre en charge, nous voulons une modulation des tickets modérateurs chez le médecin spécialiste. Le patient sera mieux remboursé de sa consultation spécialisée s’il est passé préalablement chez son médecin généraliste, gestionnaire de son Dossier médical global. Mais, inversement, si le patient n’a pas de Dossier médical global et s’il consulte directement le médecin spécialiste, il doit être moins bien remboursé. Il faut aussi renforcer la collaboration entre le médecin généraliste gestionnaire du Dossier médical global et le médecin spécialiste référent, surtout pour les pathologies complexes, de longue durée, chez des patients fragilisés par leur(s) maladie(s). Pour cela, il faut créer le statut de « patient nécessitant des soins complexes ». Comme pour les soins palliatifs, c’est le médecin généraliste et lui seul qui doit être à la base de l’attribution de ce statut à ses patients. Il ne devra exister qu’un seul statut de « patient nécessitant des soins complexes », englobant toutes les pathologies compliquées (diabète, BPCO, oncologie, insuffisance cardiaque ou rénale…). Grâce à ce statut, le patient sera adressé au spécialiste référent souhaité par le généraliste et bénéficiera de meilleurs remboursements pour certaines prestations médicales, paramédicales ou matérielles (ex : tigettes, prothèses…). Le médecin spécialiste référent devra jouir d’une prime forfaitaire pour la prise en charge partagée du patient. La prestation du médecin généraliste (consultation ou visite à domicile) sera mieux honorée et l’honoraire DMG de ce patient nécessitant des soins complexes devra être nettement revalorisé. Une simplification administrative draconienne de la prescription Elle doit permettre au médecin généraliste de replacer le patient au centre de ses préoccupations. A ce titre, nous voulons : • que la majorité des médicaments utilisés en médecine générale soient placés en Chapitre I et remboursés pour toutes les indications reconnues par les Organisations Scientifiques et pas seulement sur les indications reprises sur la notice. • que pour les médicaments qui seront encore soumis à des règles de prescription, ces règles soient extrêmement simples. Dans ces conditions « simples et sécurisantes » de prescription, le GBO peut accepter un Chapitre II avec un contrôle a posteriori qui conforte le médecin généraliste dans sa responsabilité de prescripteur et permet au patient de commencer rapidement son traitement. Si les règles sont compliquées, placent le médecin généraliste dans une insécurité juridique et l’exposent à des procédures de contrôle, le GBO ne pourra qu’accepter le renvoi de la prescription au contrôle a priori chez le médecin conseil (Chapitre IV). • que les médecins généralistes soient régulièrement informés de leur profil de prescription afin de pouvoir s’auto-évaluer. Les procédures administratives de prescription ne peuvent plus prendre le pas sur le temps de présence auprès du patient ni sur l’attention à consacrer à ses problèmes de santé. Le renforcement du rôle du médecin généraliste lors d’une hospitalisation de ses patients Et surtout de ses « patients nécessitant des soins complexes », en développant la prise en charge globale du patient : • sur base du DMG, présentation au médecin spécialiste des motifs précis de l’hospitalisation du patient ; • restauration de la présence du généraliste lors d’une opération (cette présence permet au généraliste de (mieux) connaître le spécialiste ainsi que l’intervention pratiquée et, ainsi, de mieux l’expliquer aux futurs patients. Par ailleurs, elle favorise la collaboration essentielle entre le généraliste et le spécialiste ; • préparation de la sortie du patient avec le médecin spécialiste et le coordinateur du Centre de Coordination de Soins et de Services à Domicile afin d’optimaliser son maintien à domicile. Pour cette prise en charge globale, le médecin généraliste doit percevoir une juste rétribution. Poursuivre l’amélioration de la qualité de vie des médecins généralistes Cela requiert d’établir d’abord un cadastre de la médecine générale afin de connaître les médecins qui pratiquent vraiment la médecine générale ainsi que leur répartition sur tout le territoire. Cela permettra de déterminer réellement les zones à forte et celles à faible densité médicale et d’analyser plus justement la nécessité ou pas d’un numerus clausus en médecine générale. Une fois ce cadastre réalisé, il faut se pencher sur l’amélioration de la qualité de vie des médecins généralistes en considérant : • le lieu d’installation du médecin généraliste. Il faut : -intensifier l’aide à l’installation dans les zones défavorisées (Impulseo 1); -mettre en route le financement de la collaboration entre les médecins généralistes (Impulseo 2). • les gardes médicales. Il faut : -revoir, via les Cercles de médecins généralistes, l’organisation des gardes des soirs et des WE, surtout dans ces zones où la pénibilité ne cesse d’augmenter ; -organiser, partout, la garde à partir de 18 heures avec majoration de l’honoraire de disponibilité pour le médecin qui assure cette garde ; -moduler l’obligation de déplacement de ce médecin. • les solutions adéquates aux problèmes posés aux femmes médecins par les conditions d’exercice de la médecine générale : trop de jeunes femmes médecins quittent la médecine générale parce qu’elle leur permet peu ou mal de concilier vie de famille et travail. Le GBO veut intégrer dans le statut social de l’INAMI : -une protection particulière des grossesses ; -un congé de maternité digne de ce nom ; -une politique correcte des fins de carrière.Ajoutons que…
Nous voulons que le financement de la médecine générale soit suffisant pour permettre au médecin généraliste d’exercer son art, pour développer une formation continue et universitaire de médecine générale indépendante et pour voir l’éclosion d’une recherche indépendante, propre à la médecine générale. Nous voulons que le médecin généraliste se réapproprie la médecine préventive dans le cadre d’une politique cohérente entre le Fédéral, les Communautés et les Régions. Nous demandons aux partis politiques un engagement ferme dans la voie de la revalorisation de la médecine générale, indispensable dans toute politique de santé publique. La médecine générale est effectivement garante d’un premier échelon des soins, efficace, économe, porte d’entrée vers les autres niveaux de soins. Pour offrir aux patients les meilleurs soins, au meilleur endroit, par le prestataire le plus adéquat. Nous demandons enfin un engagement ferme de la part des partis politiques pour préserver notre système solidaire de sécurité sociale fédérale et pour promouvoir son modèle au niveau européen.Documents joints
Cet article est paru dans la revue:
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