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La confiance


Santé conjuguée n°88 - septembre 2019

Ce thème est régulièrement évoqué dans nos réunions d’équipe. Il suscite des réactions diverses, mais qui vont rarement jusqu’aux racines des questions soulevées. Peut-être parce que si la confiance n’est pas absolue, c’est qu’il y a de la méfiance. Et que ce terme est perçu de manière très désagréable.

En général, tout le monde s’accorde pour souligner l’importance de la confiance dans le travail d’équipe. De façon simpliste, on pourrait dire qu’il y a ceux qui pensent qu’elle dépend avant tout de celui qui la donne, et ceux qui pensent qu’elle dépend surtout de celui qui la reçoit. Bien sûr, il y a un continuum entre les deux. Pour lever la contradiction, on pourrait souligner la différence entre deux expressions : « avoir confiance », qui est un état indépendant de la volonté à laquelle il échappe, et « faire confiance », qui est un acte, un engagement volontaire. Quand je monte dans un avion, je ne peux avoir confiance dans le pilote que je ne connais pas et que je n’ai jamais vu, mais je vais lui faire confiance. C’est le cas si je me soumets à la seringue de l’anesthésiste, au bistouri du chirurgien ou aux ciseaux du coiffeur. Si je travaille avec un nouveau ou une nouvelle collègue, d’emblée, je n’aurai pas forcément confiance, mais je dois faire confiance. « Faire confiance » est un acte de bienveillance, mais aussi, probablement, l’attitude la plus efficiente, avec un risque qui en vaut la chandelle. Et c’est l’expérience, la relation, avec ses échanges, ses points forts et ses difficultés qui me permettront qu’en plus de faire confiance j’aie confiance plus ou moins, selon ma personnalité plus ou moins optimiste, de façon fluctuante parfois ou conditionnelle, selon les champs de compétence envisagés. Je peux avoir une totale confiance dans la parole de l’autre sans avoir une confiance totale dans sa capacité à réaliser certains travaux, ou je peux avoir une totale confiance dans les capacités techniques d’un autre, mais moins dans sa capacité d’autocritique. La confiance que j’ai en l’autre est quelque chose de dynamique ; elle ne doit jamais être nulle, mais jamais totale non plus, car tout le monde peut faire une erreur, ne fût-ce qu’un oubli. Une confiance trop grande peut très mal supporter un ratage. Une confiance perdue peut se regagner, car chacun peut apprendre de ses erreurs, mais aussi parce qu’une erreur n’est pas signe de malveillance ou d’incompétence. La confiance interne est essentielle à la vie de l’équipe, dont l’efficience par rapport à son objet social gagnerait probablement plus en renforçant la confiance interne entre ses membres qu’en augmentant les compétences professionnelles de chacun. L’équipe peut travailler à renforcer cette confiance en dépassant l’idée qu’il y a les confiants, gentils, naïfs ou artistes et les méfiants, méchants, trop prudents ou obsessionnels. Trop d’équipes ont chaviré à cause d’une perte de confiance. Le manque de confiance peut concerner la compétence de l’autre ou, plus grave, son honnêteté. Cela peut déboucher sur de la suspicion, de la surveillance ou de la médisance qui empoisonneront des relations. La meilleure prévention de ces dérives est probablement l’échange, l’écoute empathique avec une authentique démarche de comprendre le point de vue de l’autre et de faire comprendre le sien. Dans ce domaine, nous avons tous toujours à apprendre. En plus de faire confiance, il faut avoir le désir de pouvoir avoir confiance en l’autre. Le but n’est pas d’arriver à une confiance aveugle, mais à ce point où je peux faire part de mes questionnements et de mes doutes sur moi et sur l’autre, et inversement. Peut-être qu’il y a là un indicateur à retenir.

Documents joints

Cet article est paru dans la revue:

Santé conjuguée, n°88 - septembre 2019

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