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L’assistant de pratique, une solution à la pénurie dans le secteur de la santé ?

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Santé conjuguée n° 55 - janvier 2011

Il devient de plus en plus difficile de trouver des soignants, notamment en première ligne, et la charge de travail de ceux qui restent s’alourdit sans cesse. Partant du constat que ces soignants remplissent une série de tâches impliquées par leur activité mais qui ne nécessitent pas leur compétence de soignant, l’idée de leur permettre de se concentrer sur leur rôle spécifique en déléguant les tâches non spécifiques à un nouvel intervenant prend tout son sens. Apparaît ainsi un nouveau concept, peut-être un nouveau métier : l’assistant de pratique.

Ce n’est plus un secret, depuis quelques années, nous rencontrons une pénurie de médecins généralistes. Celle-ci se fait sentir différemment selon les régions et pour l’instant le milieu rural semble le plus touché. Actuellement, en Flandre un médecin généraliste soigne environ 800 patients ; dans nos maisons médicales, un médecin généraliste soigne plus ou moins 550 patients ; un médecin solo, un peu plus. Mais dans l’avenir ces chiffres risquent d’augmenter parce que le nombre de généralistes actifs va diminuer. Alors comment continuer à prendre en charge les problèmes aujourd’hui adressés aux généralistes ?

Aux Pays-Bas

Nous ne sommes pas les seuls à vivre cette pénurie, d’autres pays rencontrent des difficultés plus ou moins grandes non seulement à assurer la relève de la médecine mais aussi à maintenir des soins de qualité tout en garantissant une qualité de vie acceptable aux médecins généralistes. Les Pays-Bas, par exemple, ont été touchés très tôt par ce phénomène. Après avoir expérimenté diverses solutions à court terme, ils ont réfléchi sur le long terme et imaginé une autre manière de répartir les tâches entre professionnels. L’objectif étant de (re)centrer le médecin généraliste sur sa fonction principale, une série de tâches pouvant être déléguées ont été identifiées et sont maintenant réalisées par un « assistant de pratique ». Ces différentes tâches sont soit d’ordre administratif (suivi des dossiers médicaux, archivage, accueil des patients, facturation, gestion du personnel, gestion des ressources…) soit d’ordre médical (réalisation de frottis, ablation de verrues, prise de tension, mesure du poids…). Pour être assistant de pratique une formation spécifique est bien sûr nécessaire.

En Belgique

En Belgique, au moment où sortait la loi sur Impulseo 2 en 20081, plusieurs partenaires néerlandophones réfléchissaient à la possibilité d’étendre la fonction administrative en partie subsidiée à des compétences médicales, un peu sur le principe des Pays-Bas mais en tenant compte de notre paysage. Ils ont ainsi développé un profil spécifique avec le souhait d’obtenir une reconnaissance pour cette nouvelle fonction. Plusieurs médecins généralistes du Nord du pays ont été interpellés à propos de ce projet. Pour la moitié de ces médecins, issus de différentes pratiques (solo, duo, pratique de groupe ou maison médicale), l’assistant de pratique serait un soutien intéressant pour leur travail. Ils ne désirent pas une pratique identique à la Hollande mais plutôt adaptée au contexte Belge. L’objectif principal serait tout de même similaire : l’amélioration de la qualité de travail du médecin généraliste, l’augmentation de la motivation et la satisfaction à l’emploi tout en ayant une efficacité accrue. D’après les conclusions d’une enquête réalisée auprès des 68 médecins à Bruxelles, cette fonction serait hybride : elle devrait intégrer des compétences administratives, telles que, entre autres, la gestion des dossiers médicaux et des rendez-vous, et des compétences d’accueil, par exemple la capacité d’analyser la demande d’aide du patient pour pouvoir le diriger vers le médecin ou vers d’autres instances de soins. Etant donné qu’aucune formation spécifique en ce sens n’existe en Belgique, un projet pilote est en cours de réalisation à Bruxelles2. Il propose une formation en trois volets avec, à la clé, un engagement. Il y a un volet administratif, un volet paramédical (éthique, système de soins de santé, matériel médical du médecin et son utilisation, secourisme, hygiène, et surtout la communication avec les patients et le médecin) et un volet de formation individuelle, impliquant un stage pratique où la personne travaille pour un médecin généraliste ou un regroupement quel qu’il soit. Repenser la répartition des tâches La pénurie de généralistes belges peut être considérée comme une opportunité pour ré échir à la répartition des tâches et des missions entre professionnels de première ligne. Cette répartition devrait être pensée dans un souci de subsidiarité au service de la qualité des soins, subsidiarité qui est loin d’être toujours pris en compte (dans notre système tel qu’il est construit, trop souvent les soins ne sont pas dispensés par l’intervenant du niveau le plus adéquat) alors que les problèmes de santé rencontrés sont de plus en plus chroniques et complexes. L’assistant de pratique permettrait aux médecins généralistes de soigner davantage de patients et d’améliorer leur qualité de travail. Soit. Mais peut-être qu’avant de se lancer dans la création de cette nouvelle fonction, d’autres pistes seraient à explorer à partir des fonctions déjà existantes et en particulier dans nos centres pluridisciplinaires. Nous pourrions très bien imaginer qu’une in rmière prenne en charge diverses fonctions de suivi, d’accompagnement, d’éducation de personnes atteintes de pathologies chroniques, par exemple. Et d’autres missions encore, actuellement réalisées par les généralistes pourraient être prises en compte, ce qui contribuerait à revaloriser cette fonction, aujourd’hui aussi en pénurie. De même, certaines des tâches prévues pour l’assistant de pratique nous semblent déjà faire partie des fonctions remplies par l’accueil dans les maisons médicales. Peut-être que cela ne suffirait pas. Que la fonction d’assistant de pratique resterait pertinente. Que l’évolution des missions et tâches à remplir nécessite une fonction nouvelle, complémentaire aux professionnels existants. A la Fédération des maisons médicales, nous prévoyons de nous poser cette question en groupe pluridisciplinaire, pour ce qui concerne spécifiquement nos centres de santé déjà pluridisciplinaires. Nous échangerons aussi sur la question avec nos collègues néerlandophones pour enrichir le débat que nous pourrons également nourrir des réflexions d’autres secteurs qui sont aussi créatifs pour faire face à la pénurie de médecins et infirmiers (Office de la naissance et de l’enfance – ONE, planning familial, centre de santé mentale).

Documents joints

  1. Le Fonds d’Impulsion pour la médecine générale intervient dans une partie des coûts salariaux de l’employé(e) qui assiste un regroupement de médecins généralistes dans l’accueil et/ ou la gestion de la pratique et ce pour autant que certaines conditions soient respectées http://www. inami.fgov.be/care/ fr/doctors/specificinformation/ impulseo/ index_impulseoii.htm
  2. http ://www. zorgzoeker.be/Cms. aspx ?id=211

Cet article est paru dans la revue:

Santé conjuguée, n° 55 - janvier 2011

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