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De l’impossible au possible…

Ce chapitre évoque quelques initiatives qui ont fait preuve de créativité devant l’impasse, des réponses collectives que certaines institutions, membres de la Plateforme, ont apportées à ces situations impossibles rencontrées au jour le jour sur le terrain.

Projet « Divorce en terre d’exil »

A côté de ses activités « classiques » de planning familial, un Centre mène un travail de santé communautaire dans son quartier.

Le constat de départ porte sur des situations de non-droits et de non-choix que vivent beaucoup de femmes du quartier. Il s’agit de violences conjugales, d’isolement complet, de précarité financière. Certaines expriment de la colère par rapport aux injustices qu’elles subissent.

Le projet « Divorce en terre d’exil » vise à accompagner ces femmes vers l’émancipation.

L’idée est de regrouper ces femmes, de les outiller pour leur permettre de s’exprimer et de revendiquer. L’objectif est qu’elles puissent elles-mêmes dénoncer ces situations d’injustice.

Des subsides de la Fondation Roi Baudouin ont permis d’organiser ce groupe de femmes, de prendre en charge leurs enfants (ce qui va leur permettre de sortir de chez elles) et d’organiser un groupe de professionnels qui s’engagent institutionnellement à dénoncer ce qui dysfonctionne.

La parole de ces femmes sera ainsi portée.

Ce projet soutient du « Ensemble » entre professionnels, entre femmes, entre professionnels et femmes. Il y a fort à parier que le « mettons-nous ensemble » des professionnels aura un effet sur les femmes.

Pour défendre l’idée qu’on peut être étranger et avoir des droits, ce même planning et ses partenaires développent d’autres projets qui renforcent l’émancipation et l’autonomie des personnes, qui permettent de faire valoir sa place en tant que citoyen, qui questionnent sa propre culture et celle de l’autre.

La technique d’animation utilisée s’intitule « Dire le juste et l’injuste ». Cette technique a été développée par Majo Hansotte à partir de son concept des « intelligences citoyennes ».
Au départ de situations d’injustices individuelles énoncées par les participants, le groupe choisit un récit d’injustice qui lui est commun afin de pouvoir le porter sur l’espace public en mettant en place un outil de sensibilisation. Cela peut aller de la création d’affiches en passant par une saynète théâtrale ou une action de sensibilisation sur un lieu public. Tout est décidé par les participants qui sont moteurs de l’action.

A ce jour, deux actions ont été développées :

Une exposition autour de la place de la femme dans notre société. Faite de photos et de témoignages, cette exposition a été animée par les participantes auprès d’un public scolaire et non scolaire avec le soutien de la Fondation Roi Baudouin. Ces rencontres ont permis de questionner, d’échanger et de faire connaître des réalités souvent éloignées du grand public. Elles ont eu un effet de reconnaissance chez les participants du projet qui se sont sentis compris et reconnus.

Un roman-photo au départ de scènes théâtrales jouées par le groupe. Ce dernier met en avant le parcours de vie d’un demandeur d’asile. De l’éducation en tant qu’homme ou femme, en passant par le mariage, la fuite de son pays, l’arrivé en Belgique, l’éducation des enfants et le parcours d’asile. Il a été imprimé et diffusé dans les écoles, auprès des avocats et du pouvoir judiciaire.

Il est donc important de dire aux usagers l’importance du lien que le professionnel crée avec d’autres professionnels. « Moi aussi devant certaines situations je me sens seul et donc je m’associe à d’autres professionnels pour partager mes difficultés professionnelles et trouver des pistes de solution ou rédiger des recommandations ».


Il est primordial de faire du lien entre professionnels malgré les réseaux confessionnels. Il est important de passer de l’individuel au collectif et du collectif au travail en réseau ainsi que de dire quelque chose aux usagers de ce travail en réseau.

Le travail de prévention auprès des personnes prostituées

Une association a mis sur pied un programme de vaccination de l’hépatite B et de dépistage du cancer du col de l’utérus destiné aux personnes prostituées.

Pour mener à bien ce programme, il était nécessaire de compter sur une équipe mixte, composée d’un médecin et d’un travailleur social, qui vont à la rencontre des personnes prostituées. Ce programme, à la fois médical, psycho-social et préventif touche plusieurs compétences ministérielles. Pour qu’un co-financement soit possible, il fallait donc faire connaître les différents aspects de la problématique. Une première solution fut trouvée lorsqu’une oreille attentive de la Région wallonne proposa un partenariat avec les maisons médicales. Le programme put alors bénéficier de moyens humains grâce à la collaboration de médecins de maisons médicales.

Mais financièrement, le programme restait précaire. Les homologues flamands, ont alors proposés d’adresser une demande commune à l’INAMI. Ce fut l’étonnement du côté francophone où l’on n’avait jamais osé imaginer frapper à la porte du fédéral.
Contre toutes attentes, toutes les prestations médicales, les analyses en laboratoire et les dépistages ont été pris en charge par l’INAMI.
Cet accord assurait la sécurité du programme et une belle reconnaissance du travail mené.
Actuellement, une seule inquiétude demeure : le programme est considéré par l’INAMI comme une recherche-action qui devra donc être évaluée. Si les critères d’évaluation de l’INAMI ne sont pas rencontrés, le projet pourrait s’arrêter.
Or, l’INAMI paie les médecins à l’acte et non à l’heure. Mais le travail de terrain demande du temps : trouver les prostituées, prendre le temps d’échanger, d’écouter, d’informer, d’éduquer à la citoyenneté et à la santé, … Il va donc falloir valoriser l’ensemble de ce travail qui a priori n’est pas reconnu par l’INAMI. Pour ce faire, les travailleurs ont créé une fiche qui permet un encodage plus large qu’uniquement l’acte médical. Cette fiche devrait permettre de rendre compte de tout le travail psycho-social qui est mené.


De l’impossible au possible…

Au départ de ce projet, il y a de l’impossible. Mais cette aventure illustre qu’en se laissant bousculer dans son identité (l’image que j’ai de mon travail) et dans ses représentations (l’image que j’ai de l’INAMI) le possible apparaît.

Il est intéressant que le travail de terrain se conjugue avec le travail « politique » à condition de valoriser la pertinence de ce type de collaboration.
Le travailleur social est « le nez dans le guidon »
souvent pris par l’urgence.
L’exemple apporté nous conforte dans cette logique puisqu’elle nous montre qu’il n’y a eu « du possible » dans ce projet que lorsque les travailleurs ont accepté de « lever le nez du guidon ».

Il est possible de faire bouger les représentations des pouvoirs subsidiants. Il est donc intéressant de donner de la visibilité à l’évaluation, de valoriser nos pratiques, de rendre compte de ce qu’on fait, ce qui est différent de rendre des comptes. Rendre compte permet d’échapper à la logique de justification pour entrer dans une logique de valorisation du travail. Une question se pose alors : comment inscrire cette logique au cœur de notre travail ?

Comment pouvons-nous amener de la mixité au sein de notre travail et comment la cultiver ?
Par essence, le travail qui est le nôtre touche le social, le médical, la prévention, l’éducation, le logement, … il n’a donc pas beaucoup de sens si nous tentons de le mener seul.

Cet article est paru dans la revue:

Santé conjuguée, n° 71 - juillet 2015

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Ce dossier spécial inaugure une nouvelle formule : dorénavant, Santé conjuguée confiera une fois par an les clés de la maison à un invité désireux de partager sa réflexion, son projet. Nous souhaitons ainsi participer à(…)

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Conclusion : L’honneur de s’inquiéter !

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