Les maisons médicales forfaitaires, « au cœur de ce qu’est notre système de sécurité sociale »
Woluwe-Saint-Pierre aura bientôt sa toute première maison médicale. De quoi combler un manque dans ce quartier plutôt aisé à l’est de la capitale. A partir de l’automne prochain, ce centre de santé fonctionnera au forfait. Un système qui permet aux patients de ne rien débourser lors de leurs visites, à condition de ne pas consulter ailleurs. Explications dans ce sujet, ci-dessous en intégralité, diffusé en radio et sur le site de la RTBF.
Une trentaine de personnes, principalement des employés de la société immobilière de service public en bord de soignes, sont venues assister à la visite de la première maison médicale de Woluwe-Saint-Pierre ce mercredi matin. Parmi eux, le directeur Aziz Sopi est tout sourire : « On a pu offrir à des médecins un lieu pour créer la première maison médicale au forfait à Woluwe-Saint-Lambert ». Sur le site de la cité de l’amitié, un complexe de 400 logements sociaux, c’est un ancien bâtiment trop compliqué à rénover qui a été rafraîchi afin d’accueillir cette maison médicale. Pour Aziz Sopi, c’est une façon de combler un vide pour les publics précaires de Woluwe-Saint-Pierre : « A ce jour, les habitants ici sont obligés d’aller jusqu’à Woluwe-Saint-Lambert pour avoir un médecin le plus proche, ce qui est embêtant ». Pour ce directeur, il s’agissait avant tout de rendre accessible une offre médicale à des publics précaires. Des publics qui sont parfois invisibles dans une commune réputée cossue à l’est de Bruxelles. Le directeur du CPAS, Arnaud Boucquey parle, lui, d’une « pauvreté cachée » à Woluwe-Saint-Pierre.
Le système parfois méconnu des maisons médicales forfaitaires
Dans un premier temps, la maison médicale fonctionnera sur le principe du « tiers payant » : le patient ne paie que la différence entre le prix de la maison médicale pour une consultation et ce qui est remboursé par sa mutuelle. Mais d’ici quelques mois, la maison médicale passera sur un mode tarifaire. Une façon de rendre les soins plus accessibles en supprimant les dépenses directes pour le patient. Mais qu’est-ce que ce système « forfaitaire » ? Pour mieux comprendre, nous nous rendons à l’asbl Asaso, une maison médicale de l’autre côté de la ville, à Saint-Gilles. Ici, on utilise ce système depuis les débuts de la maison médicale.
C’est un contrat entre le patient, la maison médicale et la mutuelle.
Pascaline D’Otreppe, médecin généraliste à Asaso, explique le système forfaitaire : « C’est un contrat entre le patient, la maison médicale et la mutuelle. Le patient va s’engager à venir pour ses soins de médecine générale, d’infirmière et de kinésithérapie à la maison médicale. La maison médicale va s’engager à lui fournir ces soins-là quand il en a besoin. Et la mutuelle va nous payer un forfait tous les mois, que le patient vienne ou ne vienne pas. » Ce système né dans les années 80 permet en fait de financer les maisons médicales directement par les mutualités plutôt que de passer par le portefeuille du patient et un remboursement par la mutuelle après-coup. Pour les maisons médicales, cela permet de ne pas dépendre de sa productivité et du nombre d’actes médicaux réalisés, mais plutôt du profil des patients. Ceux-ci sont d’ailleurs analysés tous les 6 mois afin d’établir l’enveloppe qui sera allouée à leur maison médicale. Pour Asaso, un patient coûte 44€ par mois.
Sans la relation financière, un suivi plus apaisé entre patients et médecins
Mais pour le patient, le résultat principal est que les consultations ne débouchent plus sur un paiement. Pour Audrey, qui est venue vacciner son fils ce mercredi, la disparition de l’argent est un point positif : « Le fait de pas devoir sortir d’argent […] On va venir plus régulièrement, on va avoir plus le réflexe de venir chez le médecin, de voir ce qui se passe ou de demander un rendez-vous. »
Pour la médecin généraliste, Pascaline D’Otreppe, enlever le poids financier des consultations permet souvent un meilleur suivi : « Ça va me permettre de […] revoir le patient 3 jours après sans que je me dise ‘Zut ! Il ne va pas venir parce qu’il ne va pas pouvoir avancer la consultation’ ».
Le Docteur D’Otreppe, qui est aussi engagée au sein de la fédération des maisons médicales, parle également d’une « solidarité » qui se crée entre les patients qui viennent, et ceux qui ne viennent pas. « Un système qui nous ramène au cœur de ce qu’est notre système de sécurité sociale ». Et ce système de solidarité, il permet surtout aux personnes précaires d’avoir accès à des soins tout en économisant quelques euros. A Bruxelles, 20% de la population utilise le système forfaitaire, contre seulement 3% en Flandre, et 5% au total en Belgique.
Auteur : Article et photo par Milan Berckmans