Fraude dans les maisons médicales : son contrôle est soutenu par notre Fédération
Le 13 avril dernier, l’Inami publiait son Plan d’action en matière de contrôle des soins de santé 2024-2026. Dans son point «Mesures relatives aux maisons médicales», ce rapport pointe notamment les stratégies de certaines maisons médicales en matière d’inscription et de désinscription des patients sans leur consentement, et donc le risque de sélection des patients selon leur profil et leurs pathologies, les situations les plus lourdes étant considérées comme moins «rentables». Il met aussi en avant la tendance de certaines maisons médicales «à se comporter de plus en plus comme des établissements commerciaux» (fusions, multipropriétaires, statuts qui visent d’autres objectifs que la prestation de soins, etc.). Ces problématiques ont aussi, à plusieurs reprises, fait l’objet d’articles dans la presse généraliste et spécialisée.
La Fédération des maisons médicales et des collectifs de santé francophone, fédération majoritaire du secteur qui regroupe 135 maisons médicales à Bruxelles et en Wallonie, tient à revenir sur ces éléments.
Les maisons médicales de notre Fédération dispensent, depuis plus de cinquante ans, des soins de première ligne de qualité, accessibles, continus, globaux et intégrés. Concrètement, elles accueillent aujourd’hui près de 300.000 patients, parmi lesquels les personnes les plus exclues du système de santé : la moitié des patients de nos maisons médicales ont un statut BIM (bénéficiaires de l’intervention majorée, à savoir des bénéficiaires du revenu d’intégration sociale, de la GRAPA, des chômeurs longue durée, des ménages avec un faible revenu, etc.), contre un quart de patients BIM en moyenne en médecine générale. Contrairement à beaucoup d’institutions de soins financées par l’INAMI (comme les hôpitaux ou la médecine libérale), nos maisons médicales font l’objet de contrôles rigoureux via les rapports financiers annuels qu’elles doivent rendre à l’INAMI. Elles sont plus contrôlées et contrôlables que les autres secteurs parce qu’elles jouent le jeu de l’efficience pour que l’argent public qui transite par elles puissent être utilisé à bon escient.
La Fédération s’inquiète néanmoins des risques de commercialisation et de sélection des patients dans les soins de santé de première ligne, notamment dans le cadre du financement forfaitaire. A l’instar de ce qui a pu se produire dans le secteur des maisons de repos où l’on a vu se développer une vaste offre commerciale privée au détriment de l’accessibilité et de la qualité de la prise en charge des personnes, nous sommes préoccupés par l’importance grandissante des structures forfaitaires à visée commerciale dans divers territoires. Des critères qui régissent l’accès à ce mode de financement doivent être établis afin de garantir la qualité des soins pour toutes et tous dans une logique non lucrative. Nous sommes d’ailleurs demandeurs d’un cadre légal à ce sujet. Sous cette législature, un projet de loi a été rédigé en concertation avec les fédérations du secteur, les mutuelles, l’INAMI et le cabinet du ministre de la Santé Frank Vandenbroucke pour assurer une meilleure régulation de la qualité en maison médicale, mais la majorité gouvernementale n’y a donné aucune suite.
Plus largement, nous observons aussi que la lutte contre la fraude visant les secteurs ou les personnes les plus vulnérables ne fait que s’intensifier ces dernières années (lutte contre la fraude sociale par ex.). Cette montée en puissance se traduit par l’extension des modalités de contrôle, qui supposent un investissement non négligeable en ressources financières et humaines, mais aussi une augmentation du travail administratif pour les structures de soins de première ligne. Or, nous ne pouvons que constater que les efforts en matière de lutte contre la fraude ne sont pas toujours déployés avec le même zèle selon le type de fraude dont il s’agit, certaines d’entre elles bénéficiant d’une approche plus complaisante que d’autres.
En 2022, le nombre de dossiers de fraude clôturés par l’Inami était de 81, et le montant de ces fraudes de 6,9 millions d’euros (3,1 millions d’euros en 2021) pour l’ensemble des soins de santé. Le budget «forfait» des maisons médicales (329.992 millions en 2024) ne représentant qu’une infime partie du budget des soins de santé (42.743 milliards en 2024), l’impact financier des mesures anti-fraudes les visant n’aura dès lors qu’un impact négligeable, alors que la grande majorité des maisons médicales au forfait réalise, au quotidien, un travail de qualité, notamment à l’attention des publics les plus vulnérables. Plusieurs études (Agence intermutualiste, KCE) attestent d’ailleurs de la qualité et de l’accessibilité des soins dans les pratiques pluridisciplinaires au forfait, un modèle vertueux qui permet de faire des économies non négligeables dans les soins de seconde ligne (comme les urgences hospitalières par exemple) parce que les patients y sont pris en charge de façon préventive.
A titre de comparaison, les dépenses brutes de l’assurance soins de santé obligatoire en matière de médicaments s’élevaient, en 2022, à 6,5 milliards d’euros, dont 2,36 milliards d’euros pour les médicaments sous contrat (chiffres provisoires de l’Inami), pour lesquels le manque de transparence rend difficile l’évaluation de l’efficacité au regard de leurs coûts.
En conclusion, la fraude dans le secteur des maisons médicales reste marginale et son contrôle est soutenu par notre fédération. Toutefois, nous encourageons les acteurs médiatiques et politiques à assurer un traitement équitable de mise en visibilité et de contrôle des fraudes commises dans les différents secteurs du système de soins de santé. Sans quoi, la face invisible de l’iceberg des dépenses de santé publique à des fins commerciales risquerait de s’élargir.