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Depuis leur création dans les années 70, les maisons médicales ont développé un modèle de soins global. Mais l’est-il encore suffisamment ? De nouvelles initiatives voient le jour, qualifiées de centres globaux ou encore de centres santé-social intégrés tant les problèmes qu’ils visent sont complexes et largement influencés par le contexte psychosocial de certains patients.

Au-delà des centres

Les acteurs de terrain tentent depuis longtemps de multiplier les connexions entre le champ de la santé et le champ du social. À leur initiative ou à celle des pouvoirs publics, ces connexions sont partielles, souvent insatisfaisantes. Comme si les conditions de la globalité n’étaient pas encore suffisamment réunies, comme s’il fallait poursuivre davantage encore la réflexion. La création de structures comme ASSOSS, l’asbl qui fédère des organisations de ces secteurs pour stimuler des synergies, ou l’Interfédération de l’ambulatoire (IFA) à Bruxelles, qui rassemble les acteurs dans des groupes de travail, ne sont-elles pas d’autres tentatives de réponse à ces insatisfactions ?

L’enjeu de globalité dépasse les murs des centres de santé, eux-mêmes intégrés dans de plus vastes réseaux d’intervenants. Quels sont les facteurs qui pèsent sur leur organisation autour des besoins des patients ? Au cœur du système de soins, les médecins généralistes jouent un rôle central. Leurs expériences de collaboration avec le secteur social permettent d’identifier des difficultés et des pistes. Le rôle du politique est tout aussi déterminant dans la manière dont le système de santé va s’organiser. En créant actuellement les conditions de l’inégalité d’accès aux soins de santé et de l’insécurité des acteurs du système de soins, ne vogue-t-il pas à contre-courant ? Comment se doter d’une politique de santé ambitieuse pour la population dans le contexte institutionnel actuel ? L’autre question qui s’impose est celle des mécanismes de financement des soins de santé : sont-ils encore adéquats ?

Ces réflexions ne sont pas neuves, certes. Mais la médecine a beaucoup évolué. Au début du siècle passé, le médecin était un savant possédant les savoirs utiles à traiter les maladies ; grâce à la science et à la technologie, le modèle de santé biomédical était né. Avec la redéfinition de la santé par l’OMS en 1946, celle-ci est devenue plus globale, et la promotion de la santé définie en 1984 accentue davantage cette tendance, ouvrant la voie vers des modèles encore plus globaux. Mais quand on est soignant, quelle conscience a-t-on du modèle dans lequel on travaille ? Et quel impact a-t-il sur la pratique ? Le médecin ne peut plus se contenter d’agir pour éradiquer une maladie, mais pour le bien-être des personnes sur le plan physique, psychique, social. Un défi impossible à relever seul. Si les acteurs professionnels doivent être associés à une telle réflexion, le regard des patients est aussi essentiel. Alliant leur expérience singulière et une compréhension du système de soins, ils éclairent d’un autre angle les contours d’un centre de santé global.

S’inspirer pour transformer

La définition de l’OMS a largement influencé la pratique du soin en maison médicale : travail à plusieurs, collaborations entre médecins et infirmières, puis entre médecins et kinés, puis entre soignants et travailleurs psychosociaux. La structure d’une équipe de maison médicale n’a cessé de se réinventer pour répondre aux défis de la globalité de la santé. Peut-on aller plus loin encore ? En Wallonie comme à Bruxelles, certaines équipes ont choisi d’élargir le modèle du centre de santé intégré, parfois depuis longtemps. Pour le secteur de la santé mentale, la globalité est également un enjeu incontournable. Ici aussi des expériences rassemblent des acteurs de terrain pour analyser dans une logique bottom-up les conditions d’intégration des interventions et penser ensemble les conditions de collaboration entre les services. Plus loin de nous, au Québec, le système de soins basé sur les centres locaux de services communautaires a connu plusieurs réformes visant une intégration à très grande échelle. Que nous apprend cette expérience des forces et limites de l’intégration des services ?

Les mots traduisent les évolutions du contexte. Certains termes sont de plus en plus utilisés, parfois au détriment d’autres : problèmes de santé plutôt que maladies (la perception de la santé a-t-elle réellement changé ?). On parle de comorbidités liées à l’allongement de la vie et de maladies chroniques. Les fonctions de soin se transforment, d’autres se créent. On parle de case-manager… Reconnue sur le plan scientifique – et même politique –, la prise en charge conjointe rencontre l’intérêt des soignants. N’est-ce pas le moment opportun pour transformer profondément le système de soins pour qu’il remplisse au mieux sa fonction pour l’ensemble de la population ?

Le sujet est pleinement d’actualité. Avec ce dossier de Santé conjuguée d’une part, mais également celui publié par la revue l’Observatoire (« Quel travail social dans les secteurs de la santé ? ») et par le Centre bruxellois de coordination sociopolitique (« Réorganiser le social-
santé à Bruxelles »). Ce n’est certainement pas un hasard.

Cet article est paru dans la revue:

Santé conjuguée, n°85 - décembre 2018

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