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Introduction n°97


Santé conjuguée

Les chiffres sont implacables : en 2018, près d’un Belge sur trois âgé de plus de 15 ans souffrait d’une maladie chronique. Une proportion qui grimpe à 44 % chez les plus de 75 ans.

Trop souvent, la responsabilité de tomber malade est reportée sur les individus. Les messages récurrents de prévention tels que « Mangez équilibré », « Faites de l’exercice » ou « Arrêtez de fumer » se focalisent d’ailleurs sur les modes de vie personnels. C’est compter sans l’importance des déterminants non médicaux de la santé : le niveau de revenu et le statut social, les réseaux de soutien social, l’éducation et l’alphabétisme, l’emploi et les conditions de travail, l’environnement social et l’environnement physique, le développement de la petite enfance, le sexe, la culture.

Ainsi, le risque de tomber malade est-il lié aux conditions socioéconomiques dans lesquelles nous nous trouvons et nous observons sans surprise un gradient social dans l’apparition des maladies chroniques : plus un individu occupe une position socioéconomique défavorable, plus il est en mauvaise santé. Pénibilité du travail, habitat précaire, salaire médiocre… Quelle responsabilité porte le politique ? La société n’est-elle pas elle-même imputable en accordant une valeur moindre à la vie de certains groupes sociaux ?

Comment agir ?

Au plus tôt et au plus vite bien entendu, mais aussi au plus près de la population. Les politiques, que ce soit au niveau local, régional ou fédéral ont un rôle essentiel à jouer en amont de la maladie en travaillant directement sur les déterminants de la santé tels que l’accessibilité pour tous à des produits alimentaires sains, sur le développement d’environnements agréables et où l’on se sent en sécurité, sur le développement d’environnements favorables à l’activité physique et à l’enrichissement de réseaux de soutien communautaire. En amont également en agissant sur les conditions de travail, sur l’accessibilité à un enseignement de qualité, à des logements sains et à des conditions économiques favorables pour tous.

La « Santé dans toutes les politiques », approche intersectorielle des politiques publiques prônée par l’Organisation mondiale de la santé depuis 2013, met en lumière le lien entre ces déterminants sociaux et la santé. Elle tient compte systématiquement des conséquences sanitaires des décisions, recherche des synergies et évite les conséquences néfastes pour la santé afin d’améliorer la santé de la population et l’équité en santé. Petit à petit, cette approche fait sa place. Des associations travaillent à l’échelle des quartiers, avec les habitants, sur des projets de type communautaire permettant à la fois de multiplier les ressources locales et d’agir sur certains aspects de leur mode de vie. Avec le diabète par exemple, soupçonné de concerner jusqu’à une personne sur dix dans certaines régions du pays, cette mobilisation permet d’améliorer la qualité de l’alimentation, de stimuler les activités physiques et, sinon d’éviter complètement la maladie, d’assurer un suivi adapté des patients qui en souffrent. À l’échelle du pays, le projet pilote « Integreo » soutient une douzaine d’initiatives visant aussi – et sur de plus larges territoires – à améliorer le bien-être des patients souffrant de maladies chroniques tout en encourageant les partenariats entre professionnels de l’aide et des soins.

Des choix structurels

Les politiques devraient garantir le financement durable de telles d’initiatives, mais également les conditions permettant aux professionnels eux-mêmes de se former davantage, disposer du temps indispensable pour apporter une écoute de qualité à leurs patients et rencontrer d’autres professionnels, croiser les disciplines et ainsi pouvoir assurer des soins de santé intégrés.

Considérer aussi le patient comme acteur de sa santé et de la gestion de sa maladie sans toutefois en reporter sur lui seul la responsabilité. Ce n’est pas pour rien que les termes de patient partenaire nous parviennent si souvent aux oreilles, un partenaire dans la décision, un partenaire dans le parcours et dans la gestion de ses soins au même titre que l’ensemble des professionnels médicaux et sociaux qui l’entourent, au même titre que les membres de sa sphère privée. En effet, l’interdisciplinarité les concerne tous, avec comme compétence centrale l’écoute, une écoute sans jugement. C’est l’une des premières attentes des patients vis-à-vis des professionnels. Quand la maladie se découvre et qu’ils apprennent à vivre avec elle, cette écoute est essentielle à leur soutien. Il s’agit pour les patients de pouvoir exprimer ce qu’ils traversent, mais également pour le personnel soignant de tenir compte de leur vécu de la maladie. À tous les niveaux, chaque intervenant – patient, professionnel, collectif, politique, enseignant – dispose de leviers à mobiliser. Si cette mobilisation est concertée, elle peut soulever des montagnes.

Cet article est paru dans la revue:

Santé conjuguée,