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Le monde médical change. On pense d’emblée aux avancées technologiques et à l’amélioration des traitements… Ce n’est pas tout. La relation entre les soignants et les soignés évolue également. Elle est moins empreinte du paternalisme d’antan, la position des professionnels de la santé est moins surplombante et la place des patients devient visiblement de plus en plus active. Ces dernières années, il était déjà question de « participation », de « décision partagée », d’ « empowerment »… Aujourd’hui on entend régulièrement parler de « partenariat », de « patient partenaire de ses propres soins ». Une nouvelle mode ? Une évolution ? Une révolution ? Plutôt une nouvelle stratégie de soins, que l’on peut définir comme « la coopération entre patients et professionnels de santé s’engageant consciemment dans un dialogue délibératif en vue d’une compréhension partagée de la situation de santé qui les rassemble, afin de construire un objectif commun dans une dynamique de coapprentissage et de partage de responsabilités et de pouvoir au sein d’une relation équilibrée »1.

La troisième voie

Le partenariat patient s’inscrit dans la droite ligne de la déclaration d’Alma Ata, en 1978 : « Tout être humain a le droit et le devoir de participer individuellement et collectivement à la planification et à la mise en œuvre des soins de santé qui lui sont destinés. » Depuis quelque temps aussi, l’evidence-based medicine est sur toute les lèvres et elle est souvent décriée pour sa déshumanisation des soins. Elle est pourtant fondée sur trois piliers : les faits probants issus de la recherche scientifique, l’expérience clinique du praticien… et les valeurs et préférences du patient. Voici ces dernières enfin valorisées ? Le partenariat patient est un modèle qui vient du Canada. L’Université libre de Bruxelles joue un rôle clé dans son essor actuel en Belgique et en Europe en en définissant un cadre et des repères. Car l’idée traverse actuellement toutes les métiers de la santé, physique ou mentale : des infirmiers se forment, des kinésithérapeutes, des psychologues, des médecins généralistes et spécialistes, mais aussi des médiateurs, des gestionnaires ou encore des aidants proches. Le modèle fait son chemin dans des hôpitaux, dans des maisons médicales, en équipe ou dans le colloque singulier d’un cabinet. Partout, pourrait-on dire, où un patient en exprime le désir. Et de cette condition initiale, une autre est la corollaire : l’information. La rendre accessible et compréhensible (ce qui n’est pas la même chose) contribue à réduire les inégalités sociales en santé.

Comment faire ?

Et en pratique, comment est-ce que cela se passe ? Qui sont ces patients partenaires ? Qu’attend-on d’eux ? Et moi, puis-je en devenir un ? De part et d’autre, des qualités sont requises. Du soigné, on attend qu’il ait une expérience de vie avec la maladie, qu’il sache se distancier de sa situation personnelle, qu’il soit disposé et motivé pour améliorer les services de soins, qu’il travaille de manière constructive avec les professionnels de la santé. De leur côté, ceux-ci doivent créer les conditions de ce partenariat, en respectant notamment le choix du patient. Sans que l’un ne se substitue à l’autre, bien entendu, chacun disposant de ses ressources propres. Des retombées à plusieurs niveaux Un meilleur suivi des traitements et une réduction des coûts (entre autres par un recours moins fréquent à des consultations d’urgence) sont des effets déjà observés de cette transition. Au-delà des bénéfices que chacun peut en retirer personnellement dans son parcours de soins, devenir un patient partenaire contribue également à l’amélioration du système de santé, voire de l’enseignement et de la recherche. Le partenariat patient est une piste collaborative innovante pour répondre aux défis de santé dont chaque soignant doit pouvoir s’inspirer. Attention toutefois, les enjeux sont aussi éthiques et politiques. La limite est ténue entre partage de pouvoir démocratique et déresponsabilisation des soignants, du système de santé ou de la société au profit d’une logique individuelle ou de consommation. Une attention particulière est donc de mise afin d’atteindre un mode de fonctionnement durable, équitable et solidaire.

Documents joints

  1. Voir article p. 14.

Cet article est paru dans la revue:

Santé conjuguée, n°88 - septembre 2019

Santé numérique et promesse d’autonomisation du patient

Dans le domaine de la santé numérique, les promesses sont nombreuses. Parmi celles-ci, une «autonomisation» du patient est souvent mise en avant. Grâce aux technologies numériques, ce dernier deviendrait plus participatif, plus informé, plus acteur, jusqu’à(…)

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Le partenariat patient au quotidien

Partage de pouvoir démocratique ou responsabilisation du patient à outrance, intégration ou déshumanisation, intérêt collectif ou consumérisme individuel… on l’a vu, les enjeux et les outils de la participation des patients dans le système de soin(…)

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Le patient partenaire assassinera-t-il l’autogestion ?

Quels sont les enjeux politiques de l’appel à la figure du «patient partenaire»? En se focalisant sur l’autonomie individuelle du patient, que fait-elle à l’autonomie collective des travailleurs, notamment en maisons médicales ?

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Des centres de santé primaires plus simples et plus clairs

À la maison médicale Saint-Léonard démarre un projet de recherche-action participative pour mieux tenir compte du niveau de littératie en santé des usagers. Il a le soutien du Fonds Dr Daniël De Coninck (Fondation Roi Baudouin).

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Partage d’expérience

La maison médicale La Passerelle monte un projet visant à améliorer les compétences et les ressources des patients et des soignants dans la prise en charge des douleurs. Une approche globale et pluridisciplinaire soutenue par la(…)

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Apprivoiser les situations complexes

Depuis un an, le département de médecine générale de l’UCLouvain organise un cours pour les assistants généralistes intitulé « L’approche de la promotion de la santé appliquée à la médecine générale. Comment débloquer des situations complexes(…)

- Emilie Dumontier, Hélène Dispas

Patients : les oubliés de l’EBM

Dès ses origines, le patient, ses préférences et ses valeurs intègrent l’evidence- based medicine (EBM). Mais pour beaucoup, la place qui lui est dévolue dans cette approche est insuffisante.

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Les usagers, maitres de leur santé

Le rôle de tous les « soignants » consiste à permettre au patient de devenir acteur de sa santé. Un terrain de choix : les pratiques en santé communautaire.

- Thierry Samain

De la participation au partenariat

Participation des patients hier, patient partenaire aujourd’hui. Et demain? Que nous apprend l’évolution de la terminologie sur la place et sur le rôle des patients dans le système de soins ?

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Le partenariat patient à l’hôpital

La philosophie du partenariat patient dans le pôle hospitalier de Jolimont a eu deux influences. D’une part les normes d’accréditation Canada basées sur une éva- luation externe par des experts canadiens de nos prestations de soins(…)

- Fatou Thiam

Le partenariat patient : une pratique collaborative innovante incluant le patient partenaire

Les progrès scientifiques, indiscutablement bénéfiques, génèrent aussi souffrance, plaintes et conflits. Le modèle biomédical, centré sur la maladie, et son corollaire, l’evidence based medicine, ont mené trop souvent à une déshumanisation des soins. Les patients dénoncent(…)

- André Néron, Dan Lecocq, Martine Laloux

Devenir le partenaire de ses soins

André Néron est le directeur du Bureau partenariat patient à l’ULB. Il retrace son parcours de patient, de patient partenaire et de partenaire du système de soins en Belgique, et au Québec dont il est originaire.

- André Néron

Introduction

Le monde médical change. On pense d’emblée aux avancées technologiques et à l’amélioration des traitements… Ce n’est pas tout. La relation entre les soignants et les soignés évolue également. Elle est moins empreinte du paternalisme d’antan,(…)

- Stéphanie Blockx

Les pages ’actualités’ du n°88

Marie-Hélène Ska : « Si la Sécu n’était pas là, qu’est-ce qui se passerait ? »

La secrétaire générale de la Confédération des syndicats chrétiens (CSC) rappelle quelques principes fondamentaux : la solidarité, l’accessibilité, le travail de terrain, la collectivité, la justice sociale.

- Marie-Hélène Ska

Fin de saison

Été 2019. Canicule. Les Belges ont voté il y a plus de trois mois. Le Gouvernement bruxellois vert-rouge-mauve a éclos, suivi quelques semaines plus tard par la déclaration politique wallonne de la coalition PS-MR-écolo. Celui de(…)

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La confiance

Ce thème est régulièrement évoqué dans nos réunions d’équipe. Il suscite des réactions diverses, mais qui vont rarement jusqu’aux racines des questions soulevées. Peut-être parce que si la confiance n’est pas absolue, c’est qu’il y a(…)

- Dr André Crismer

La responsabilité sociale des facultés de médecine

C’était le thème du premier congrès de Rabat en mars dernier. Le prochain aura lieu à Bruxelles en 2020.

- Michel Roland

L’IWEPS évalue les maisons médicales

Le Gouvernement wallon a adopté en septembre 2015 un plan de lutte contre la pauvreté (PLCP). Il en a confié l’évaluation à l’IWEPS, et notamment celle de la mesure 5.1.2 visant à développer les maisons médicales.(…)

- Clarisse Van Tichelen