Vers une vie sans tabac
La Maison Médicale organise un module de préparation à l’arrêt du tabac destiné à des groupes d’une dizaine de fumeurs. Le principe est d’encourager le participant et de l’accompagner dans son cheminement tout en évitant l’approche culpabilisante.
Point de départ
Le projet « Vers une vie sans tabac » a démarré il y a quelques années sur base de plusieurs éléments :
- Importance du tabagisme et de ses conséquences en santé publique.
- Demandes croissantes de la part des patients d’être accompagnés dans leur démarche d’aide à l’arrêt du tabac.
- Motivation de l’équipe pour ce thème.
A côté de l’aide individuelle proposée, l’équipe a décidé de développer plus particulièrement l’approche collective en offrant aux fumeurs un accompagnement sous forme de groupes de parole. Cette approche s’inscrit particulièrement bien dans les missions de prévention et de santé communautaire de la maison Médicale.
Au fil du temps, l’importance donnée à l’information des participants a diminué, laissant plus de place à la participation et l’interaction. Le travail de la motivation se fait en fonction de l’expérience de chaque participant.
Objectifs
Généraux
- Offrir aux participants un accompagnement leur permettant de cheminer dans leur réflexion par rapport au tabac en créant (avec l’aide du groupe ou lors de consultations individuelles) des conditions favorables à ce que chacun s’interroge sur sa consommation et évolue à son rythme vers une vie sans tabac.
- Favoriser une approche centrée sur la personne et non sur le produit. Aller vers une vie sans tabac est un moyen parmi d’autres d’améliorer son bien-être. Participer au groupe permet parfois de découvrir d’autres façons d’y parvenir (en dehors de l’arrêt pur et simple du tabac). La prise de conscience de ce qui permet d’améliorer sa santé au sens large est prioritaire.
- Tenter de sensibiliser plus particulièrement le public précarisé à notre projet. Réfléchir aux moyens de lui permettre d’accéder à l’information afin qu’il se sente concerné. Accompagner plus spécifiquement ces participants dans leur démarche si cela s’avère nécessaire.
Objectifs pour toucher les patients les plus précarisés
- Adaptation des messages d’information : plus d’images, moins de textes.
- Privilégier le contact en face à face pour informer les habitants de nos activités.
- Ne pas hésiter à recourir plutôt au téléphone qu’aux courriers.
- Adaptation du contenu des séances aux personnes plus précarisées : partir de l’expérience concrète et immédiate des participants, éviter les exposés théoriques, tenir compte du contexte des participants (difficultés sociales, autres addictions,...), éventuellement prendre le temps de reformuler les propos des autres participants s’ils sont difficilement accessibles...
- Formation spécifiques pour les animatrices à l’animation pour publics précarisés.
- Sensibilisation du patient lors des consultations ou contacts individuels avec les soignants (médecins généralistes, kinés, infirmière).
- Avant la campagne d’information, répertorier avec les soignants, les patients fumeurs à encourager particulièrement à participer au groupe.
Public visé
Ce projet s’adresse aux fumeurs (patients ou habitants du quartier) qui souhaitent mener une réflexion par rapport à leur consommation de tabac, à ceux qui souhaitent diminuer ou arrêter totalement de fumer.
Plusieurs communautés se côtoient et les niveaux socio-économiques sont extrêmement diversifiés. Nous souhaitons retrouver cette diversité, notamment au sein des groupes de paroles. Une attention particulière est portée aux personnes précarisées.
Place des participants dans le projet :
- Au niveau des séances elles-mêmes : l’expression des participants occupe une place centrale puisque le projet s’apparente à un groupe de parole.
- Au niveau de la définition et de l’organisation du projet :
Les participants prennent part à l’évaluation de chaque séance et donnent une appréciation plus complète à la fin du module.
Lors de la première rencontre, les attentes de chacun sont présentées au groupe. Ces attentes sont prises en compte et réévaluées en cours de route. Lors de la dernière séance, un bilan est réalisé avec les participants afin de savoir si leurs attentes ont été rencontrées.
Les participants peuvent choisir le thème d’une des séances mais ils ne participent pas à la conception du programme dans son ensemble.
Nous souhaitons orienter progressivement la démarche vers une participation de chacun à l’élaboration du projet dans plusieurs de ses étapes.
Contenu et déroulé de l’activité
1. Organisation d’une campagne d’affichage et d’information au sein de la Maison Médicale.
Toute l’équipe participe afin de susciter la réflexion chez les patients. L’information se fait via plusieurs moyens :
- En salle d’attente et à l’accueil : des affiches, des dépliants d’information ou d’autres outils d’animation en rapport avec le tabac sont mis en évidence. Le programme des activités de la maison médicale autour du tabac est affiché. Le patient peut obtenir des informations à l’accueil, échanger sur le tabac avec l’accueillante, s’inscrire aux activités...
- Dans les cabinets des médecins, de l’infirmière et des kinés ainsi que dans le bureau de l’assistante sociale, des affiches, des dépliants ou d’autres outils permettent également aux patients de s’exprimer spontanément sur le tabac.
- Des informations (article, témoignage de patient, programme des prochaines activités organisées,...) sont diffusées dans la publication trimestrielle de la maison médicale.
- Une attention toute particulière est portée à l’accessibilité de l’information aux publics plus fragilisés (il en est tenu compte dans la manière dont sont rédigés les affiches et les dépliants).
-
2. Diffusion de l’information en dehors de la Maison Médicale
Des dépliants et des affiches sont distribués dans les associations, les groupes d’habitants et les maisons médicales du quartier – utilisation du réseau communautaire.
3. Constitution d’un groupe de personnes désireuses de participer au groupe de parole.
Les personnes qui auront eu l’information et sont intéressées par l’approche en groupe, s’inscrivent auprès des animatrices pour le groupe de parole. Les animatrices recontactent ces personnes par téléphone avant le début des séances.
4. Organisation de séances en groupe, co-animées par la kiné et la responsable des projets de santé communautaire
- Chaque module comprend 6 séances.
- Formation des animatrices à la problématique de l’arrêt du tabac, aux principes de la dynamique de groupe et à l’entretien motivationnel.
- Sensibilisation des animatrices à l’approche particulière qui concerne les publics précarisés et utilisation de ces principes lors des séances de groupe.
- Possibilité pour les participants d’orienter le contenu des séances en fonction de leurs intérêts et leurs motivations.
- Grâce aux échanges et aux moments de réflexion, possibilité pour les patients de s’exprimer sur leur expérience personnelle en lien avec le tabagisme et meilleure compréhension de leur rapport au tabac, y compris les raisons pour lesquelles ils fument et la nature de leurs résistances à l’arrêt.
- Travail de la motivation de chacun avec le support du groupe.
- Information des participants concernant les divers accompagnements possibles pour la poursuite de leur préparation ou pour leur sevrage futur ou contemporain (en dehors ou au sein de la Maison Médicale).
- Élaboration par chacun d’objectifs réalistes pour le futur.
- Respect du rythme de chacun dans son évolution dans la boucle du fumeur (Cycle de Prochaska).
- Évaluation écrite par les participants après chaque séance. En début de chaque séance, une brève discussion permet à chacun de s’exprimer oralement sur la séance précédente. Évaluation écrite et orale à la fin des 6 séances.
- Invitation à participer à une septième séance trois mois après la fin du module pour reprendre contact avec les participants, faire une évaluation « à froid » et relancer la motivation de chacun.
5. Suivi individuel des patients par les médecins, l’infirmière et les kinésithérapeutes :
- Application du conseil minimal en consultation par les soignants.
- Encodage systématique du statut tabagique des patients dans le Dossier Santé Informatisé.
- Formation des soignants à la technique de l’entretien motivationnel.
- Accompagnement individuel par les médecins généralistes des personnes intéressées par le cheminement vers un arrêt mais qui ne souhaitent pas rejoindre le groupe.
- Accompagnement individuel par les médecins, des participants au groupe à l’issue des séances s’ils souhaitent poursuivre ou consolider leur démarche.
- Proposition de techniques de relaxation par les kinés.
Quand ?
- Décembre : début de la campagne de sensibilisation en salle d’attente, à l’accueil, dans les cabinets.
- Janvier : début des inscriptions (accueil, consultations,...)
- Mars : démarrage du groupe (durée des séances : 6 semaines)
- Essai d’organiser les séances en matinée afin de voir si nous pouvons toucher un public différent du public qui travaille et venait d’habitude en soirée (public plutôt privilégié, peu de femmes au foyer).
- Avril : évaluation du projet
- Juin : rencontre après 3 mois - évaluation finale. Planification de l’action pour l’année suivante.
Laps de temps sur lequel se déroule l’action :
Sur une période de quelques mois en ce qui concerne les groupes, si on compte à partir du début de l’affichage jusqu’à la séance de trois mois après le module et le temps de l’évaluation. Pour le suivi individuel, il a lieu toute l’année.
Collaborations
Internes
Toute l’équipe participe, ne fût-ce que pour relayer l’information concernant les groupes et inscrire les patients.
Les soignants informent, sensibilisent et cultivent la motivation des patients fumeurs lors des consultations.
Externes
- Autres associations : les affiches et les dépliants sont placés dans d’autres associations du quartier avec lesquelles nous sommes en contact pour d’autres projets. Quelques mots d’explication sont donnés afin qu’ils puissent relayer efficacement l’information auprès de leur public (Maison Médicale Alpha Santé, Maison Médicale l’Aster, Maison de quartier Dailly, Infor-jeunes, Les Ateliers du Soleil, planning familial des Bureaux de Quartier,...).
- Demande d’aide et d’informations : nous faisons régulièrement appel au FARES pour des informations sur les autres aides disponibles à Bruxelles pour les fumeurs. Nous faisons également appel à d’autres associations (Culture et Santé, CLPS,...) pour l’emprunt de documents et d’outils pour l’animation des séances de groupes.
- Invitation d’un tabacologue du FARES lors d’une séance.
- Participation d’anciens fumeurs (témoignage vis à vis du groupe)
- Volonté d’utiliser les outils et les formations proposés par la Fédération des Maisons Médicales.
Ressources
- Salle de réunion au sein des bâtiments de la maison médicale pouvant accueillir plus d’une dizaine de personnes
- Rétroprojecteur relié à un ordinateur
- Chevalet de conférence
- Outils créés pour les séances, voir annexes.
Bilan
Outre les groupes, un suivi individuel est proposé par les médecins généralistes et les kinésithérapeutes de la Maison Médicale. Des affichages sur le tabac sont régulièrement organisés. Les outils d’information et les supports sont disposés en salle d’attente, à l’accueil et dans les cabinets des soignants dans le but d’informer les patients et de susciter la discussion. La publication trimestrielle de la Maison Médicale permet aussi de transmettre des informations sur le tabac, de faire part aux patients des activités et des aides qui sont proposées par l’équipe et de diffuser des témoignages de patients.
Par rapport à ce qui a été réalisé, nous pouvons faire quelques constats. Certains points sont à améliorer, d’autres sont plutôt positifs :
1. Nous ne parvenons pas facilement à faire participer le public le plus précarisé. Plus interpellant encore, il est arrivé que certaines personnes que nous sentions plus fragilisées, entament la démarche mais « décrochent » après une ou deux séances. Nous avons émis l’hypothèse que ces personnes ne se sentaient peut-être pas à leur place dans le groupe. Les groupes que nous organisons semblent drainer en majorité des personnes dont le niveau d’études est relativement élevé, ce qui a tendance à intellectualiser le débat, donnant hélas à d’autres le sentiment de ne pas être suffisamment compétentes. Nous souhaitons l’éviter à l’avenir.
2. En tant qu’animatrices nous nous sentons particulièrement démunies pour soutenir dans le cadre du groupe, les personnes qui manquent de confiance en elles. Plus globalement, nous souhaiterions acquérir de meilleures techniques pour l’animation de groupe.
3. Le contenu des séances est relativement structuré. Le temps de parole nous a parfois semblé insuffisant ainsi qu’aux participants. Au fil du temps, nous avons essayé d’augmenter le temps de parole.
4. Nous ne voyons pas concrètement comment nous pourrions faire évoluer le projet actuel vers quelque chose de plus participatif (où le sujet serait impliqué dans chacune des étapes de la réalisation du projet). Les sujets en sont-ils demandeurs ? Et est-ce nécessaire ?
5. Les participants s’expriment en général plutôt facilement et de manière relativement intime.
6. Globalement, le taux de participation aux différents modules que nous avons réalisés était bon (nous avons réuni à chaque fois entre 6 et 10 personnes dont la majorité restait jusqu’à la fin du module)
7. Les participants ont émis des critiques positives et négatives concernant l’animation et les outils utilisés. La séance sur la santé, qui comprenait un exposé informatif sur les effets du tabac sur le corps et le moral était souvent controversée. Nous avons supprimé l’information au profit des questions posées par les participants. Un tabacologue du FARES a participé et a co-animé la séance. Nous pensons qu’une prochaine fois, nous demanderons aux participants de nous donner leurs questions à l’avance pour bien préparer les réponses. Cette fois, les participants ont trouvé que la séance manquait d’informations. Il faut un juste milieu.
8. La séance où nous travaillions sur les freins et les motivations à l’arrêt du tabac était en général une des plus appréciées. C’était aussi une des seules où nous n’utilisions aucun outil de présentation (pas de photo-langage, pas d’exposé,...) et où le temps de parole de chacun était plus important.
9. Afin de mieux toucher la population plus précarisée, nous envisageons d’identifier ensemble (avec l’aide des différents intervenants de l’équipe : kinés, infirmière, assistante sociale, accueillantes) les patients qui auraient besoin d’une aide plus soutenue pour se lancer dans le projet et les accompagner plus spécifiquement (plus de contact personnel,...).
Procédure d’évaluation déjà en place :
Évaluation au cours du module (évaluation du contenu, des outils, de l’animation, de la satisfaction des participants) :
- Evaluation écrite à la fin de chaque séance
- En début de chaque séance, petit temps de parole consacré au bilan de la séance précédente et de la semaine qui s’est écoulée.
- Evaluation globale écrite et orale à la fin du module. Bilan collectif oral permettant d’évaluer si les attentes que chacun avait exprimées au départ ont été remplies (si non pourquoi ? Les attentes ont-elles évolué en cours de module ?)
Ce que nous avons mis en place pour nous former avant de nous relancer dans le projet :
- Formation des professionnels de la Maison médicale :
- Participation à la journée d’échanges d’outils tabac organisée par la Fédération des Maisons Médicales (24/11/2009)
- Formation à l’Entretien Motivationnel organisée par la Fédération des Maisons Médicales (formation des animatrices du groupe et des médecins de notre équipe).
- Participation la journée tabac et pauvreté du 2 juin 2010 organisé par le FARES
- Participation à la journée tabac et pauvreté/tabac et jeunes du 19/10/2010.
- Formations régulières à l’animation de groupe
Mise à jour
Le dernier groupe de parole a eu lieu en 2011. Le baisse du nombre de participants a été une des raisons. Ces derniers ont utilisé de plus en plus l’accompagnement téléphonique proposé par tabacstop.
Ce projet a reçu le soutien de la Commission communautaire française.