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Une réforme institutionnelle pour l’amélioration de notre système de santé


Santé conjuguée n° 53 -juillet 2010

Début septembre : la réforme institutionnelle est au point mort. En matière de santé, le peu qui a filtré des négociations laisse penser que l’on pourrait se limiter à des petits transferts de compétences. Rassurant d’un côté, parce qu’on ne fracture pas la sécurité sociale. Décevant d’un autre, car c’était aussi, peut-être, l’opportunité de réformer un système de santé qui en a bien besoin. La Fédération des maisons médicales a mené toute une réflexion sur ce sujet, et souhaite vous en livrer la teneur.

En Belgique, on aime bien dire qu’on a le meilleur système de santé du monde… Quand bien même ce serait vrai, ce n’est pas une raison pour nous reposer sur nos lauriers : le monde change, les besoins évoluent, la médecine également. Notre système, qui date de 1980, montre des signes de vieillissement, et d’ailleurs depuis quelques années, la Belgique recule dans les classements internationaux. Tout le monde l’admet aujourd’hui, ce qui n’était pas vraiment le cas il y a 20 ans, les principaux déterminants de la santé sont sociaux et environnementaux ; les soins interviennent de manière marginale, mais absorbent une part croissante des budgets. En Belgique, près de 10% de la richesse nationale y est consacrée, et le budget croit de 4,5% l’an. Il est urgent d’agir en amont, et de mener des politiques plus transversales. (cf. dossier « loi santé » du précédent numéro de Santé conjuguée). Est-ce possible en Belgique, vu sa configuration institutionnelle ? Certains disent que même si c’est compliqué, c’est possible. Constatons cependant que c’est très difficile : l’éclatement des compétences constitue un obstacle majeur à une modernisation de la santé publique.

Quelques exemples

La réforme de la psychiatrie, initiée très récemment par la ministre de la Santé implique des transferts importants de budgets de l’hospitalier vers l’ambulatoire. C’est impossible vu que la santé mentale ambulatoire est clairement une compétence des entités fédérées (communautés et régions). Pour contourner cet obstacle, on va permettre aux hôpitaux d’organiser des services ambulatoires. Est-ce bien la bonne idée, sachant notamment que le fédéral ne peut pas légiférer en matière de santé mentale ambulatoire ? Les services ambulatoires vont-ils devenir l’arrière boutique de l’hôpital ? Il y a un grave problème de logement dans notre pays, pour les personnes précarisées notamment, ce qui a des répercussions considérables sur la santé. Le logement est régional, et donc impossible d’utiliser de l’argent de la fermeture des lits pour créer du logement. Résultat : de nombreux patients psychiatriques, qui ne devraient plus s’y trouver, restent bloqués à l’hôpital, ou se retrouvent dans la rue. Il faut savoir qu’un mois à l’hôpital psychiatrique coûte 7000 € ; un petit logement, 350. Ce n’est pas un hasard si la Belgique est devenue lanterne rouge en matière de reconversion de la psychiatrie : sa configuration institutionnelle bloque toute évolution, même si ce n’est sans doute pas la seule raison. Autre exemple : la Belgique dépense, grosso-modo, mille fois moins de moyens pour la prévention que pour les soins : pourquoi les communautés y investiraient-elles de l’argent, que par ailleurs elles n’ont pas, alors qu’elles n’en ont aucun effet retour ? Pour pouvoir mener une véritable politique de santé cohérente, globale et transversale, il est indispensable de regrouper les compétences. Les compétences santé bien sûr, mais aussi faire en sorte qu’elles se trouvent au même niveau de pouvoir que d’autres matières qui ont une influence évidente sur la santé. Refédéraliser ? Impensable dans le contexte politique belge ; il faut imaginer autre chose. Problème : on pourrait regrouper les compétences au niveau des entités fédérées, qui disposent déjà de nombreuses compétences en matière sociale notamment, mais que faire alors de l’assurance maladie si l’on veut la maintenir dans le cadre d’une sécurité sociale forte et solidaire, et donc fédérale ?

Notre proposition

Pour tenter de résoudre cette équation, nous avons donc imaginé le scénario suivant : en gros, l’organisation du système serait transférée aux régions, et le financement resterait fédéral. Ce qui permettrait notamment : – de transférer des moyens d’un secteur à l’autre comme par exemple fermer des lits pour créer du logement ou des services ambulatoires ; – d’investir plus de moyens dans des projets de prévention dont l’efficacité est démontrée ; – d’adapter les politiques aux caractéristiques loco- régionales ; – de penser une politique globale de santé publique qui intègre au mieux les différents déterminants de la santé. La difficulté de ce modèle, c’est que l’on dissocie organisation du système et son financement. Est-ce faisable ? Il nous semble que oui, mais à deux conditions. La première est que l’on mette en place un système de responsabilisation des régions. Elles disposeraient d’un droit de tirage calculé en fonction de critères objectifs (taille, âge, profil socio-économique… de sa population), seraient pénalisées en cas de dépassement, ou ristournées en cas d’économies. La deuxième est qu’elles soient associées à la gestion de l’INAMI pour leur permettre de négocier de nouveaux budgets, ou encore des modifications de remboursement (qui doivent rester identiques dans tout le pays si l’on veut garantir le principe d’égalité des citoyens, ou encore permettre à des wallons, par exemple, de se faire soigner à Bruxelles ou en Flandre sans devoir disposer d’un formulaire E111). Notons ici, à propos de la responsabilisation financière, qu’il convient de tordre le cou à l’idée reçue que les francophones dépensent plus : le dernier rapport de l’INAMI montre bien que les dépenses sont sensiblement égales dans les trois régions du pays, et que c’est la Flandre qui consomme un peu plus (environ 1% de plus que la moyenne). Dans cette aventure, les francophones n’y perdraient donc rien. La mise en place d’un tel modèle serait une véritable révolution « copernicienne », pour reprendre un terme dans l’air du temps, et nous voulons rester prudent car nous n’avons pas les moyens de mesurer quelles pourraient en être toutes les conséquences. Évidemment, toute réforme n’est souhaitable que si globalement elle améliore l’efficacité du système et, in fine, le service rendu à la population. Cela, nous ne pouvons pas en avoir la certitude. C’est pourquoi il nous semble indispensable que les responsables politiques se donnent les moyens, et le temps d’examiner toutes les conséquences éventuelles d’une telle proposition, ce qui à notre connaissance n’a jamais été fait. Ce qui devrait être fait avant de négocier quoi que ce soit. Oser le changement, ou au moins se donner la peine d’y réfléchir. Sans tabou, et en dehors des intérêts particuliers ou sectoriels.

Documents joints

Cet article est paru dans la revue:

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