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Travaux d’intérêts généraux en maison médicale?

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Santé conjuguée n° 36 - avril 2006

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Les membres de l’équipe de la maison médicale la Venelle auraient besoin de votre aide et de votre réflexion dans le cas suivant: nous avons reçu une demande dans le cadre des «Travaux d’intérêts généraux»: une personne condamnée de cette peine pourrait venir faire des travaux au sein de l’asbl. Nous sommes fort intéressés par cet enjeu d’alternative de peine. 1- Mais quelles limites peuvent être acceptables à une telle demande ? Quels types de fonctions pouvons- nous offrir tout en respectant le secret professionnel ? Ces personnes seraient-elles obligées de respecter le secret médical partagé pour toute information qu’elles pourraient obtenir en nos locaux? Qu’arriverait- il si ce secret devait être rompu? 2- Devons-nous nous limiter à proposer des travaux de rangements et d’entretien du jardin ou pouvons- nous envisager une participation plus intéressante qui nécessiterait un contact avec des patients (par exemple pour rompre la solitude de certaines personnes, à domicile ou en home)? Doivent-ils toujours être accompagnés? Peut-on envisager une autonomisation de la personne et envisager au terme du stage des rencontres avec des patients seuls, sans un membre de l’équipe? Demande faite au comité d’éthique de la Fédération en février 2005.

Nous avons examiné la demande concernant l’emploi dans une maison médicale d’une personne devant accomplir une condamnation dans le cadre de la «loi instaurant la peine de travail comme peine autonome en matière correctionnelle et de police» et les problèmes éthiques que cela peut susciter.

Clarifications importantes

Il nous paraît important de clarifier certains éléments légaux et leur histoire. Définition légale de la « peine de travail autonome»: – PTA (peine de travail autonome / loi du 17 avril 2002) : jugement prononcé et peine commuée en travail. Il s’agit bien d’une sanction décidée «en force de chose jugée» c’est-à-dire que l’appel n’est pas possible. Cette peine ne dépasse pas 300 heures de travail; – TIG (travail d’intérêt général / n’existe plus depuis le 17 avril 2002): travail qui s’effectuait avant un jugement et donc sans qu’une peine soit prononcée. Buts et objectifs poursuivis: – peine de travail autonome et travail d’intérêt général: le but est d’éviter le contact avec le milieu carcéral et de désengorger les prisons; – travail d’intérêt général: l’idée de réparation et de formation était présente ; – peine de travail autonome: il s’agit d’une peine sans aucun autre but annoncé, sauf peut-être la possibilité d’éviter d’avoir un casier judiciaire. TIG.gif Faits concernés : Les peines de police (< ou = à 45 heures) et les peines correctionnelles (> à 45 heures). Sont donc exclus les crimes (prise d’otage, attentat à la pudeur et viol, corruption de la jeunesse et prostitution, outrages publics aux mœurs, homicides, meurtres commis pour faciliter le vol ou l’extorsion). Les effets positifs de la peine de travail autonome sont clairs : – La peine de travail autonome n’est pas inscrite sur le casier judiciaire de la personne condamnée. C’est un avantage puisque aujourd’hui le certificat de bonne vie et mœurs est de plus en plus fréquemment requis. – La personne condamnée ne connaîtra pas le milieu carcéral avec tous les effets qui s’y attachent.

Commentaires

Voici les commentaires et/ou questions que nous vous proposons par rapport à cette situation: – La maison médicale peut-elle se considérer comme faisant partie d’un environnement de travail qui correspond à la définition? Oui. Art.37 quater §1e1. La peine de travail ne peut être effectuée qu’auprès des services publics de l’Etat, des communes, des provinces, des communautés et des régions ou auprès d’associations sans but lucratif ou de fondations à but social, scientifique ou culturel. – Etes-vous d’accord avec les objectifs de ce type de condamnation? La peine de travail autonome permet une réhabilitation (casier) mais n’a pas de caractère éducatif. On peut donc se poser la question: jusqu’où aller dans le «bienfait» apporté à la personne condamnée? A cet égard, la loi nous semble tracer un cadre assez clair. Vouloir aller plus loin ne risque-t-il pas de conduire à des dérives paternalistes? – A propos du travail à proposer… Est-ce que l’activité proposée à ces personnes est en relation avec leurs compétences ou leurs qualifications? Est-ce que l’activité proposée cherche à leur donner une compétence ou à ouvrir des perspectives intéressantes pour leur réinsertion ultérieure, et dans ce cas, la maison médicale peut-elle leur offrir ce type de travail? Est-ce que le travail proposé doit être en rapport avec la faute commise et viser à mieux faire comprendre la gravité ou l’importance de la faute et si c’est le cas avez-vous ce type de travail? Est-ce qu’on cherche à revaloriser la personne, lui donnant un environnement accueillant pour mieux l’aider à s’intégrer socialement? Art. 37 ter § 3. Lorsqu’une peine de travail est envisagée par le juge, requise par le Ministère public ou sollicitée par le prévenu, le juge informe celui- ci, avant la clôture des débats, de la portée d’une telle peine et l’entend dans ses observations. Le juge peut également tenir compte, à cet égard, des intérêts des victimes éventuelles. Art. 37 ter § 4. Le juge détermine ladurée de la peine de travail et peut donner des indications concernant le contenu concret de la peine de travail. Le travail peut-être socialisant étant donné l’environnement dans lequel il est effectué, mais d’un point de vue éthique faut-il aller plus loin? Enfin, rappelons que le travail effectué ne peut pas être une activité qui serait habituellement réalisée par un travailleur rémunéré (Art.37quater § er 1 ). – Quel rôle attribue-t-on à l’employeur? Guide, surveillant, autorité, contrôle social, autre…? Vous sentez-vous capable de pouvoir et de vouloir assumer ce rôle? Avec quelles difficultés ? Etes-vous disposés à assumer les contraintes de ce rôle? Art. 37 quinquies. § 1er. Le condamné auquel une peine de travail a été imposée en vertu de l’article 37ter est suivi par un assistant de justice du Service des maisons de justice du ministère de la Justice de l’arrondissement judiciaire du lieu de la résidence du condamné. L’exécution de la peine de travail est contrôlée par la commission de probation du lieu de la résidence du condamné à laquelle l’assistant de justice fait rapport. La personne qui s’engage à faire respecter le travail s’engage également à indiquer à l’autorité compétente que celui-ci a bien été effectué. A ce propos, il nous semble que l’on peut soulever les questions suivantes: Etes-vous en mesure de faire respecter le contrat de justice ? Comment assurerez-vous le contrôle attendu ? Comment réagirez-vous si la personne ne se présente pas ou ne fait pas le travail attendu ? Jusqu’où ira votre engagement dans cette forme de délégation de la justice pénale ? S’agit-il de se faire l’agent de la justice pénale ou d’aider un délinquant à éviter de faire de la prison et d’avoir un casier judiciaire? – A propos des patients Si les tâches effectuées par la personne qui effectue la peine nécessitent un contact avec les patients, envisagez- vous de les prévenir? Si oui, c’est à discuter avec l’assistant de justice. Il faut aussi envisager que la personne qui effectue la peine puisse bénéficier de la confidentialité Si non, êtes-vous conscients de la confiance que certains patients peuvent accorder à ce nouvel intervenant «labellisé» maison médicale? – Vous travaillez en autogestion… Comment concilier cette notion et le fait d’avoir un travailleur qui n’a pas choisi ni la maison médicale ni ce type de fonctionnement et qui, par ailleurs, est contraint d’y travailler? Comment cela peut-il influencer sa participation, son intégration, son engagement et (en même temps) les relations de travail que vous aurez avec lui? Il faut donc être conscient des attentes d’engagement que l’équipe pourrait avoir par rapport à la personne condamnée. La maison médicale doit faire un effort par rapport à ses habitudes et donner un cadre clair à la personne qui ne doit pas être « martyrisée » par la struc- ture ! – Par rapport au secret professionnel: il s’agit d’une obligation déon- tologique et légale qui concerne les différents professionnels de la santé. Cela implique que tout le personnel d’une maison médicale doit être au courant de cette notion et de son application concrète dans votre maison médicale. Chaque travailleur est responsable individuellement des transgressions à cette règle déontologique et légale; la responsabilité institutionnelle consiste à se donner les moyens et à mettre en place des systèmes qui protègent ce secret professionnel. Il est très important de conscientiser le personnel à cette responsabilité et aux conséquences d’un manquement volontaire ou involontaire. Il faut donc mettre en place des dispositifs qui empêchent l’accès à des données confidentielles (rangements de dossiers dans des armoires sous clefs, ou dans des locaux sécurisés, clefs d’accès informatique différenciées selon les besoins des différents types de travailleurs…). Il est également important que l’équipe ne mette pas la personne qui effectue une peine de travail autonome mal à l’aise par des conversations professionnelles, il faut rester discret et ne pas attiser la curiosité. La personne qui effectue la peine de travail autonome et qui aurait la possibilité de connaître des faits couverts par le secret professionnel, est soumise aux même contraintes que les autres membres de la maison médicale, et elle doit en être informée préalablement. Il pourrait être opportun d’aborder cette question au préalable avec l’assistant de justice. Il nous semble que des réponses données à ces questions dépend le fait d’accepter ou pas ce travailleur, et dans l’affirmative, le type de travaux à proposer, avec ou sans relation directe avec les patients, seul ou accompagné. Ces questions n’épuisent certainement pas le sujet, mais peuvent contribuer à éclaircir votre position par rapport à la demande qui vous est faite et à la réflexion que vous comptez mener avec d’autres partenaires. Pour le comité d’éthique, Natacha Carion Osorio et Marie Duhaut.

Documents joints

  1. Les références légales concernent la loi du 17 avril 2002 instaurant la peine de travail comme peine autonome en matière correctionnelle et de police (publication Moniteur belge le 2002/05/07).

Cet article est paru dans la revue:

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