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Territoire et milieu de vie : une approche communautaire de la santé mentale


Santé conjuguée n° 70 - avril 2015

Ne pas se limiter aux savoirs spécialisés : voilà sans doute une bonne manière d’améliorer la santé mentale. En s’appuyant, à côté des soins, sur tout ce qui contribue au bien-être : le milieu de vie d’une personne regorge de ressources, différentes selon chaque parcours, selon la manière dont chacun vit son quotidien. Un enjeu : rendre les espaces de concertation et de décisions en santé mentale plus accessibles et plus démocratiques.

Penser les alternatives

Poussé par une troupe bigarrée de joyeux volontaires, un lit psychiatrique a traversé la Wallonie, de Tournai à Liège, en mai 2009. Faisant chaque jour halte dans des institutions sensibles à la cause du Mouvement pour une psychiatrie démocratique dans le milieu de vie, ce lit a fédéré autour de lui bien des énergies différentes, permettant d’ouvrir le débat sur la manière dont notre pays traite ses « fous ». Cette manifestation peu commune a également permis de mettre en lumière des alternatives à l’hôpital psychiatrique. Situées dans le milieu de vie des personnes, ces alternatives s’inscrivent dans une manière de penser la santé mentale depuis le territoire et les ressources dont il dispose. Pour développer la santé mentale, il faut prendre en compte les soins mais aussi un ensemble de déterminants sociaux qui contribuent tant à la prévention qu’à la restauration d’un bien-être. Il s’agit dès lors de s’appuyer sur un système de santé mentale conçu comme l’ensemble des éléments qui contribuent au maintien ou à l’amélioration de l’état de santé mentale des populations. Un tel système se compose de toutes les organisations, personnes et activités dont le but essentiel est de promouvoir, restaurer ou entretenir la santé mentale. Il repose donc sur la richesse du milieu de vie des personnes et de toutes les ressources dont il dispose, comme autant de manières de faire soin.

Construire des espaces

Les milieux de vie renvoient aux habitants, à leurs environnements quotidiens et aux dynamiques sociales et affectives dans lesquelles ils sont immergés. Ces milieux de vie sont toujours singuliers : ils se rapportent à la façon dont les personnes expérimentent leur vie quotidienne. Le milieu de vie est la réalité sociale vécue au sein de laquelle émergent et se formulent des problèmes de santé mentale spécifiques. A contrario, le territoire n’est qu’une carte, une construction utile pour penser les problèmes de santé mentale. Il trace un contour géographique. A l’intérieur de ce périmètre seront élaborées les stratégies qui s’implanteront dans un milieu de vie toujours plus large, complexe et mouvant que ce que le territoire n’en saisit. Ainsi, nous pouvons imaginer organiser le système de santé mentale en référence à des territoires, comme autant d’espaces complémentaires : Les territoires construisent des espaces d’accès où se rencontrent l’offre et la demande d’aide et de soins en santé mentale. Les espaces de première proximité doivent permettre des déplacements relativement aisés tant des professionnels que des usagers. Les territoires construisent des espaces de concertation entre les services en santé mentale. En dimensionnant les territoires, il s’agit de prendre en considération le nombre et la qualité des acteurs de manière à rendre possible leur participation à l’élaboration des procédures, des agencements ou des concertations entre les services de santé mentale. Les territoires constituent des espaces de citoyenneté. Dans le cadre d’un système ouvert sur les déterminants sociaux des problèmes de santé mentale, il convient de soutenir la participation des associations et des différents acteurs, notamment du champ de la santé ou de l’action sociale. Les élus sont à inscrire dans cette dynamique. Nous le voyons, les problèmes de santé mentale supposent toujours l’élargissement des savoirs au-delà d’un champ réservé à des spécialistes. Il s’agit de mettre ensemble des personnes ou des organisations très différents, de les faire coopérer et de leur permettre de prendre des décisions équitables pour chacun. L’ensemble demande de concevoir un cadre qui permet une intégration cohérente et mobilisante. Chaque partie prenante devrait pouvoir participer dans un esprit démocratique. La situation actuelle est autre : les espaces de concertations et de décisions en santé mentale ne sont, bien souvent, ni assez ouverts, ni assez démocratiques. 

Documents joints

Cet article est paru dans la revue:

Santé conjuguée, n° 70 - avril 2015

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