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Santé et allongement des carrières


Santé conjuguée n° 51 - janvier 2010

L’allongement de la durée de vie combinée à la baisse du montant global des cotisations sociales en raison de la contraction du marché du travail font craindre des difficultés de paiement des pensions. Constatant que beaucoup de nos concitoyens prennent une prépension vers 58 ans, nos autorités planchent sur les moyens de stimuler le maintien au travail au-delà de cet âge. Mais quelles seront les conséquences de cet allongement du temps de travail en termes de santé ? Pour alimenter cette réflexion, Médecine pour le Peuple a réalisé une recherche sur l’état de la santé des personnes de 50 à 55 ans.

Travailler plus longtemps : et les conséquences médicales ? L’argumentation du gouvernement en faveur de l’augmentation de la durée du travail est purement économique. Mais de leur côté, les médecins généralistes sont confrontés aux problèmes médicaux des travailleurs et constatent que la prépension est une solution pour beaucoup de 50-55 ans. On peut se demander quelles sont les conséquences médicales et humaines de l’allongement des carrières. Nos patients sont principalement des travailleurs. Dans sept maisons médicales réparties sur tout le pays, travaillant au forfait, avec un dossier médical informatisé, nous avons extrait certaines données de nos 1.150 patients âgés de 50 à 55 ans (48,9% hommes et 51,1% femmes). Seules les pathologies chroniques, basées sur des diagnostics établis objectivement sur dossier et ayant un impact sur la capacité de travail sont prises en compte. L’analyse globale des résultats montre que 65,5% des 50-55 ans souffrent d’au moins une maladie chronique ayant un impact sur la capacité de travail :
  • 44% souffrent de pathologies musculo-squelettiques (43% des hommes et 44% des femmes) ;
  • 16% souffrent de pathologies mentales (11% des hommes et 21% des femmes).
La Suède : un modèle ? Depuis 1998, le travail y est obligatoire jusqu’à 65 ans. Mais 30% des personnes de plus de 50 ans ne travaillent pas, le taux d’absentéisme y est de 20%, le plus élevé des pays industrialisés et le nombre d’invalides de plus de 50 ans a plus que doublé. On constate un glissement du circuit de travail normal vers une plus grande précarité. Les pathologies musculo-squelettiques sont les plus fréquentes et elles augmentent avec l’âge, surtout à partir de 50 ans, conséquences des mauvaises conditions de travail. Elles représentent le principal problème de sécurité et santé au travail et constituent de 40 à 50% des maladies professionnelles. Les pathologies mentales sont fréquentes, ce que confirment des études européennes. Le stress est proportionnel à l’exigence de flexibilité. Certains patients ont plusieurs pathologies dans la même classe selon la classification internationale des maladies (CIM-10) (Paul souffre de lombalgie chronique et d’arthrose du genou) ou dans des classes différentes (Pierre souffre d’angine de poitrine et de dépression). Les femmes vivent plus longtemps, mais leur état de santé est plus mauvais que les hommes. En plus elles ont une situation sociale plus difficile et en général un salaire moindre. On constate en outre que les entreprises ne maintiennent pas les malades chroniques au poste. Les conclusions sont claires : pour les 65,5% des 50-55 ans souffrant d’au moins une maladie chronique ayant un impact sur la capacité de travail, les prépensions permettent d’y échapper. Et ce d’autant plus que les travailleurs âgés sont plus souvent évincés du circuit régulier du travail (avec augmentation du travail intérimaire plus lourd). Le samedi 27 mars, au symposium de MPLP sur la qualité en médecine générale « soigner la qualité, ça soulage », la deuxième phase de l’étude a été lancée, vu que la pression sur les (pré)pensions des travailleurs âgés ne cesse d’augmenter. Une étude similaire sera faite, pour étudier l’évolution dans le temps. La nouvelle étude sera aussi enrichie des données socio-économiques de nos patients, ainsi qu’un groupe de travailleurs « jeunes » comme groupe témoin. Les premiers résultats sont attendus en juin.

Documents joints

Cet article est paru dans la revue:

Santé conjuguée, n° 51 - janvier 2010

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