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La fonction de référent de proximité vise à faire de chaque professionnel un levier potentiel pour mettre en lien un patient avec les ressources locales dont ce dernier a besoin, selon une approche centrée sur ses souhaits et objectifs.

La fonction de référent a été créée au sein du projet pilote de soins intégrés BOOST1 opérationnel dans trois communes bruxelloises2. Sa conception s’appuie sur le constat que les patients développent des liens de confiance avec des professionnels de divers métiers et de divers secteurs, et que des professionnels de toute discipline se perçoivent comme des personnes de référence pour certains de leurs patients ou bénéficiaires. Elle repose également sur un deuxième constat : aucun intervenant ne peut répondre seul à un ensemble de besoins liés à des situations complexes dans lesquelles des problèmes de santé, de situation socioéconomique et/ou de santé mentale s’entremêlent.

Une fonction ancrée dans les besoins des professionnels et des patients

Cette initiative s’ancre dans une analyse des besoins des professionnels et des patients, tels qu’identifiés dans le rapport de 2011 sur les métiers de la première ligne de soins : « pouvoir faire appel à des services polyvalents, pour tous patients et problèmes confondus, et mieux répondre aux urgences »3. Elle répond également aux besoins mis en évidence dans l’enquête réalisée en phase de conception du projet, en 2016. Il ne s’agit pas d’un métier, mais d’une fonction susceptible de se brancher sur différents métiers, dans différents contextes de pratique. Médecin généraliste, ergothérapeute, infirmier, aide familiale, travailleur social, pharmacien, kinésithérapeute… : tout praticien de première ligne peut agir en tant que référent de proximité et intervenir en support direct au patient et à ses proches. Pour cela, il doit se faire reconnaitre comme tel par son patient. Son rôle principal est de déterminer avec lui ses objectifs prioritaires à un moment et de construire avec lui les solutions, en l’aidant à mobiliser les ressources appropriées. Chaque profession conserve sa spécificité, mais est en mesure de trouver des complémentarités auprès d’autres afin de répondre aux besoins du patient.

Faciliter des soins centrés sur les objectifs du patient

Le plus souvent, les difficultés se combinent et engendrent des situations complexes. Il n’existe pas de parcours tracé d’avance pour chacun, tout est à construire presque à chaque fois. C’est pourquoi le référent aide le patient à formuler ses souhaits et ses priorités, à identifier ses propres ressources et celles présentes dans le réseau qui peuvent l’aider à atteindre ses objectifs. Il participe à soutenir son orientation dans un système. Cette approche fondée sur les objectifs du patient se démarque d’une approche par pathologie et d’une approche centrée sur une réponse médicale. L’intention est d’adhérer aux besoins de la personne, en différents moments de son parcours, en privilégiant la mise en place de ressources en dehors des moments d’urgence afin de les prévenir ou de pouvoir éviter un emballement des problèmes et leurs répercussions dans les différentes sphères de la vie. Cela implique un changement de paradigme : il ne s’agit pas de traiter une urgence médicale, sociale ou psychique, mais de considérer les déterminants sociaux et environnementaux de la santé, et ainsi d’aménager les conditions qui permettront au patient de « faire face » en sachant sur quoi s’appuyer en cas de dégradation de sa santé ou de sa situation sociale. En cela, cette fonction contribue à mettre en place les conditions de la résilience du patient : la capacité à vivre et à se développer malgré l’adversité4.

Une fonction soutenue par un ensemble d’outils et de dispositifs

La fonction de référent de proximité est soutenue par une boîte à outils, qui s’étoffe et se construit progressivement au sein d’une communauté de pratiques : un espace dans lequel les référents partagent leurs expériences, échangent les bonnes pratiques, construisent et affinent la fonction, élaborent les outils dont ils ont besoin pour remplir au mieux cette fonction. Les outils sont conçus pour amener le professionnel à décaler son regard sur le patient, à sortir des réflexes habituels de son métier, pour identifier ce qui coince ou ce qui fait sens dans la vie du patient et trouver les ressources adéquates. Il ne s’agit pas de dresser un bilan systématique de l’ensemble des aspects de la vie du patient, ni d’endosser la coordination des ressources mobilisées, mais d’ouvrir des voies pour le patient à un moment de son parcours. Utilisables selon des modalités variables, les outils sont élaborés pour s’adapter à différents contextes professionnels. Cette boîte à outils comprend actuellement : -un plan personnalisé d’accompagnement, qui vise à ouvrir le dialogue entre le patient et son référent de proximité par l’intermédiaire d’un ensemble de cartes imagées, à faciliter le repérage de moments clés de vulnérabilité et éviter la détérioration de la santé et les pertes d’autonomie, à anticiper les besoins médicaux et psychosociaux, à mettre en place des solutions en accord avec le projet de vie pour stabiliser les situations ; -une formation à l’accompagnement des personnes malades chroniques, comprenant la familiarisation aux outils et à la posture vis-à-vis du patient pour l’aider à sortir de ses automatismes ; -un helpdesk téléphonique et un répertoire local pour trouver les ressources nécessaires au bon moment. Enfin, la fonction de référent de proximité s’articule avec deux autres, constituant un modèle innovant, au cœur du projet BOOST : une fonction de référent hospitalier chargé de faciliter la coordination entre la première ligne et l’hôpital et de fluidifier les parcours au sein de l’hôpital, et une fonction de concertation multidisciplinaire (le « Diapason ») par laquelle, à partir d’incidents critiques récurrents, des professionnels mandatés représentant différentes disciplines construisent des solutions systémiques, globales et transversales à l’échelle du territoire du projet. Ainsi équipée et ancrée dans un dispositif plus large, la fonction de référent de proximité pourrait « résoudre la juxtaposition de la fonction de gestionnaire de cas hospitalier avec celle de coordinateur naturel, mais non formé (le médecin généraliste), de coordinateur formé existant mais isolé (la coordination de soins) ou de coordinateur pressenti (l’infirmier) »5.

Travailler en collaboration avec un référent de proximité ou en devenir un

Avec la fonction de référent de proximité, les métiers de la première ligne partagent une attribution qui permet de construire des parcours d’aide et de soins où chaque intervenant pourra contribuer au projet de la personne de manière complémentaire et spécifique, en renforçant des pratiques de collaboration déjà très riches. Un professionnel seul ne pourra pas faire face à la complexité croissante des situations. Il importe de créer un langage commun, une connaissance mutuelle entre les métiers et un socle de valeurs communes. Il s’agit de créer le terrain qui favorisera « l’ajustement mutuel » entre les professionnels, sans que cet ajustement représente une grande dépense d’énergie qui risquerait de dissuader les professionnels face à une situation complexe de se concerter, et de créer un mini réseau ad hoc au plus proche des priorités du patient. Travailleurs sociaux, aides familiales, prestataires de soins médicaux et paramédicaux actifs dans le centre de Bruxelles, vous pourriez bientôt recevoir un patient qui vous parlera de son « référent de proximité ». Faites bon accueil à ce professionnel : il sera votre allié dans un effort commun pour démêler la situation du patient ! Et si vous souhaitez endosser cette fonction pour certains de vos patients, vous pouvez contacter le projet BOOST.

Documents joints

  1. Le projet BOOST est développé dans le cadre du programme fédéral « Des soins intégrés pour une meilleure santé ». Il est coordonné par l’asbl Brusano et mis en oeuvre par un consortium de plus de 55 partenaires. www.boostbrussels.be.
  2. Saint-Gilles, Saint-Josseten- Noode et le « pentagone » de Bruxelles-Ville.
  3. P. De Munck et al. Les métiers de demain de la première ligne de soins. Étude réalisée par la Fédération des maisons médicales à la demande du SPF Sécurité de la chaine alimentaire et Environnement, 2011.
  4. . Cyrulnik, Un merveilleux malheur, Odile Jacob, 1999.
  5. C. Duchesnes, D. Giet, J.-L. Belche, L. Buret. « Coordination des soins en première ligne : et Mme Dupont ? », Santé conjuguée n° 74, mars 2016.

Cet article est paru dans la revue:

Santé conjuguée, n°89 - décembre 2019

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