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Patient et hôpital : l’hospitalité est (aussi) dans les murs

Santé conjuguée n° 73 - décembre 2015

Quels sont les points de vue des patients sur les hôpitaux et leur bâti ? Accessibilité, accueil, cabinets médicaux… A l’occasion d’une journée des associations de patients organisée dans le hall d’un hôpital, nous avons interrogé à ce sujet quelques membres de la Ligue des usagers des soins de santé (LUSS), Fédération francophone d’associations de patients. Ils nous font savoir ce qui compte pour eux quand ils vont et viennent dans les structures hospitalières.

Le plus important ? « L’endroit où on est le mieux écouté ». La relation avec le médecin, le personnel hospitalier, l’écoute que l’on reçoit (ou pas), l’attention dont on fait l’objet (ou pas), sont au cœur du ressenti des patients quand ils évoquent l’institution hospitalière. C’est assez spontanément qu’ils se détournent du sujet du bâti pour se recentrer sur le relationnel. Est-ce à dire que l’architecture n’a pas d’importance ? Pas vraiment.

Accès et circulation

Cinq tours qui encerclent un bloc central, le hall d’accueil couvert d’une verrière monumentale. Le centre hospitalier universitaire de Liège repose sur un plateau battu par les vents où les places de parking s’éloignent de plus en plus de la structure pour répondre à une demande croissante. À tel point qu’un parking de délestage a été mis sur pied, duquel part une navette gratuite qui véhicule les visiteurs jusque l’entrée de l’hôpital. Quand on accède à l’hôpital à pied, après une promenade dans les ruelles animées du quartier universitaire, l’arrivée semble plus agréable. L’accessibilité est l’un des principaux éléments évoqués par les patients quand on parle du bâti de l’hôpital : disponibilité et éloignement du parking, qualité du fléchage pour les automobilistes, proximité du cœur de la ville, de la gare ou d’autres transports en commun. Une desserte de qualité permet notamment d’« être autonome même lorsqu’on doit passer des examens sous sédatif, qui empêchent la conduite automobile ». Mais les premières perceptions des usagers, aux abords de l’édifice, touchent aussi à son intégration dans le quartier dans lequel il est implanté et au sentiment qu’il suscite chez celui qui s’en approche. Le style « château fort » donne-t-il du charme ou remémore-t-il l’allure austère de la prison ? L’aspect monumental d’une institution écrase-t-il ou rassure-t-il, comme s’il promettait de détenir la solution à tous les maux ? Dès l’instant où on pénètre dans la bâtisse surgit le hall d’entrée autour duquel s’organise le trafic. C’est l’espace où on s’oriente. Il « doit être grand et ouvert ». Ça permet d’y accueillir aussi des expositions, des stands… comme ceux des associations de patients ! Attention, cependant, disent certains, au confort des personnes malentendantes. La circulation doit être organisée afin de pouvoir s’orienter dans le dédale des couloirs qui se succèdent les uns après les autres, les uns au-dessus des autres. D’une manière générale, il y a de plus en plus de concordance entre hôpitaux dans la manière dont ils aiguillent le patient en leur sein. Chiffres, lettres et lignes de couleurs tracent et indiquent les chemins à suivre. Le terme officiel est celui de route. Il reste que, dans les gros hôpitaux, « on peut vite se perdre », déplorent les patients. Les routes sont pensées sur un mode rationnel. L’émotion n’est pas prise en compte : « On fait des erreurs parce qu’on est stressé. » D’où l’intérêt d’un accompagnement humain. Autre demande exprimée par les usagers, le regroupement des services selon leur parcours de soins, un regroupement particulièrement nécessaire aux personnes âgées fragilisées.

Soins et convivialité

Quand on se rend à l’hôpital, on passe le plus clair de son temps à patienter. Pourtant, dans nombre de cas, les salles d’attente consistent encore souvent en de simples alcôves le long des couloirs, devant lesquelles défilent personnel médical et personnes hospitalisées, en lit ou en fauteuil roulant. On attend dans les couloirs… pas toujours assez larges pour permettre de se croiser sans difficulté. Pour que ce temps soit apaisant, le choix des couleurs, des matériaux et des éléments de décoration sont importants. « À la clinique du sein, rue des Alexiens (centre hospitalier universitaire Saint-Pierre, NDLR), les lieux ont un effet positif sur le moral, explique une patiente. Les murs sont gris, couverts de pensées s’écoulant en vagues, les fauteuils sont arrondis. Ces aménagements répondent à un besoin de sérénité. » Quant au cabinet médical, il est le lieu de l’échange par excellence. Ni trop austère, ni trop tape-à- l’œil, il doit être fonctionnel et laisser de la place à l’intimité, estiment les patients. Il devrait comporter un endroit pour se débarrasser. La lumière naturelle est essentielle : les cabinets en sous-sol ou autre disposition sans fenêtre devraient être évités, pour le bien-être des travailleurs également ; pourtant, ils sont nombreux dans les grosses structures. En cas d’hospitalisation, « il faut combler le temps ; on se balade avec son baxter ; d’où l’importance des revêtements de sol mais on n’y fait pas partout attention même si c’est élémentaire. ». S’éveille aussi le besoin de s’ouvrir vers l’extérieur. Sortir de l’isolement, croiser d’autres personnes… Et pour cela, rien de tel qu’un retour à la case départ : le hall d’entrée, la cafétéria qui jouent ce rôle de lieu de socialisation. Et ici comme ailleurs dans le bâtiment, la lumière naturelle et la hauteur des plafonds apportent une bouffée d’oxygène. « On n’aime pas être confiné car on est déjà angoissé quand on arrive à l’hôpital, ce qui pousse à se renfermer sur soi-même. ». Pour certains, la présence d’une galerie commerçante est un plus pour répondre aux besoins des visiteurs et des patients sans devoir descendre en ville. « C’est plaisant de faire ses emplettes et du lèche-vitrine mais ce n’est pas pour rien ». « Je n’ai pas de lieu préféré dans un hôpital, car je n’ai jamais envie d’y aller » conclut un patient, rappelant l’importance de l’écoute. Reste que pour favoriser le dialogue, rien de tel que des espaces conviviaux. Et « la convivialité, lâche un autre, ça se construit ». 

Documents joints

Cet article est paru dans la revue:

Santé conjuguée, n° 73 - décembre 2015

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