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Santé conjuguée n° 59 - janvier 2012

La construction d’un « fil rouge » entre les divers textes regroupés ici n’est pas facile. En effet, ces textes sont, et cela vaut pour chacun d’entre eux, une contribution à part entière, enrichissant le champ des pratiques liées à la prise en charge de patients présentant une problématique d’« assuétudes ». La contribution présentée ici ne peut que partiellement rendre compte de la variété de ces pratiques, leur richesse mais aussi leurs ajustements continuels et nécessaires pour être en mesure de répondre aux demandes émergentes. Tout d’abord, resituons cette journée d’étude dans son contexte général. Nous voulions résolument que cette journée soit tournée vers la pratique. Organisée à l’initiative d’intervenants de terrain du Réseau ABC-VBH à l’attention d’autres intervenants de terrain (bien au-delà de notre Réseau), nous visions avant tout à favoriser le dialogue et à augmenter la connaissance des intervenants entre eux et entre institutions au sein desquelles ils travaillent. Nous souhaitions mieux connaître le « cadre de référence » de ces institutions mais aussi la manière dont elles font face à cette problématique des addictions dans leur quotidien, non seulement au sein de leur équipe mais aussi dans leurs relations avec d’autres types d’institutions. Nous avons voulu réfléchir à ces questions du point de vue de l’hospitalier comme du point de vue de l’ambulatoire, du spécialisé, du non spécialisé, des médecins généralistes ou encore des associations d’usagers. Par là même, nous faisions de la continuité des soins un axe central pour une réflexion plus globale liée à la prise en charge du patient sur le long cours, depuis son accueil en institution jusqu’à sa sortie et son suivi dans la durée. C’est ainsi que nous avons divisé nos ateliers en trois thématiques complémentaires en relations étroites entre elles, celle de la demande de prise en charge, celle du cadre de la prise en charge (à partir d’une réflexion sur le réseau du patient) et enfin, celle de la continuité des soins. La réflexion proposée ici s’articule sur la « psychiatrie sociale et communautaire » comme le professeur Besson l’a présentée. Cet angle d’approche par la « psychiatrie sociale et communautaire » nous semble pertinent car non seulement il questionne la nécessité du travail en réseau mais en plus il met en évidence le cheminement singulier et complexe, difficilement réductible à un « idéal-type » de trajet de soin, « idéal-type » qui serait une sorte de modèle préétabli et « applicable » de manière transversale aux différents profils de patients. Développer des solutions alternatives Ce thème a été abordé par différents orateurs à partir d’une réflexion mettant en avant la nécessité de « désengorger » les hôpitaux, de diminuer les listes d’attente trop longue et de gérer l’urgence « autrement ». Partant de la volonté de ne pas scinder les aspects sociaux de la prise en charge des aspects plus psychiques et/ou somatiques, la « psychiatrie sociale et communautaire » développe une approche globale du patient, favorisant le travail avec diverses structures de soins mais aussi avec des institutions davantage tournées vers une prise en charge de type social (réinsertion par le travail, la formation, etc.). Il vaut la peine de pointer à ce sujet l’expérience qu’ont développée Transit et le Foyer Georges Motte avec à l’arrière-plan ce souci de faire face à la crise du logement à Bruxelles. La collaboration entre ces deux structures vise notamment à régler, en priorité, le problème du logement pour pouvoir se focaliser ensuite sur le diagnostic et la mise en place d’un projet thérapeutique (orientation vers le médical, suivi de type psychologique en ambulatoire, hospitalisation, etc.). Cette collaboration a également un impact sur les hospitalisations, réduisant le risque d’hospitalisation pour des raisons « sociales » (hospitalisation comme solution momentanée au problème de l’hébergement). Le travail que proposent les structures dites « bas seuil » met également en avant des solutions alternatives innovantes pour être en mesure de recevoir de nouvelles demandes (et d’être du coup en accord avec la Charte de réduction des risques) et de désengorger l’accueil : au Lama (Anderlecht), il y a une « délégation de l’ordonnance » par exemple et une pratique interdisciplinaire de co-consultation dans un espace ouvert. Il semble que les solutions innovantes ressortent souvent de la volonté de travailler en amont, le plus tôt possible, la prise en charge en relations avec d’autres structures (de soin ou sociales du type maison d’accueil), à l’intérieur d’un certain réseau (formel ou informel) comme en dehors des « frontières » de ce réseau. L’exposé d’un intervenant au sein des équipes mobiles du SAMU social de Bruxelles a permis de rendre compte par sa pratique du caractère artificiel des « frontières », les usagers dont ils s’occupent circulant entre dispositifs ou structures, pour autant qu’elles leur soient accessibles. C’est dans ce contexte aussi, qu’il peut être utile de rappeler que la réalité budgétaire des hôpitaux, si elle est indéniablement une contrainte pour la prise en charge de certains patients, ne devrait pas occulter une des raisons d’être de l’institution hospitalière, son rôle dans la réduction de la souffrance des individus. Développer des contacts avec l’ambulatoire et stimuler l’accompagnement dans la durée Certaines structures, l’hospitalier notamment, développent une attention soutenue à la nécessité de penser le long cours par référence à une « resocialisation » travaillée déjà en hôpital, en préparant par exemple le patient à son entrée dans sa future structure d’accueil (communautés thérapeutiques, convention INAMI, etc.). En effet, comme le dit un des orateurs, la prise en charge hospitalière tend à confiner le patient, souvent déjà largement désaffilié dans une « bulle », renforçant son risque de rechute à la sortie. Comment faciliter le passage de l’hospitalier vers le non hospitalier ? En travaillant à l’intérieur des structures hospitalières le passage vers des structures non hospitalières, parfois plus contraignantes encore que celles de l’hôpital ; en ajustant les pratiques à l’intérieur de l’hôpital avec celles développées à l’extérieur. Plusieurs orateurs ont souligné l’importance de développer des contacts avec l’ambulatoire et les divers dispositifs d’accompagnement social pour préparer au plus tôt la sortie du patient d’une institution. Cette manière de procéder permettrait d’enclencher un processus d’accompagnement dans la durée. Les médecins généralistes pourraient constituer un des leviers de ce processus d’accompagnement. Ceux-ci rappellent qu’en tant qu’intervenant de la première ligne, ils sont souvent un point de chute ou d’attache du patient pour un travail sur le long cours. Les médecins généralistes que nous avons écoutés soulignent que le travail dans la complémentarité – où la spécificité et le rôle de chacun sont reconnus – est utile à l’ensemble. La pratique de terrain des médecins généralistes comme celles dont témoignent plusieurs psychiatres montre la nécessité de passer à un mode de réflexion globale, dans des logiques qui ne s’opposent pas mais qui s’enrichissent de leur complémentarité et de leur incomplétude. La question de l’adhésion au projet thérapeutique Si cette question de l’adhésion au projet thérapeutique traverse toute la psychiatrie, elle revêt un caractère particulier quand il y a une injonction aux soins, celle-ci étant sans doute difficile à articuler avec le travail thérapeutique en tant que tel. Le risque est celui d’assister à une collusion du contrôle prenant le pas sur la (re) construction du projet thérapeutique. Ceci ne remet pas en question la nécessité de majorer le dialogue entre les soignants et la justice mais il s’agit avant tout de susciter la motivation du justiciable pour qu’il s’approprie la demande de suivi. Alors l’obligation d’un suivi peut devenir un levier thérapeutique réellement investi. Déstigmatiser et informer Comment éviter l’exclusion de certains patients dans certaines structures d’accueil ? Il y a un vrai travail d’information à mener auprès de l’ensemble des partenaires potentiels. Certaines institutions le mènent déjà depuis quelques années et commencent à en ressentir les effets (information auprès des maisons d’accueil, informations sur ce qu’implique pour la prise en charge de certains patients le statut de « défense sociale », etc.). L’« empowerment », le rétablissement des personnes dans leur dignité et leur autonomie Si l’« empowerment » est une des finalités de la « psychiatrie sociale et communautaire » visant le rétablissement de liens sociaux, les diverses contributions ont accentué la nécessité d’inscrire l’« empowerment » dans un processus temporel, tenant compte du fait que le « temps de la souffrance » doit pouvoir se déployer « sans limite de temps » à l’intérieur des institutions. A partir de la question du réseau du patient, il a été mis en avant que plusieurs réseaux sont à prendre en considération : le réseau de vie du patient, le réseau de soutien primaire mais aussi secondaire (santé et social) ; le réseau associatif mais aussi le réseau spécialisé. Bref, il s’agit de travailler sur le large réseau de soins et d’aide. Les relations interpersonnelles et la confiance élaborée à partir du travail en commun autour du patient sont apparues au travers des diverses communications et tout au long de nos travaux préparatoires à cette journée d’étude comme étant de précieux outils, outils que nous comptons peaufiner et enrichir au fur et à mesure de nos collaborations futures.

Documents joints

Cet article est paru dans la revue:

Santé conjuguée, n° 59 - janvier 2012

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En matière de drogues, Psytoyens souligne l’importance de la prévention, notamment sous certains de ses aspects moins abordés, de la formation et du soutien des acteurs, et d’une prise en charge non stigmatisante s’installant dans la(…)

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