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Le bâtiment : des normes et des valeurs

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Santé conjuguée n° 73 - décembre 2015

Depuis 2004, Bernadette Witters est inspectrice des associations de santé intégrée pour l’Administration wallonne. Cela fait une bonne dizaine d’année qu’elle parcourt le territoire wallon pour visiter les maisons médicales qui y sont disséminées. L’objectif : les contrôler, mais aussi les conseiller. Les questions architecturales sont au coeur de son travail.

Santé conjuguée (Sc) : Le premier rôle de l’inspection consiste à contrôler les maisons médicales. Quels sont les différents pans de ce travail ? BW : Il faut contrôler pour vérifier que l’argent public sert bien à ce à quoi il doit servir. Nous sommes chargés de vérifier si les normes reprises dans le décret sont respectées. Si ce n’est pas le cas, nous donnons aux associations de santé intégrée des délais dans lesquels elles devront se mettre en ordre. Ces normes portent tant sur la sécurité, la composition de l’équipe, les heures d’ouverture, les missions (l’accueil, la coordination, le fait de faire de la santé communautaire, de faire autre chose que de la santé curative), le respect du secret médical et de la vie privée des gens… C’est là aussi qu’on retrouve les normes architecturales. Aujourd’hui, nous allons mettre en place une nouvelle manière d’inspecter, qui va prendre la forme d’une évaluation participative. Normalement, elle aura lieu tous les deux ans. Sc : Vous avez aussi un rôle de conseil… BW : Oui, un rôle de conseil, où l’aspect plus qualitatif prend beaucoup plus d’importance qu’auparavant. Le changement de législation a voulu mettre l’accent sur le fait d’épauler les structures existantes, mais aussi les nouvelles structures. Sc : En matière architecturale, quels sont les éléments prescrits par le décret ? BW : Tout d’abord, les normes de sécurité doivent être rencontrées. Nous devons recevoir un rapport positif des pompiers. Portes coupe-feu, etc., il faut que les aménagements aient été faits en ce sens. On demande aussi que la maison médicale soit accessible aux personnes à mobilité réduite et qu’il y ait un confort minimal au niveau du chauffage, de la salle d’attente et des cabinets1. Les lieux doivent aussi permettre la confidentialité et le respect du secret médical. Cela doit se traduire, par exemple, par une acoustique adaptée ou par des fenêtres qui peuvent être occultées. Tout cela est repris dans l’arrêté d’application du décret. Tous ces éléments sont travaillés avec les associations de santé intégrée de manière à ce qu’elles y arrivent. Évidemment, cela a un coût. Les associations de santé intégrée débutantes peuvent aménager certaines choses de manière provisoire, avant de se mettre en conformité de manière plus pointue. L’important, au départ, c’est que la sécurité du personnel et des patients soit assurée, de même que la confidentialité et le respect de la vie privée. Si on agrée une structure, elle doit aussi respecter les autres législations de la région et du fédéral. La sécurité ou l’hygiène, par exemple, ce ne sont pas des normes spécifiques aux associations de santé intégrée, mais elles ont été intégrées. C’est aussi le cas de la mobilité et de l’accessibilité. Sc : La confidentialité à l’accueil, c’est une bonne intention, mais ce n’est pas forcément évident à mettre en place… BW : Tout à fait. Il y a des accueils tout à fait ouverts. Certaines équipes veulent maintenir ces accueils ouverts pour des raisons qui leur sont propres et défendables. Ils ont alors des pièces où ils peuvent recevoir les personnes si elles manifestent le souci de pouvoir parler plus facilement de problèmes qui ne regardent pas les autres. Sc : D’une manière plus générale, quels sont les éléments auxquels vous portez attention ? BW : Il faut que le personnel ait un minimum de confort de travail. Le bien-être au travail passe aussi par un cadre de travail correct au niveau architectural. C’est vrai pour l’équipe, tout comme pour les gens qui se rendent dans la maison médicale : accueillir des patients dans des locaux conviviaux et accessibles à tout le monde, c’est important. Quand je parle d’accessibilité, ce n’est pas seulement en termes de mobilité, mais aussi de personnes différentes culturellement, socialement. Il faut que chacun puisse être accueilli de la même manière. Les équipes font de plus en plus attention à ce genre de choses quand elles font des travaux, qu’elles achètent, qu’elles rénovent… Sc : Certaines maisons médicales louent un bâtiment ou rénovent une vieille bâtisse. Certaines contraintes liées à ces lieux sont difficiles à corriger… BW : Quand elles louent, ce n’est pas toujours évident en effet. Il y a toujours des associations de santé intégrée avec des marches à l’entrée. Or de plus en plus de personnes à mobilité réduite veulent faire les choses par elles-mêmes et c’est bien normal. Donc une association de santé intégrée doit être accessible à tout le monde. Cela va de soi que tout soit mis en place pour que chacun se sente à l’aise. Mais il y a des bâtiments où certaines choses ne sont pas possible. Il faut goupiller tout ça. Sc : Les maisons médicales d’aujourd’hui sont-elles différentes de celles d’il y a dix ans ? BW : Oui, il y a une évolution positive à tous les niveaux. Ma collègue, qui a connu les associations de santé intégrée beaucoup plus tôt, m’a décrit des bâtiments très vétustes, des maisons où les pièces étaient devenues des cabinets, mais sans plus. En matière de sécurité, les associations de santé intégrée ne savaient pas de quoi cela retournait, n’étaient pas forcément en ordre au niveau de leur assurance incendie, tout cela leur échappait. Aujourd’hui, ces réflexions viennent de l’équipe et parfois même des patients. Des comités de patients réfléchissent à ce que ces préoccupations soient mieux rencontrées. Évidemment, les associations de santé intégrée plus anciennes ont une réflexion beaucoup plus longue par rapport à ces questions. Elles ont aussi souvent davantage de budget à y consacrer qu’une association de santé intégrée qui démarre. Pour celle-ci, la priorité est avant tout de soigner les patients. Ce n’est que plus tard qu’elle pourra réfléchir à faire de la santé autrement. Ce qui se marque aussi au niveau architectural. Mais globalement, les maisons médicales sont plus attrayantes qu’avant. Certaines semblaient rébarbatives. Rien n’était mis en place pour que les gens s’y sentent bien. Or on s’y rend quand on a des problèmes de santé, donc se sentir bien, c’est important. Sc : Un lieu qui a une image spécifique de lieu de soin, c’est plus attirant qu’une vieille maison dans une rue ? BW : Non, ce n’est pas ce que je veux dire. Le fait d’être médicalisé en apparence, trop « net » ou trop « hôpital », ce n’est pas non plus ce qu’on demande. La santé communautaire est très importante. Pour que le patient devienne acteur de sa santé, il doit se sentir bien dans ces structures, un peu « comme chez lui ». La maison médicale doit rester conviviale et abordable à tous les points de vue. C’est une maison de soin, mais qui va au-delà du soin tel qu’on le conçoit habituellement. 

Documents joints

  1. On parle bien, ici, des cabinets médicaux.

Cet article est paru dans la revue:

Santé conjuguée, n° 73 - décembre 2015

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