Aller au contenu

La maison médicale, un point de repère


Santé conjuguée n°83 - juin 2018

Arlon : une petite ville et une petite prison. L’équipe de la maison médicale rencontre et soigne régulièrement d’anciens détenus, et aussi leur famille ou leurs proches. Ici, tout le monde se connaît. Si on ne veut plus faire parler de soi, il faut déménager…

Nous comptons aussi des victimes dans notre patientèle. Un de nos patients précédemment condamné pour faits de violence s’est vu interdire tout contact avec son ancienne compagne, patiente elle aussi de la maison médicale. Les voici tous deux reliés à un endroit où ils vont être régulièrement suivis… Comment cela va-t-il se passer ? Qui gagne dans ces cas-là, la justice ou les soins ? Les consultations sur rendez-vous sont plus simples à gérer. Il nous arrive de recevoir des patients porteurs d’un bracelet électronique, ils sont soumis à des horaires précis. Nous nous organisons en fonction. En général, les patients qui ont séjourné en prison étaient déjà inscrits chez nous auparavant. Durant la détention, leur inscription à la maison médicale est suspendue parce qu’ils n’ont plus de mutuelle. Revenir vers nous après une période d’incarcération est sans doute une démarche plus facile que d’aller consulter ailleurs. Avoir plusieurs disciplines autour d’eux – médical, social, infirmières, kinés, accueillantes qui les écoutent – fait qu’ils reviennent en quelque sorte à la maison. C’est un point de repère. Certains font des allers-retours réguliers, davantage pour une accumulation de petits délits que pour de lourdes peines. Il y a un gros trafic de drogue dans la région. Une tranche de la population, de jeunes adultes toxicomanes, a régulièrement affaire à la justice. De la prison, ils ne parlent pas volontiers, mais après une longue absence de la maison médicale, ils nous informent généralement de la raison. Ce ne sont pas des choses qui apparaissent dans le dossier patient informatisé… Certains sont contraints à une surveillance régulière, à des prises de sang pour le contrôle des addictions, par exemple. La discussion avec le médecin ne porte pas que sur leur santé, mais aussi sur leur crainte des sanctions, sur les procédures, sur l’utilité d’aller en appel. Nous avons aussi des patients dont le conjoint ou un autre membre de la famille est incarcéré. Ces personnes-là se livrent peut-être un peu plus. Elles en souffrent. L’une d’elles m’en parle régulièrement, pas ouvertement, mais on voit clairement que ses activités, que tout ce qu’elle fait, y est rattaché.

Le soutien du réseau

Portes Sud fait partie du réseau Radarel, qui réunit une dizaine d’associations et de services de la région. On y aborde les situations qui ont un lien avec au moins trois intervenants différents. Ces personnes savent qu’on va parler d’elles, que l’objectif de ces rencontres est d’optimiser les actions sociales et d’éviter les redondances. On suit actuellement deux détenus. L’un est âgé d’une vingtaine d’années, il a obtenu une autorisation de sortie pour assister sa compagne qui est enceinte. Notre rôle est de voir comment l’accompagner dans sa réinsertion. Le réseau permet de multiplier les points de vue. Le mien est celui d’une éducatrice spécialisée, mais j’apporte aussi celui de mes collègues de Portes Sud. Le secret professionnel est de rigueur et il faut faire la part des choses entre ce que je peux rapporter aux membres de Radarel et, au retour, à mes collègues soignants. L’idée n’est pas que la personne ne nous confie plus rien, mais que l’on avance et qu’on l’aide.

Documents joints

Cet article est paru dans la revue:

Santé conjuguée, n°83 - juin 2018

Introduction

La situation vécue dans nombre de prisons n’est pas sans faire écho aux répliques finales d’Electre, la tragédie grecque réinterprétée par Jean Giraudoux au siècle dernier : « La femme Narsès : Comment cela s’appelle-t-il, quand le jour(…)

- Benoit Dejemeppe

Le contrôle citoyen des prisons

Que savons-nous des détenus à leur entrée en prison ? Quels sont leurs besoins spécifiques ? L’incarcération a-t-elle un impact sur leur état de santé ? Les services de santé sont-ils équipés pour faire face aux(…)

- Yves de Locht

De qui et de quoi parlons-nous ?

Depuis des années, les soins de santé dans les prisons belges sont pointés du doigt par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains et dégradants (CPT), l’Observatoire des(…)

- Marie Dauvrin, Marijke Eyssen, Patriek Mistiaen, Dominique Roberfroid,Dominique Roberfroid, Lorena San Miguel, Irm Vinck

L’hôpital sous les verrous

Pour tous ceux qui s’intéressent aux détenus, le constat en matière de soins de santé reste depuis plusieurs décennies inquiétant et d’une complexité qui rend toute réflexion plus que nécessaire.

- Gaëtan de Dorlodot

L’internement en prison

Quelle est la situation des personnes internées se trouvant actuellement en établissement pénitentiaire ? Qui sont-elles et quelles sont leurs perspectives ?

- Patricia Jaspis

Les exclus de la Sécurité sociale

Même si la pauvreté est un facteur favorisant le délit, la prison, suivant un schéma de « less eligibility » (moindre éligibilité), s’attelle à l’accentuer voire la radicaliser en son sein, pour figurer comme repoussoir, croyant(…)

- Véronique van der Plancke

« La santé n’est pas du tout la priorité »

Avant de travailler à la maison médicale Cap Santé, à Huy, Claire Trabert était médecin généraliste dans deux établissements pénitentiaires de la région. Elle revient sur ses motivations, et aussi sur les raisons pour lesquelles elle(…)

- Pascale Meunier

Des tout-petits derrière les barreaux

Le socle affectif et social de base de l’individu se constitue pendant les premières années, et avoir un lien privilégié ou un « attachement » avec l’une ou l’autre personne (les parents en priorité) en est(…)

- Cécile Lamproye, Marylène Delhaxhe

La maison médicale, un point de repère

Arlon : une petite ville et une petite prison. L’équipe de la maison médicale rencontre et soigne régulièrement d’anciens détenus, et aussi leur famille ou leurs proches. Ici, tout le monde se connaît. Si on ne(…)

- Stéphanie Reuter

Soignant/soigné, une relation au coeur d’enjeux éthiques

La prison n’est pas un lieu de soin. Ce n’est pas sa vocation. Et si elle est théoriquement un lieu de préparation à la réinsertion, elle reste majoritairement, au vu de la manière dont elle est(…)

- Vinciane Saliez

La promotion de la santé en milieu carcéral

Depuis 2000, le Service éducation pour la santé (SES) mène des projets de promotion de la santé auprès des personnes détenues et du personnel pénitentiaire en Wallonie et en Région bruxelloise. Ces actions portent sur la(…)

- Hélène de Viron, Sabine Scruel

Pour une réforme des soins de santé en prison

Le Centre fédéral d’expertise des soins de santé (KCE), avec la collaboration d’équipes de recherche externes, a élaboré différents scénarios de changement sur base de la littérature, de visites de terrain et d’entretiens avec des acteurs-clés(…)

- Marie Dauvrin, Marijke Eyssen, Patriek Mistiaen, Dominique Roberfroid,Dominique Roberfroid, Lorena San Miguel, Irm Vinck

Transfert des compétences : sujet sensible ?

Octobre 2017, le Centre fédéral d’expertise en soins de santé (KCE) présentait son rapport sur les soins de santé en prison. Sa principale recommandation : transférer la compétence des soins de santé dans les établissements pénitentiaires(…)

- Marinette Mormont

Les pages ’actualités’ du n°83

Le médecin généraliste, acteur incontournable de la santé mentale

Le Livre noir de la santé mentale à Bruxelles est une chronique inédite et édifiante des conséquences du sous-financement structurel de la première ligne de soins en santé mentale et des politiques de bien-être dans la(…)

- Alain Devaux

Le développement des soins de santé primaires au Vietnam

Au début des années 2000, la médecine de famille n’existait pas au Vietnam. Depuis près de quinze ans, des universités et hautes écoles de la Fédération Wallonie-Bruxelles accompagnent ce pays dans la mise en oeuvre de(…)

- Simon Elst

La pleine conscience, une approche complémentaire pour les maisons médicales

Le service prévention tabac du FARES promeut depuis 2015 la méditation de pleine conscience comme stratégie de gestion des assuétudes et de promotion de la santé.

- Berengere Janssen, Cédric Migard, Jeanne Dupuis

Olivier Chastel : « Garantir l’accessibilité et la performance des soins de santé »

Le président du Mouvement réformateur (MR) et le secrétaire général de la Fédération des maisons médicales s’accordent sur cet idéal, mais leurs voies pour l’atteindre divergent. Et les désaccords n’empêchent pas de dialoguer. Entretien croisé autour(…)

- Christophe Cocu, Olivier Chastel, Pascale Meunier

Pensionné de quoi ?

Reculer l’âge de la pension, est-ce la réelle solution ? Ou le problème est-il plus insidieux que ce qu’on entend des débats ces dernières semaines ? La vraie réflexion ne devrait-elle pas partir du sens profond que les(…)

- Dr Hubert Jamart

Olivier Chastel : « Garantir l’accessibilité et la performance des soins de santé »

Le président du Mouvement réformateur (MR) et le secrétaire général de la Fédération des maisons médicales s’accordent sur cet idéal, mais leurs voies pour l’atteindre divergent. Et les désaccords n’empêchent pas de dialoguer. Entretien croisé autour(…)

-