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L’infirmier bachelier spécialisé en santé communautaire : collaboration entre la santé et le social. Pour quelle pratique, pour quels besoins ?


Santé conjuguée n° 46 - octobre 2008

C’est probablement l’une des premières professions du champ de la santé à avoir renversé le paradigme ancien qui attribuait au social et au communautaire un rôle négligeable dans l’action de santé. Aujourd’hui, l’apport des infirmiers bacheliers en santé communautaire représente un élément essentiel des soins de santé primaires.

L’infirmier communautaire se situe comme l’agent de santé spécialisé de première ligne. Il travaille principalement en dehors des institutions hospitalières, mais peut être rattaché à un hôpital ou à un centre intégré dans une équipe multidisciplinaire. Sa pratique, selon la ’politique de Santé pour tous’, s’appuie essentiellement sur les principes inhérents à l’approche des soins de santé primaires. En effet, la Conférence d’Alma Ata (OMS 1978) a donné un réel sens au concept de soins de santé primaire en mettant la lumière sur l’accessibilité des soins. La population doit pouvoir bénéficier de soins psycho-médicosociaux de qualité, continus, tout en intégrant l’approche curative, préventive et de revalidation : force a été de constater que faire prévaloir ce type d’approche nécessitait une réelle révolution des mentalités dans les milieux de la santé mais également auprès des différents intervenants et de la communauté elle-même. L’infirmier en santé communautaire va donc, en fonction d’Alma Ata et ensuite d’Ottawa, se centrer sur : -la promotion et le maintien de la santé ; -la prévention ; -la réadaptation dans la Communauté (mala des, personnes handicapées,…). Il se situe comme : – la clé de voûte des programmes de santé com munautaire ; -la cheville ouvrière active dans le cadre de l’élaboration recherches-actions en santé communautaire Nous allons le retrouver dans les domaines : • de la santé familiale : -centres de planning familial, Office de la naissance et de l’enfance (ONE) ; – crèches, pouponnières, maisons maternelles ; • de la santé scolaire ; • des hospitalisations : -service social des hôpitaux et des gardes, soins à domicile ; -coordination, hospitalisation à domicile ; -maisons médicales, réseaux de santé ; • de la santé mentale : centres de guidance secteurs psychiatriques, hôpitaux psychiatriques, centres de crise et gardes ; • de la santé au travail ; • de l’aide aux personnes âgées : psychogériatrie, maintien à domicile, direction de home, de maison de repos et de soins ; • de la réadaptation : -handicapés, patients chroniques, maltraitance ; – toxicomanie, milieu carcéral prostitution, autres. Cet infirmier va évoluer dans la communauté et tentera de travailler avec la population et d’identifier avec elle, les besoins et les problèmes. Dans cette réalité, il va, avec les différents partenaires s’appuyer sur les attentes et la participation des usagers, mettre en place ou participer à des projets communautaires. Ce profil de professionnels, qui a maintenant près de 15 ans en Communauté française se calque essentiellement sur le profil infirmier rencontré au Québec dans le cadre des centres locaux de services de santé et sociaux (CLSS). Comment devenir infirmier en santé communautaire ? La spécialisation porte sur une année et est sanctionnée par un diplôme d’enseignement supérieur paramédical de type court de plein exercice. Le candidat doit être diplômé infirmier bachelier (ou anciennement gradué) ou autres spécialités. Cette année spécifique du programme d’infirmier( e) gradué(e) en santé communautaire s’attache plus particulièrement à développer les connaissances relatives à la santé communautaire et au service social.

L’axe de formation

Le milieu médical et paramédical est formé principalement dans le monde hospitalier et sa formation est essentiellement centrée sur le soin et la maladie. L’infirmier va donc ici se situer comme agent de santé, dans une logique positive par rapport à la promotion et la qualité de vie. Il pourra analyser l’impact du psycho-social sur la santé. Une médicalisation, une prolongation d’hospitalisation, une difficulté de prise en charge ambulatoire sont souvent plus liés à la précarité, l’inadéquation des logements et surtout à un manque de cohésion familiale et sociale qu’au tableau clinique proprement dit. Le développement communautaire s’inscrit dans une réalité politique. L’évolution exponentielle des coûts de santé, le vieillissement de la population et surtout le nombre croissant d’une population dépendante et fragilisée a permis de repenser ce nouveau type d’approche. On constate que si les mentalités évoluent, les rapports de force sont pour le moins inégaux et que le pouvoir est essentiellement à l’économique et à une médecine qui a priorisé l’acte technique. Porter une attention sur les causalités des symptômes paraît donc essentiel. La formation se focalise également sur : • l’intérêt du travail en réseaux, des logiques interdisciplinaires tout en cherchant des politiques transversales ; • sur le développement des logiques participatives centrées sur l’échange des savoirs, comment provoquer un changement au niveau des mentalités des différents acteurs du terrain. Elle va clarifier le nouveau cadre éthique, la nouvelle ventilation de responsabilités que l’approche communautaire apporte et positionner les différents intervenants du réseau de première ligne comme agents de changement. La conférence d’Alma Ata permet d’anticiper le problème et de donner donc sens à la qualité de la vie, a mis les jalons des soins de premières lignes comme préoccupation internationale. De nombreux décrets au sein de la Communauté ont relayé ces préoccupations. On peut donc se satisfaire de la nouvelle place donnée à la Santé mais un projet communautaire devient réalité si celui-ci peut s’intégrer dans un choix sociétal global, où chacun trouve sa place dans un réel système solidaire et universel, où l’économique n’est pas le maître du jeu.

Documents joints

Cet article est paru dans la revue:

Santé conjuguée, n° 46 - octobre 2008

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