A Schaerbeek, les patients et les soignants des maisons médicales Alpha Santé et du Noyer se mobilisent pour défendre notre système de protection sociale.
C’est au cours des mobilisations citoyennes contre le traité de libre-échange transatlantique (TTIP), puis contre l’accord économique et commercial global entre l’Union européenne et le Canada (CETA) que se sont renforcés les liens entre les maisons médicales Alpha Santé et du Noyer à Schaerbeek [1]. En réaction aux risques de privatisation et de commercialisation accrues du secteur des soins de santé, des soignants et des patients se sont organisés pour sensibiliser leurs pairs. « Nous voulions pointer le danger de voir une santé publique de plus en plus privatisée et organisée à deux niveaux, un pour les pauvres et un pour les riches », explique Hilda Philippart, patiente à la maison médicale Alpha Santé.
L’alliance avec un groupe de citoyens schaer-beekois, l’interpellation du Conseil communal pour tenter de faire de Schaerbeek une « zone hors TTIP », la participation à de nombreuses manifestations, la publication d’une carte blanche dans la presse [2] et d’une brochure à disposition dans les salles d’attente de leurs maisons médicales sont quelques-unes des actions entreprises par ce collectif militant.
Développer le sens critique
La prise de conscience s’étend. « Le système qui protège la population est de plus en plus mis à mal. Il n’est plus le même pour tout le monde puisque les allocations familiales, par exemple, ont été régionalisées », relate Anne Lixon, assistante sociale à la maison médicale Alpha Santé en charge des projets de santé communautaire. Après s’être documenté, le groupe s’engage dans la défense de notre système de protection et de sécurité sociale et entend déconstruire les préjugés. « Beaucoup de gens ne se rendent pas compte de l’importance de la sécurité sociale, constate-t-elle. Il nous paraissait essentiel aussi de déconstruire l’idée qu’il faudrait à tout prix faire des économies, en montrant l’importance de la participation des grandes entreprises au système de protection sociale, au travers des impôts notamment. »
Le collectif a organisé une animation sur la sécurité sociale au CPAS de Schaerbeek ainsi qu’une animation à la Maison des femmes lors des élections communales de 2018 en vue d’analyser les programmes des partis politiques au regard des enjeux de la protection sociale. « Au CPAS, nous cherchions à sensibiliser un public plus précaire sur ce qu’est la sécurité sociale, son histoire, les piliers qui la composent, la manière dont elle est financée, ses raisons d’être et ce qu’il adviendrait si elle disparaissait », raconte Hilda Philippart. Certaines personnes sont originaires de pays où un tel système n’existe pas. « Elles ne s’imaginent pas qu’il a été obtenu de haute lutte et que cette lutte doit continuer pour le sauvegarder ! », ajoute Anne Lixon. Plus tôt, le collectif avait passé au crible les mesures d’économies réalisées dans le secteur des soins de santé sous le gouvernement Michel. Parmi d’autres mesures d’austérité, il dénonçait l’augmentation du ticket modérateur, la remise au travail des personnes en incapacité de travail de longue durée ou encore la diminution du nombre de lits dans les hôpitaux.
Le collectif se réunira prochainement pour déterminer les questions sur lesquelles ses membres souhaitent se mobiliser. « Il faudra adopter un regard encore plus critique par rapport à la gestion de la crise sanitaire du Covid-19 et son impact sur la sécurité sociale », estime Anne Lixon. Sans oublier la question de « la revalorisation du statut et des conditions de travail du personnel soignant dans tous les lieux de première ligne », complète Hilda Philippart.
[1] Voir le dossier « Europe et marchandisation des soins – Politiques et résistances », Santé conjuguée , n° 69, décembre 2014 ; F. Defrenne, « Libéralisation, commerce, CETA… Une mécanique en marche », www.maisonmedicale.org, juin 2017.
[2] H. Philippart, J. Rossi, « Les maisons médicales disent non au TTIP », La Libre , 4 juin 2015.
Cet article est paru dans la revue:
Santé conjuguée, n°96 - septembre 2021
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