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« Communauté » et solidarités de proximité : prétexte, emplâtre ou levier ?


Santé conjuguée n° 76 - septembre 2016

Jusqu’ici dans ce dossier, nous nous sommes centrés sur les services de santé et l’accès à ceux-ci. Or les premières ressources en santé se trouvent à « l’échelon zéro » du système de santé, au plus près de la personne. Il s’agit des ressources propres à l’individu, de celles qu’il peut trouver dans sa famille, son entourage proche, son quartier… au cœur-même de la communauté. Si la couverture sanitaire universelle s’organise à un niveau global, les solidarités de proximité ont-t-elles un rôle à y jouer ? Quel est le sens des attentions accordées par les pouvoirs publics à cet échelon du système ? Quels liens y a-t-il avec l’« action communautaire » en santé ?

Parler de communauté dans notre culture, n’est-ce pas presque devenu saugrenu ou réservé à ceux issus d’une autre culture ? Ce terme évoque souvent même le religieux voire le sectaire. Il y a en effet bien longtemps que nous naviguons dans une société où se cultive l’individualisme et la méritocratie, où chacun est considéré comme responsable de lui-même et de son parcours, quels que soient son environnement initial et les embûches qu’il rencontre… Et quand on parle de « renforcement de la communauté », cela n’évoque-t-il pas pour beaucoup la notion de repli identitaire, de frontières culturelles ?

Définitions

La communauté, nous dit le dictionnaire Larousse, est un « Ensemble de personnes unies par des liens d’intérêts, des habitudes communes, des opinions ou des caractères communs ». « Les membres d’une communauté sont liés à des degrés variables par des caractéristiques politiques, économiques, sociales et culturelles communes ainsi que par des intérêts et des aspirations communs, y compris en matière de santé. Selon Jacques Bury (1988) « le groupe ne devient communauté que lorsque certaines circonstances lui permettent de prendre conscience de relations privilégiées entre des membres et du fait que ces relations autorisent des changements sociaux impossibles à réaliser autrement ; en d’autres termes, lorsqu’apparaît une conscience communautaire » »[E]. Pour nombre de travailleurs sociaux, de l’éducation permanente, de la santé, l’action communautaire constitue en effet une stratégie d’action pour le changement. Elle vise à identifier les besoins et ressources des communautés et à renforcer et diversifier ces dernières pour répondre aux premiers ; elle peut aller jusqu’à l’action citoyenne et politique. « L’action communautaire désigne toute initiative, issue de personnes, de groupes communautaires, d’une communauté (géographique locale, régionale, nationale ; d’intérêts ; d’identités) visant à apporter une solution collective et solidaire à un problème social ou à un besoin commun. » [J]. L’action communautaire est donc d’abord une action citoyenne avant d’être une stratégie d’action professionnelle. Prenons le temps de regarder de plus près ce qui se joue en santé à l’intérieur de « la communauté ».

L’« échelon zéro » en pratique

De la grand-mère « toujours disponible », au petit-fils qui fait volontiers les courses, en passant par la famille proche ou les voisins qui assurent les soins et l’aide quotidienne nécessaire à un malade ou une personne handicapée… De l’écoute bienveillante de la voisine d’en face, en passant par le groupe de mamans qui papote tous les mercredis matin devant l’école, ou le café du coin qui permet de sortir de chez soi et de voir du monde… Il s’agit de ces lieux et de ces personnes qui nous permettent d’accéder à nos propres ressources et de les développer grâce à l’échange, de savoirs, de services, d’écoute… Une panoplie de prévention et d’informations en matière de santé potentiellement vaste. Prévention par le développement de lien social qui renforce la santé en rompant un isolement nocif, ou par l’échange d’astuces pour une alimentation saine par exemple. Pistes d’« auto-soin » par l’échange de remèdes « de grand-mère » pour les maux de l’hiver ou autres petits soucis qui permettront parfois d’éviter une consultation médicale. Si ce type de ressources et d’échanges dans la communauté s’est réduit avec la montée en puissance de l’individualisme et de la logique de concurrence prônés par le libéralisme, il reprend de l’ampleur ces dernières années. Grâce à des dynamiques de quartier qui se relancent, des alternatives qui se multiplient tels les services d’échanges locaux (SEL), les réseaux d’échanges de savoirs (RES), mais aussi les potagers collectifs et autres groupes citoyens qui créent aussi de la convivialité et par là-même de la santé ! S’y ajoutent aussi les groupes d’entraide centrés sur des problèmes de santé spécifiques où l’on s’apporte du soutien moral en même temps que de précieuses informations issues de l’expérience, et bien plus (voir plus loin). Et de nouvelles formes d’échange émergent comme divers projets de lieux de rencontres tels que les « cafés des familles » ou encore les « cafés santé »1. Le Réseau santé du Vieux Sainte-Anne « Durant l’hiver 1978-79, des habitant(e)s de ce quartier de vieilles maisons ouvrières à Auderghem se sont mobilisé(e)s à la suite du décès d’un voisin dans un grand dénuement. Choqué(e)s, alors qu’ils et elles se trouvaient déjà dans une logique de solidarité de bon voisinage, une première solution a été imaginée : un calendrier visible de l’extérieur de la maison où les pages sont arrachées au fur et à mesure. Si une page n’est pas arrachée, cela signifie qu’il y a un problème. Un médecin a été mis dans le coup, puis un deuxième… En parallèle se mettait en place à Boitsfort un système d’hospitalisation à domicile, qui a inspiré le quartier. Le réseau s’est construit avec une quinzaine de jeunes dont la tâche était de rendre de petits services à gauche et à droite. La nécessité d’un(e) animateur/ trice professionnel(le) s’est fait sentir, mais aussi le décalage entre bénévoles et professionnel(le)s. » [H]

Accessibilité, reconnaissance et professionnalisation

Pour une réelle accessibilité à tous et pour que ces dynamiques ne s’épuisent pas avec ceux qui les portent, un encadrement et/ou un soutien professionnel ou institutionnel semble cependant souvent nécessaire. Ainsi par exemple : « Certaines critiques fleurissent et pointent des mécanismes de reproduction des inégalités sociales au sein des services d’échange locaux tous modèles confondus. Par exemple, l’utilisation d’outils numériques pour la gestion des échanges de services peut contredire l’accessibilité des plus précarisés. […] Dans le modèle, tout le monde peut adhérer aux SELs, mais dans les faits, le public est moins diversifié. Le profil des adhérents, en théorie très éclectique, glisse vers un profil militant. Une étude […] concernant la question de la composition de certains SELs en Belgique met d’ailleurs en exergue le fait que la majorité des membres sont des femmes, dans la tranche d’âge entre 30 et 50 ans, ayant un bon niveau d’éducation (bachelier ou master pour 84% d’entre elles) et ne connaissant pas de situations de détresse, entre autres financières. Il semblerait donc que le public précarisé soit moins représenté, car « il existe une corrélation entre le niveau de politisation et le niveau d’instruction […] “, lui-même corrélé à l’origine sociale. […] ».[N]. C’est ainsi qu’est né progressivement le concept d’« accorderie » qui, contrairement aux SELs issus d’initiatives citoyennes, « se développent généralement grâce au soutien de certaines collectivités locales ou d’associations actives dans la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Outre l’apport financier qui en résulte, cette caractéristique explique également que celles-ci soient plus directement tournées vers des publics précarisés. »[B]. Dans le secteur de la santé plus spécifiquement s’est créée en 1999 la Ligue des usagers des soins de santé (voir l’article page 65) pour fédérer et venir en soutien aux associations de patients, groupes d’entraide (voir encadré ci-dessus) qui concernent une maladie, un handicap, un problème social ou autre préoccupation en lien avec la santé, et plus largement pour faciliter leur participation aux politiques de santé. Au fil des années, la Ligue des usagers des soins de santé a obtenu une reconnaissance croissante des différents niveaux de pouvoir et s’est professionnalisée. Parmi ses membres, l’association Aidants proches2. Celle-ci a obtenu en juin 2014 la reconnaissance d’un statut social d’aidant proche. Les chercheurs qui se sont penchés sur les enjeux d’une telle reconnaissance se sont d’abord demandé si la solidarité devait toujours être encadrée ou si au contraire elle ne pouvait pas exclusivement rester dans la sphère privée et spontanée. » [F, p.7] Ce chemin de professionnalisation des ressources de la communauté se poursuit jusqu’à l’émergence de la fonction de pair-aidant (voir encart page suivante) ou « experts du vécu » employé au sein d’une équipe ou consultant pour celle-ci. Intervisions, supervisions et programmes de formation spécifiques (à l’université de Mons) ont déjà été mis en place alors que le statut de pair-aidant n’a pas encore d’existence légale. Cette professionnalisation a(ura) certainement des effets multiples. Ainsi, Aurélie Ehx de L’Autre Lieu[D] soulève la question de la transformation de la relation quand on passe d’un mode d’échange fondé sur l’entraide gratuite (don et contre-don) à une relation basée sur le salariat. Elle pointe aussi le risque d’instauration d’« une hiérarchie entre une personne aidante, donc supérieure, et une personne aidée, donc inférieure » et celui de voir s’installer une relation de dépendance. Plus globalement, au niveau de l’organisation des soins et du système de santé, selon l’asbl Psytoyens[L], cette nouvelle fonction « ambitionne de bousculer les évidences en matière d’intervention sociale ». Comme le relève Aurélie Ehx, « si le soignant n’est plus considéré comme le seul “expert”, n’y aura-t-il pas de nouvelles modalités de relation au sein du système de santé ? ». Des effets en termes de déstigmatisation et d’intégration se laissent déjà entrevoir également. Les groupes d’entraide ou self help Les fonctions que peuvent remplir les groupes de self help sont nombreuses. Soutien individuel, aide sociale, administrative, juridique (dont accès à une aide matérielle). Information des membres et du grand public. Information aussi des professionnels de santé vis-à-vis desquels il est parfois nécessaire de jouer le rôle de contrepoids, à un niveau individuel mais surtout collectif en favorisant une participation aux prises de décision des patients concernant leur santé. Cette fonction politique est soutenue par le travail de la Ligue des usagers des soins de santé à laquelle ils sont généralement affiliés. Selon les auteurs, la multiplication des groupes d’entraide est expliquée de différentes manières : faiblesse des réseaux familiaux et de voisinage, émergence d’une idéologie de l’indépendance pour solutionner ses difficultés, meilleur niveau d’éducation et accès plus aisé aux informations, insatisfactions des patients vis-à-vis des professionnels de la santé notamment en raison d’un manque d’attention de ceux-ci aux aspects psychosociaux de l’aide… Pour certains cependant, cette multiplication aurait pris source dans une démarches des médecins et des professionnels de la santé et leurs finalités auraient été beaucoup plus déterminées par les soignants que par les patients eux-mêmes… [C] Pair-aidance et expert du vécu « La pair-aidance est une fonction innovante qui privilégie l’expertise du vécu, les liens sociaux, l’entraide, le soutien moral, la participation et la citoyenneté. » (« La pair-aidance en santé mentale et précarité », Formation organisé par Université de Mons, en sciences de la famille). « Un pair-aidant est un usager ou ex-usager de services de soin en santé mentale, engagé au sein d’une équipe d’intervention psycho-médico-sociale. […] ses aptitudes sont avant tout liées à son parcours et son cheminement en santé mentale. Au même titre que les autres intervenants, le pairaidant travaille au service du rétablissement et de l’intégration sociale des usagers […] Au sein d’une équipe psycho-sociale, le pair-aidant portera l’attention, par exemple, sur le rétablissement et les stratégies à développer : le recours à des groupes d’entraide, le recours aux ressources de l’usager, une attention sur ses attentes, ses besoins… »[L]. Les « experts du vécu » existent également dans d’autres domaines : « Outre des obstacles financiers et administratifs, les personnes en situation de pauvreté sont confrontées aussi à des obstacles culturels et par conséquence elles ont peur du jugement et du mépris des professionnels de la santé. La perception de « dépossession » du corps, lorsque celui-ci a été soumis à rudes épreuves, est fortement ancrée et provoque un sentiment de honte. Des participants à la concertation [organisée par le service de lutte contre la pauvreté] ont insisté sur les difficultés à dépasser ces sentiments. Un expert du vécu a fait référence à un projet qui pourrait aider à diminuer ces obstacles : des experts du vécu travailleront prochainement dans des services liés à la santé (hôpitaux, CPAS, …) pour éviter le ‘décrochage médical’ de personnes fragilisées et pour mieux les informer, de façon à ce qu’elles puissent exercer leurs droits aux soins de santé. » (Service de lutte contre la pauvreté, la précarité et l’exclusion sociale, 2014-2015) [M]

Report de responsabilité publique ?

Entre les pouvoirs publics et les diverses initiatives que nous avons évoquées, il semble y avoir une relation ambigüe. D’une part, des cadres légaux en dessinent de plus en plus les contours, avec des possibilités de financement à la clef… et des risques. Des chercheurs se sont d’ailleurs interrogé sur les raisons et les effets du fait que « De plus en plus de terrains laissés jadis à la sphère civile sont de plus en plus souvent investis par le législateur »[F]. En 2011, nous nous posions plus globalement la question du report de responsabilité des pouvoirs publics à travers le financement d’initiatives privées : « […] quand bien même ces derniers [les pouvoirs publics] garderaient une vision globale et équitable, peut-on certifier que cette vision est combinée à des moyens d’action qui répondent globalement et équitablement aux besoins des personnes ? Peut-on aussi considérer que le saupoudrage des politiques d’aide soit une garantie d’action égale pour tous et sur tous les territoires ? Doit-on enfin se réjouir du fait que la capacité de proposition de la société civile devienne un outil de report de la responsabilité des pouvoirs publics, dans la mesure où ce report semble dévoyer les initiatives porteuses de la responsabilité reportée ? »[K]. D’autre part, le manque de reconnaissance par les pouvoirs publics se fait encore fortement sentir comme le pointe le Centre d’éducation à la famille et à l’amour3. Celui-ci dénonce les risques de garder confinées dans la sphère privée les activités du care4 : « devenu l’affaire des femmes et des immigrés [le care] est au service de ceux qui détiennent le pouvoir » et s’en trouve dévalorisé, comme les personnes qui le prennent en charge. C’est également un des enjeux qui animait la campagne « V’là la facture ! » de Vie féminine lancée le 6 mars 2015 – avec la Marche mondiale des femmes. Si les aidants proches ont obtenu une première reconnaissance en juin 2014 – victoire que l’asbl voyait comme un pas à l’ouverture des droits et des aides – deux ans plus tard, la situation est au point mort, comme le relève la Ligue des familles[G] : toujours pas de mise à disposition de moyens, tels que congés ou allégement fiscal pour pouvoir concilier vie professionnelle et vie familiale, ni de reconnaissance du temps de soutien et d’accompagnement de la dépendance comme périodes assimilées pour le calcul de la pension par exemple (voir l’article page 43). En plus de telles stagnations, ne pouvons-nous voir dernièrement des signes de désengagement de l’Etat ? Par exemple dans la promotion de l’auto-soins et de l’autogestion de sa santé annoncée dans la déclaration gouvernementale (voir les articles pages 37 et 65). Ou encore dans le récent projet de loi visant à permettre le don de jours de congé à un collègue qui en a besoin pour enfant malade5. Ne s’agit-il pas là de légiférer, au nom d’une solidarité détournée, un désengagement de l’Etat qui s’opère dans la logique néolibérale de responsabilisation individuelle ? ! Ainsi, en ce qui concerne la reconnaissance des aidants proches, la Ligue des familles[G] salue ce soutien aux solidarités intrafamiliales mais appelle les politiques à renforcer l’offre des services publics d’accueil (handicap, maladie chronique grave, vieillesse…). « Ce dont les personnes en situation de dépendance ont le plus besoin, ce sont des structures publiques d’accueil. C’est ça, la priorité. Tout le poids de la prise en charge ne doit pas reposer sur les familles ». Comme l’explique Aurélie Ehx de L’Autre Lieu, « En tant qu’aidant proche, il est également utile de pouvoir compter sur un soignant ‘proche’ » qui connaisse bien le malade et son environnement. « Un soignant ‘proche’ est aussi l’allié qui va aider dans la coordination de la constitution d’un réseau de soin » dans lequel l’aidant proche constitue un partenaire à part entière. Un « habitat hospitalier » « Ces échanges et solidarités peuvent être plus ou moins facilités par l’habitat, sa « condition hospitalière », ses nouvelles formes et la revitalisation des liens dans l’existant […] Il importe de stimuler ces initiatives et ces dynamiques dans des projets conjoints aux échelles pertinentes – immeuble, groupe d’immeubles, rue, quartier, village, ville. Garder à l’esprit qu’à chacune de ces échelles correspondent des opportunités spécifiques qui s’emboîtent et forment la trame quotidienne de nos existences. L’agir en commun familial, entre voisins, entre habitants se joue à chaque fois autrement, sur d’autres modalités d’entente, de confiance et d’échange. […] ces opportunités s’inscrivent dans une ambition, une vision du développement de reconnexions : habiter en se reconnectant ou vivre dans une disposition à prendre soin des autres et, en particulier, des plus vulnérables ainsi que de nos ressources naturelles et fabriquées. […] c’est sans doute d’abord et avant tout à la manière et à l’ampleur avec laquelle l’habitat nous reconnecte à soi, aux autres et au monde que nous serons à même de mener nos vies en bonne santé et que nous serons capables de prendre patiemment soin les uns des autres, de ménager les ressources, les services ; de ne recourir aux soins médicaux et hospitaliers qu’à partir et seulement à partir du moment où sont dépassées les limites de l’hospitalité de l’habitat et de ses habitants. » (Vanderstraeten, 2015) Renforcer sans détourner Etant donné la probable explosion des besoins à venir avec l’accroissement de l’emprise des maladies chroniques et l’allongement de la durée de vie, nous pouvons faire l’hypothèse que, pour avancer vers une couverture sanitaire universelle, nous aurons besoin à la fois d’une diversité d’initiatives citoyennes créatives et solidaires, plus ou moins informelles, plus ou moins soutenues et plus au moins autonomes vis-à-vis des pouvoirs publics, ET des services publics forts et de qualité. Renforcer la communauté et ses ressources, cela peut-être à la fois une forme de résistance et une voie de transformation… à condition que cela s’accompagne d’une action collective citoyenne visant à refuser le désengagement de l’Etat et le report des responsabilités collectives sur les individus. Une action citoyenne et politique pour un changement de paradigme socio-politico-économique qui permettent de s’attaquer aux racines des causes de mauvaise santé physique et psychique, et de voir par exemple enfin baisser la consommation d’antidépresseurs toujours en croissance chez nous, comme celle de Ritaline®. Comme nous l’évoquions dans un récent dossier, cela passe notamment par une manière de concevoir l’habitat et l’habiter, sur un mode « hospitalier » (voir encart ci-contre) qui soutienne l’émergence d’alternatives et la nécessaire transition6. Cela passe aussi sans doute par l’action communautaire qui contribue à la fois au développement des ressources de la communauté et à l’articulation de cet « échelon zéro » avec le reste du système. Selon M Buse de l’Onusida (agence des Nations-Unies pour le SIDA) cité par Blanchet[A], « les communautés jouent un rôle crucial dans l’augmentation de la couverture des services, l’implication des usagers et la réduction des discriminations et autres violations des droits humains. Nous devons intégrer les systèmes de santé et les communautés de manière à ce que le « universelle » de « couverture universelle » passe de la théorie à la réalité ». Intégration ou articulation de l’« échelon zéro » seront certainement précieuses au Nord comme au Sud en termes de qualité et d’efficience des soins et autres services de santé, notamment en soutenant les citoyens afin qu’ils prennent une place active dans l’organisation et l’orientation du système et des politiques de santé. Gardons à l’esprit cependant que cette approche va à l’encontre des intérêts du « marché de la santé » (voir l’article page 23) par ses effets potentiels en termes de réduction de la consommation (des soins, des médicaments, des services…). Il y a donc là sans doute un territoire à protéger, là aussi par l’action citoyenne.

Documents joints

  1. Des associations ottintoises, dont le Centre d’éducation à la famille et à l’amour (voir plus loin) ont initié il y a quelques mois des « cafés santé » : « un espace convivial pour partager tes ressources et réseaux » en matière de santé. A la maison médicale du Laveu à Liège, c’est le comité de patients qui a mis en place un « café santé » qui permet de faire circuler la parole, donner place aux témoignages sur des thématiques choisies chaque fois par les participants pour la séance suivante (de l’arthrose à la fin de vie en passant par la ménopause) ; un professionnel de la maison médicale est présent comme ressource potentielle ; d’abord à l’écoute, il peut même rester silencieux tout au long du café.
  2. « L’aidant proche est la personne de l’entourage qui, à titre non professionnel et avec le concours éventuel d’intervenants professionnels, assure un soutien et une aide continue à une personne en situation de grande dépendance, à domicile et dans le respect de son environnement. » (Flohimont, 2010)
  3. Le CEPA est une association d’éducation permanente qui travaille sur les thématiques de l’égalité hommes-femmes, des relations de couple et de la violence envers les femmes et a consacré récemment plusieurs analyses à la thématique du care.
  4. « […] thématique apparue au cours des années soixante : le « Care ». L’usage de ce mot anglais n’est pas anodin car aucun mot français n’en rend à lui seul le florilège de sens. Retenons qu’il englobe les notions de soin, d’attention, de sollicitude, de prise en charge et de responsabilité envers autrui sous les deux angles des actes et de l’attitude. » (Larielle, 2015)
  5. « MR et CDH proposent de donner ses congés pour aider un collègue », Bernard Demonty, Lesoir.be, mis en ligne mercredi 3 février 2016.
  6. Voir aussi le dossier de Santé conjuguée n°57 « La face cachée du changement », sur les alternatives et la transition.

Cet article est paru dans la revue:

Santé conjuguée, n° 76 - septembre 2016

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