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Aux sources de la loi


Santé conjuguée n° 68 - juillet 2014

Droit à l’information, droit au consentement libre et éclairé ou encore droit de se plaindre… C’est la loi « droits du patient » de 2002 qui consacre leur existence en Belgique. Mais la promulgation de cette loi ne s’est pas faite sans quelques échanges de vue animés, ni sans quelques craintes émanant, notamment, du corps médical.

La reconnaissance en Belgique des droits du patient par la loi du même nom ( 2002 ) s’inscrit dans un vaste mouvement européen qui s’est amorcé dans le courant des années nonante ( voir encadré ). La volonté belge d’élaborer un droit du patient s’exprime dès 1999 à travers la déclaration gouvernementale fédérale. On y parle tant du droit du patient à l’information que de son droit de se plaindre. La proposition de loi de 2002 a donné lieu à de nombreux débats et discussions. Car elle touche non seulement au respect des patients, aux relations entre patients et médecins, à celles entre la société et ses médecins. Des médecins qui s’inquiètent des effets potentiels « d’instrumentalisation » qui pourraient être induits par la nouvelle loi : les patients, se transformant en « consommateurs » de soins, accepteraient de moins en moins la possibilité d’un risque lié à un acte médical. Imaginant un possible accroissement du nombre d’actions portées en justice, le corps médical se soucie de l’engagement de sa responsabilité pénale. « Il y a un risque de voir se développer une multiplication des procédures de médiation ou de recours à l’encontre des médecins, intentées de manière abusive et disproportionnée par rapport à leur objet. C’est un pas vers une espèce de ‘ judiciarisation’ à l’américaine de la médecine », a-t-on notamment entendu lors de la séance plénière du Sénat du 19 juillet 2002. Judiciarisation versus prévention Pour certains, la proposition de loi est déséquilibrée, ne donnant que des droits aux patients et des obligations aux médecins. « La médecine n’est pas une science exacte. Or le projet de loi place les médecins dans une situation quasi systématique d’accusé », clame un sénateur. Une manière de réduire ce déséquilibre tout en préservant les droits acquis par les patients, arguent alors certains, serait de placer patients et médecins dans une réelle relation de partenariat par le biais d’un contrat de soin. « La loi sur les droits du patient ne cherche nullement à être une menace pour les dispensateurs de soins, ni à exacerber le caractère juridique de la relation entre le demandeur et le dispensateur de soins, rétorque une sénatrice au cours de cette même séance. Au contraire, elle veut prévenir au maximum les problèmes ». Prévenir les problèmes en installant une relation de confiance basée sur l’écoute, l’information et la co-décision. En évitant que le malentendu ne se transforme en conflit juridique. Une dynamique européenne En 1994, le bureau européen de l’Organisation mondiale de la santé ( OM S ) réunit 36 états dans le but de définir les principes et stratégies qui doivent assurer la promotion des droits du patient en Europe. Les travaux menés dans ce cadre, qui aboutissent à la « déclaration sur les droits du patient en Europe » ( ou « charte d’Amsterdam » ) se structurent autour de cinq grands thèmes : • les droits de l’Homme et les valeurs humaines dans les soins de santé ; • l’information ; • le consentement ; • la confidentialité et le respect de la vie privée ; • les soins et traitements. En 2001, l’Active citizen network ( A CN, Réseau de citoyenneté active ) est créé. Regroupant quelque septante organisations de citoyens issus de 30 pays européens, ce réseau publie un an plus tard la « charte européenne des droits du patient ». La charte rappelle les droits fondamentaux et présente quatorze droits des patients : • le droit aux mesures de prévention ; • le droit d’accès ; • le droit à l’information ; • le droit à participer aux décisions ; • le droit à la liberté de choix ; • le droit à l’intimité et à la confidentialité ; • le droit au respect du temps des patients ; • le droit au respect des normes de qualité ; • le droit à la sécurité ; • le droit à l’innovation ; • le droit de ne pas supporter la douleur et la souffrance inutiles ; • le droit au traitement personnalisé ; • le droit de se plaindre ; • le droit à être dédommagé. Une série de droits que l’on retrouve également dans plusieurs déclarations et recommandations internationales publiées par l’OM S et le Conseil de l’Europe. Charge à chacun des pays de les appliquer en fonction des réalités nationales et des systèmes nationaux de santé. L’ignorance des patients quant aux actions à entreprendre en cas de problème lié à une intervention médicale et le nombre important de problèmes demeurant sans solutions justifient, pour le Gouvernement, le projet de loi. Et c’est sans parler de la longueur et du coût des procédures qui sont menées en justice. Le 26 septembre 2002, la loi relative aux droits du patient est donc publiée au Moniteur. Elle détermine les droits fondamentaux de chaque patient : • le droit au libre choix du praticien profes- sionnel ; • le droit à des prestations de soins de qualité ; • le droit à l’information sur l’état de santé ; • le droit au consentement libre et éclairé à la prestation médicale ; • le droit à un dossier de patient soigneusement tenu à jour et conservé en lieu sûr ; • le droit de consultation et d’obtention de copie du dossier de patient ; • le droit à la protection de la vie privée. Un huitième droit sera consacré par la loi du 24 novembre 2004, celui de recevoir des soins visant à soulager sa douleur. Ainsi naquit la médiation en soins de santé En outre, la loi « droits du patient » de 2002 institue la fonction de médiation. C’est l’arrêté royal du 8 juillet 2003 qui en régira l’organisation pratique (voir article suivant). Au delà du traitement de la plainte, c’est, en amont, la prévention de la plainte et, en aval, l’information du patient au sujet des autres possibilités existant en matière de règlements des plaintes qui doivent être pris en charge par la fonction de médiation. Une Commission fédérale « droits du patient » est également instituée par la loi. Elle jouera le rôle de conseiller du ministre de la Santé publique, elle évaluera les fonctions de médiation et traitera les plaintes à l’encontre de ces services. Elle abritera aussi le service de médiation fédéral « droits du patient ».

Aux sources de la loi

Documents joints

Cet article est paru dans la revue:

Santé conjuguée, n° 68 - juillet 2014

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