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Accessibilité à la santé


Santé conjuguée n° 47 - janvier 2009

S’il est urgent d’améliorer encore l’accès aux soins de santé, il l’est tout autant de consacrer des moyens et de l’énergie créatrice pour améliorer les conditions de la santé.

Je parlerai de l’accès à la santé pour tous et non pas uniquement de l’accès aux soins de santé. En effet, le but poursuivi par les maisons médicales est que le patient soit en meilleure santé et les soins de santé ne sont qu’un petit moyen parmi beaucoup d’autres. Dans le secteur de la santé, on focalise beaucoup trop souvent sur les soins. Or, le droit à la santé pour tous passe essentiellement par des interventions sur les déterminants de la santé et donc par des politiques transversales portant sur les revenus, le logement, l’emploi, l’éducation, l’aménagement des espaces, etc. Accès aux soins de santé .Etat des lieux La maladie entraîne des difficultés économiques : le patient est en incapacité de travail et subit une réduction de ses moyens, il doit faire face aux frais hospitaliers (surtout les suppléments car il vit au jour le jour), aux frais médico-pharmaceutiques, payer l’aide à domicile (aide familiale…), adapter son mobilier ou même son immobilier… Certaines personnes sont donc acculées à refuser des incapacités de travail pour éviter une réduction de revenus ou par peur de perdre leur emploi, à différer ou à ne pas avoir recours à des soins, à l’achat de médicaments ou à des achats non remboursés comme les lunettes… Tout aussi invalidantes sont les difficultés d’accès culturel : les filières de soins ne sont pas toujours bien comprises (on ira à l’hôpital plutôt que chez un médecin généraliste), beaucoup d’informations sont données avec support écrit (notice de médicaments, campagne d’éducation sanitaire et de prévention…) alors que 10 % de la population est en incapacité de pouvoir lire. Une bonne partie de l’information est diffusée par internet alors que tout le monde n’y a pas accès et ne sait pas l’utiliser. Il y a aussi le registre des différences culturelles au niveau des modes de vie (sexualité, alimentation, hygiène,…) qui ne sont pas toujours prises en compte par les soignants. .Mesures et aides existantes en termes d’accessibilité aux soins Ces mesures sont de plusieurs types. Nous en citerons quatre : l’aide du CPAS, les statuts préférentiels, les médicaments génériques et le ’Maximum à facturer’ (MAF). Les politiques menées par les CPAS et les moyens dont ils disposent peuvent être très différents d’une commune à une autre. Il en va de même pour les services socio-sanitaires disponibles sur le territoire : dans certaines communes il n’y a d’intervention que pour la moitié des frais de médicaments ; là où il y des hôpitaux publics, il peut y avoir une intervention financière dans les factures… Les mesures de remboursement au tarif préférentiel : VIPO, BIM et récemment OMNIO. Pour les VIPO et BIM, l’obtention du droit se fait en fonction du statut uniquement (ex : les orphelins, RIS…) ou il est couplé avec les revenus (exemple : pensionnés, invalides…). Il existe de plus en plus une automatisation du droit pour ces deux catégories. Par contre, OMNIO ne prend en compte que les revenus sans qu’intervienne le statut. Il est donc moins discriminant mais il n’est pas automatique : il faut en faire la demande. Or, les personnes les plus en marge et les plus exclues ne font pas souvent cette démarche assez fastidieuse d’autant qu’il faut la refaire chaque année. L’automatisation ou la réduction des démarches à effectuer permettrait à un plus grand nombre de personnes d’avoir accès à ce droit. Les génériques permettent une plus grande accessibilité financière des médicaments aux patients mais aussi une plus saine gestion des deniers publics. Cependant, le recours aux génériques n’est pas toujours appliqué par les médecins, influencés par les très puissants lobbies des firmes pharmaceutiques. Or, ce sont elles qui fournissent l’information aux médecins, octroient des avantages, délivrent des échantillons. Face à un médecin qui ne prescrit pas de générique, il sera difficile pour le patient d’oser affronter son docteur et d’en faire la suggestion. Le ’MAF’ est une très bonne mesure pour limiter les dépenses annuelles en soins de santé. Plutôt qu’une mesure facilitant l’accès aux soins, il vise à éviter que des personnes devant faire face à des frais médicaux importants ne tombent dans la pauvreté ou la précarité. Il est calculé automatiquement par les mutuelles, mais les patients n’en ont pas conscience. Petit bémol, les médicaments non remboursés et les interventions non remboursées ne sont pas comptabilisés dans le calcul des dépenses. En conclusion, les mesures existantes ne sont pas toujours connues ou accessibles car il faut au préalable avoir fait le point sur le problème, rassemblé les documents… Leurs effets ne sont pas toujours immédiats (comme le MAF, RCDD, OMNIO), alors que beaucoup de personnes dans le besoin vivent dans l’immédiat. De plus, toutes ces mesures se situent au niveau des soins de santé et non dans la prévention ou dans l’éducation à la santé. Accès aux déterminants de la santé L’état de santé des populations est déterminé par de très nombreux facteurs et les soins de santé n’y jouent qu’un rôle très marginal. La réduction des inégalités face à la santé ne passe donc pas fondamentalement par une amélioration de l’accès aux soins mais par un meilleur accès aux différents déterminants de la santé. Trois exemples : le logement, le pouvoir d’achat et la culture .Crise du logement Les besoins en logement augmentent… et les prix aussi. Ceci ne reste pas sans conséquences. Le logement privé est de moins en moins accessible, en raison des exigences toujours plus grandes des propriétaires (qui par exemple veulent voir la fiche de paye, ou refusent les familles avec enfants,…) et des loyers de plus en plus chers (selon enquête du Droit au logement effectuée auprès de 400 ménages, plus de trois quarts d’entre eux consacrent plus de 30 % de leurs revenus au loyer et près d’un tiers y consacre plus de 50 % de leur revenus). Et ceci sans parler des exactions de propriétaires véreux ni de la mise en location de logements insalubres. Il y a donc une très grande discrimination dans l’accès au logement privé. Le logement social, idéal pour les personnes économiquement faibles puisque le loyer est calculé en fonction des revenus, est en réalité peu accessible en raison du nombre important de demandes en attente. Les sociétés de logements sociaux ne peuvent quasiment plus travailler dans l’urgence, il faut avoir prévu, être assidu et surtout patient (des années d’attente). Il faut mériter son logement social. Un recours improductif : la médicalisation du social. Des personnes sans-abris sont parfois hospitalisées pour pallier le manque de logement. A la sortie, elles sont toujours sans abri et c’est le cercle vicieux. Quand on sait ce que coûte un lit d’hospitalisation, on ferait mieux de créer du logement. Ainsi la crise du logement engendre la médicalisation du social, entretient la promiscuité qui est propice à la violence familiale, provoque l’angoisse des adultes et des enfants (où va-t-on dormir ce soir ?) et parfois des ruptures familiales, avec leurs cortèges de vicissitudes (maison d’accueil, visite des enfants, garde alternée…), sans oublier les problèmes médicaux causés par l’humidité, la mauvaise aération, les chauffages inadéquats… .Pouvoir d’achat On parle de diminution du pouvoir d’achat et on le vit sur le terrain. De plus en plus de personnes éprouvent des soucis à répondre aux besoins élémentaires tels que l’alimentation, ou le logement, d’autant qu’ils sont tentés comme tout le monde par la société de consommation. L’endettement devient malheureusement monnaie courante. Ils ont alors recours, souvent suite aux bons conseils des travailleurs sociaux ou soignants, aux services d’un administrateur de biens pour les protéger (risque d’expulsion, de saisies…). Ils perdent de leur autonomie mais on évite des catastrophes humaines. La mesure les protège car les oblige à prévoir (assurance, épargne…). Quelle est encore l’autonomie de la personne ? Parfois, pour pouvoir vivre, ou pour simplement survivre, ils recherchent de l’argent « autrement » (vol, deal, racket, prostitution, magouilles…). Le règlement collectif de dettes permet à des personnes surendettées d’envisager de voir le bout à un moment donné. Le principe est que tous les biens sont gérés par un médiateur de dettes (avocat désigné) qui fait un plan des dépenses et des recettes du ménage et voit dans quelle mesure le ménage peut rembourser (les intérêts, les frais de justice sont supprimés). Il peut y avoir jusqu’à une remise de dette si on se rend compte que le ménage est en incapacité de pouvoir rembourser quoi que ce soit. Cette procédure n’est pas toujours connue des intéressés et la constitution du dossier n’est pas toujours évidente. Il faut souvent procéder à un « débroussaillage » préalable. .La culture Notre société est organisée autour de la culture de l’écrit alors que 10 % de la population est analphabète. L’exclusion pour ces personnes est omniprésente d’autant plus que beaucoup de services de proximité disparaissent (banque, poste, petits commerces…). Comment constituer les dossiers pour avoir accès à une série de droits ? D’autant que le jargon utilisé est très spécialisé et peu accessible. C’est ainsi que s’installe la dépendance aux services sociaux. Ceci est vrai pour les soins de santé mais également pour tout autre service.

Conclusion

Malgré la couverture sociale, l’accès aux soins pour tous reste un vrai problème. L’accès à la santé ne va pas se résoudre qu’avec des « mesurettes » de sous-catégories. Devant l’augmentation des inégalités face à la santé, il est nécessaire d’envisager l’accès aux soins comme un des facteurs d’accès et de s’engager à combattre les causes sociales et culturelles par des choix plus radicaux et des politiques transversales en faveur de la santé pour tous.

Documents joints

Cet article est paru dans la revue:

Santé conjuguée, n° 47 - janvier 2009

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